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L’éducation populaire à REVIVRE : la dépression réfractaire vue par Dr Brian Bexton

Publié le par Luc Renaud

REVIVRE est un organisme communautaire venant en aide aux personnes aux prises avec, entre autres, avec des problèmes d’anxiété ou de dépression. Affilié au célèbre Institut de recherche universitaire en santé mentale Douglas, le personnel est en mesure d’offrir à sa clientèle des services d’aide directe de qualité professionnelle et des sessions de formation sous forme de conférences de type grand public.

À la fin du mois de janvier, le médecin, psychiatre et psychanalyste Brian Bexton abordait la question de la dépression réfractaire, c’est-à-dire celle qui subsiste une fois que toutes les solutions connues aient été avancées.

1-      Quelques données sur la dépression

Avant de poser quel que diagnostic que ce soit sur le plan de la maladie mentale, Docteur Bexton rappelle qu’il est tout-à-fait normal de vivre des moments difficiles, et tristes, dans une vie, comme à la suite d’une séparation ou du décès d’un être cher. Les moments de deuil, par exemple, sont généralement bien gérés par l’être humain et conduisent peu souvent à une dépression. Pour qualifier un état d’être de maladif, il faut que les symptômes soient persistants et incapacitants. En plus d’une humeur dépressive ou d’une perte majeure d’intérêt ou de plaisir pendant une période de 14 jours consécutifs, quatre autres critères doivent être vécus pour un diagnostic de dépression majeure : perte ou gain de poids significatifs, insomnie ou à l’inverse hypersomnie, agitation ou ralentissement psychomoteur, fatigue ou perte d’énergie, sentiment de dévalorisation ou de culpabilité, problèmes cognitifs, idées suicidaires ou pensées de mort. Au cours de cette période, il ne peut y avoir de fluctuation : une personne ne peut pas se sentir mal le lundi, pour ensuite se sentir très bien le lendemain…


Une fois la maladie diagnostiquée, le psychiatre insiste sur l’importance de traiter le mal rapidement. Après un premier épisode de dépression majeure, le risque de récidive s’élève à 75% si subsistent des résidus sous forme de trouble anxieux, de perte de concentration, d’énergie et de plaisir, alors qu’il chute à 25% si le traitement est rapide et total. De fait, il est clair que le traitement peut se révéler plus long si une personne souffre à la fois dépression et d’anxiété, puisqu’elle percevra sa vie comme un échec tant en regard du passé que de l’avenir. Fait encourageant, le taux de suicide au Québec aurait chuté passant de 5 événements à 3 sur une base quotidienne.

Le taux de dépression unipolaire est plus élevé chez les femmes que les hommes, alors qu’il y aurait égalité dans le cas des personnes bipolaires. Le traitement d’une dépression unipolaire peut s’échelonner de quelques mois à un an, tandis que celui des personnes bipolaires, et d’une dépression dite majeure, peut couvrir de nombreuses années.

2 -      Le rôle de la médication

Au cours de cette conférence, il a beaucoup été question de médication, des combinaisons possibles et impossibles, et nous avouerons humblement avoir été complètement dépassé par ces questions de spécialité, tout comme la plupart des participants, je crois bien. Nous en avons tout de même retenu quelques principes essentiels, comme :

  • l’obligation pour la personne malade d’une prise régulière de médicaments dans le but de réguler le fonctionnement des neurotransmetteurs;
  • l’importance de se montrer attentif à l’évolution des symptômes au cours des premières semaines de traitement en vue de procéder à des ajustements nécessaires : si aucun changement n’est ressenti rapidement, le changement de produit s’impose;
  • la nécessité de consulter son médecin ou son pharmacien pour la prise de médicaments additionnels sans ordonnance.

L’objectif du traitement antidépresseur consiste en l’élimination quasi-totale des symptômes dépressifs, et le choix de l’ordonnance dépendra de nombreux facteurs, incluant l’âge et le sexe, de la gravité de la maladie, de l’efficacité du produit, de son coût, etc.

La présentation du docteur Bexton a aussi défait certains mythes qui tournent autour de la médication et d’autres produits plus naturels. Si certains patients ont tendance à prendre (ou à perdre du poids), cela vient généralement des effets secondaires associés à la régulation de l’appétit, et non du médicament comme tel. Un gain de poids n’est noté que chez 17% des personnes soignées. Un meilleur contrôle alimentaire, associé à des sessions d’activité physique règle généralement le problème. Le psychiatre affirme également que la prise de médicaments ne génère pas d’accoutumance; ainsi des patients peuvent-ils les délaisser sans difficulté, une fois rétablis.

Le lecteur sera intéressé d’apprendre que l’usage de la cigarette peut être associé à une tendance dépressive, et que celui de l’alcool soulage les symptômes de l’anxiété. Toutefois, Docteur Bexton ne recommande ni l’une ni l’autre de ces solutions, qui provoquent des problèmes d’accoutumance aux conséquences souvent néfastes. Ces données ne servent qu’à confirmer des diagnostics établis par des examens cliniques beaucoup plus minutieux, mais se révèlent d’intéressants indicateurs quant au choix de la médication.

3 -      Le traitement de la dépression majeure

Parmi les autres traitements à la dépression, Docteur Bexton insiste sur l’importance de la psychothérapie, qui agit de façon certaine sur le cerveau. Des exercices physiques, une saine alimentation comprenant des Oméga-3 font aussi partie de la batterie de moyens thérapeutiques.

