Le jazz ou le langage de la démocratie
Sous le couvert des feuilles vertes des arbres, Montréal se transforme en ville-spectacle, particulièrement avec la pluralité des festivals d’été. Actuellement, le Jazz, un style de musique d’origine afro-américaine né aux États-Unis au début du XXe siècle, franchit les frontières du temps et de l’espace pour un événement de foule des plus populaires. Dans cet article, je me propose d’observer quelques éléments pour expliquer l’engouement des connaisseurs et des néophytes pour ce style de musique.
- Une musique universelle et l’expression d’émotions
Il s’agit peut-être du seul genre d’expression musicale populaire universelle rejoignant une immense variété d’intéressés comme le montrent ses multiples influences à travers le temps. Joué à l’origine aussi bien dans les champs que dans les églises, le jazz reflète une expérience d’intersubjectivité ou de partage d’une certaine individualité. Les musiciens y improvisent des états d’âme d’une dimension quasi spirituelle, les plongeant dans certains cas dans une transe profonde, qui franchit toutes frontières laissant place au métissage des formes, au contact du blues, du rock ou encore de la musique latine. Les spectateurs se reconnaissent entre eux, en passant d’une émotion mélancolique à une grande joie de vivre.
Vu sous cet angle, le succès du Festival International de Jazz de Montréal ne cause aucune surprise. Aux côtés des Esperanza Spalding (1), Diana Krall (1)ou Sade (1), etc., s’adressant à des élites dans de grands amphithéâtres, l’amateur ordinaire passera rapidement d’une suite d’émotions à une autre. Le 25 juin, le pianiste John Roney, en lice pour deux grands prix, viendra bercer les spectateurs sous le regard méticuleux des juges; quelques pas plus loin, sur une autre scène, la voix forte et pétillante de Nadja fera littéralement sautiller les gens animés d’une belle émotion de joie.
- Un événement familial, sécuritaire?
Afin d’initier les plus jeunes aux activités musicales du festival et maintenir l’intérêt des familles, des mesures de sécurité sont mises en place. Si des préposés surveillent l’entrée sur le site de substances interdites, personne ne renifle toutefois les thermos ou les bouteilles d’eau pouvant contenir d’autres substances que de la soupe ou de l’eau.
Par ailleurs, l’envoutement généré par la musique peut causer des moments d’inattention chez les adultes, oubliant que des êtres mal intentionnés peuvent se trouver à proximité. Comme pour tout événement de foule, le pousseur de poussettes ou le parent accompagné de jeunes enfants doit prendre quelques précautions s’il ne veut pas afficher la photo d’une disparition sur tous les poteaux de la ville. Paradoxalement, la surveillance parentale génère du stress, un contre-sens aux valeurs de détente et de sérénité qu’incarne cette musique.
Quoi qu’il en soit, tout est mis en œuvre pour rendre l’événement accessible au public. Aux traditionnels jeux gonflables visant à distraire les enfants les plus récalcitrants, le Festival présente de nombreuses prestations de La petite école de Jazz. À l’extérieur, nombre d’amuseurs publics et de saltimbanques offriront aussi des spectacles de cirque, mariant ainsi les arts dans un tout passablement surprenant. Aux échassiers s’ajoutent des numéros d’acrobaties, et encore les percussions du groupe Complètement dingues, à mi-chemin entre la musique et l’humour.
- Des opinions partagées
Questionnés au vif sur la qualité des spectacles offerts, certains exprimeront bien sûr le plaisir de s’initier aux diverses facettes du jazz; alors que d’autres, beaucoup plus critiques, estimeront y avoir vu peu de bons spectacles en dépit d’une impressionnante programmation. Quant aux enfants de l’informatique et des jeux vidéo, j’en ai vu qui n’allumaient à rien, ce qui me semble particulièrement dommage pour plusieurs raisons; il s’agit d’un manque flagrant de ou d’ :
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écoute et empathie : dans la mesure où l’art est un mode d’expression, s’y intéresser équivaut au développement d’une belle qualité d’écoute;
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curiosité : la grande variété des formes artistiques à l’œuvre constitue des traits d’ingéniosité, des qualités essentielles à la résolution de problème en tous genres;
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discernement : la richesse des spectacles représente de nombreuses occasions de réflexion qui tiennent compte de nuances;
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ouverture sur le monde : le Festival de Montréal reflète de nombreuses tendances sur le plan de la culture mondiale.
Conclusion
La musique constitue une forme de langage universel, dans la mesure où les sources d’inspiration proviennent d’une profondeur que plusieurs qualifient de spiritualité. Cet état correspond peut-être davantage au jazz qu’à tout autre genre musical, compte tenu de ses origines éparses et des multiples influences vécues à travers les décennies au contact d’autres genres musicaux. En définitive, il s’agit d’un mode d’expression populaire des plus démocratiques, de gens qui s’adressent à des gens. Pas étonnant que le Festival soit si rassembleur d’années en années.
Texte, photos et vidéos: Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 30 juin 2011