Ce soir, le 28 février 2012, Mme Nancy Poirier, M.Ps, psychologue du programme des troubles bipolaires du Douglas s’adressera au public sous le thème Pour éviter de déprimer : la pleine conscience. D’autres psychiatres croient aussi à la valeur de la méditation et de la pleine conscience dans le traitement de la maladie mentale. Il en va ainsi de Serge Beaulieu, de Mimi Israel et de Suzane Renaud, médecins rattachés à l’Institut Douglas, et du psychiatre, et blogueur, Christophe André de Paris et auteur du livre Méditer Jour après jour, aux éditions Iconoclaste.

Conclusion

De la médication aux exercices de pleine conscience, il y a semble-t-il un écart philosophique considérable sur la manière de traiter les personnes touchées par la maladie mentale, notamment la dépression. Pourtant la recherche semble indiquer que le chimique n’est pas aussi nocif que certains le prétendent, et qu’il se révèle au contraire nécessaire pour donner un coup de pouce efficace à la nature, selon le psychiatre Brian Bexton. En contrepartie, les vertus de la pleine conscience sont de plus en plus reconnues par le milieu psychiatrique, comme le montrera la psychologue Nancy Poirier dans sa conférence de ce soir.

Pour connaître la liste des sujets présentés dans le courant de la saison actuelle de l’organisme REVIVRE, cliquez sur le lien suivant : http://www.revivre.org/conferences-2009.php.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 28 février 2012 

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L’Office national du film (ONF) contre la discrimination systémique

Publié le par Luc Renaud

Dans l’article précédent, La lutte contre la discrimination et le racisme systémique, nous avons levé le voile sur des phénomènes de discrimination systémique basée sur des différences ethniques. L’échantillon présenté par une série de courts-métrages de l’Office national du film (ONF) laisse croire qu’il s’agit d’une réalité existant dans un large éventail de milieux professionnels; et ce d’un océan à l’autre. Après avoir donné un aperçu de pratiques discriminatoires dans le domaine commercial et dans celui de la santé, nous donnerons dans le présent article des exemples supplémentaires pris dans le domaine de la mode, celui des arts de la scène et même dans les centres correctionnels.

Même si le problème soulevé par la collection de films de l’ONF touche principalement les Noirs, des Asiatiques et des Autochtones, il est envisageable de l’étendre à l’ensemble des minorités dites visibles. Est-ce de la méfiance à l’endroit des étrangers, l’expansion de stéréotypes ou de préjugés, de la xénophobie ou du racisme pur et dur? Nous ne nous sentons pas qualifiés pour apporter de telles nuances; par conséquent, nous nous abstiendrons de tout jugement. Nous n’aborderons pas non plus le phénomène sous l’angle de proportions : Tel groupe adopte-t-il davantage de pratiques discriminatoires.

Nous défendrons seulement l’importance du respect de la diversité et la recherche de dialogue dans une société inclusive, cette même société dans laquelle près de 40% de la population serait prête à vivre l’expérience d’une union maritale interethnique. Ce qui n’est pas rien, quand même et qui dénote une certaine ouverture d’esprit.

1-      La couleur de la beauté

Dans La couleur de la beauté, Elizabeth st-Phillips nous présente Renee Thompson, une jolie femme qui répond parfaitement aux critères physiques recherchées par l’industrie de la mode. Ce mannequin, originaire de Toronto, est grande et mince, et se déplace naturellement d’une manière des plus professionnelles. Afro-américaine d’origine, elle possède aussi des traits du visage qui rappellent ceux d’une femme blanche, ce qui constituerait un grand atout selon les responsables de la mode interrogés dans le film.


Malgré ces qualités, Renee doit faire face à une industrie qui n’accepterait à quelques exceptions que des femmes aux traits caucasiens. Dans un groupe de vingt mannequins, il est possible de réunir trois ou quatre femmes blanches qui ne répondraient pas intégralement aux critères de beauté établies, alors que la femme noire doit au contraire se montrer parfaite.

Certains membres plus libéraux de l’industrie de la mode reconnaissent l’importance de mettre un terme à cette forme de discrimination systémique, pour répondre particulièrement aux besoins de la clientèle florissante en Inde et en Chine qui ne se reconnaît pas dans les mannequins habituels, et pour viser l’expansion de leurs clientèles dans les pays développés. Un magazine italien aurait réalisé un numéro spécial composé exclusivement de mannequins de couleur, sans donner de suite. Ce qui malheureusement sert d’arguments aux détracteurs de l’industrie.

2 -      À quand la justice?

Si le ca présenté précédemment reflètent bien la réalité du racisme systémique, il en va bien autrement de l’histoire présentée par Nadine Valcin dans À quand la justice. Ce film raconte l’histoire d’un agent de la paix autochtone qui se bat depuis 1988 pour changer le climat de racisme vécu auprès de ses confrères. Si certains se sont limités à des insultes comme Fucking Indian, d’autres iront jusqu’à défoncer son casier. Beaucoup de pression sera exercé sur lui pour l’amener à démissionner de son poste, n’importe quel geste de sa part devenant l’objet d’une plainte. En dépit de deux victoires dans de longs combats juridiques, les autorités du centre pénitencier n’ont jamais pris sa cause au sérieux.

À l’instar de Renne Thomson, ce qui n’était à l’origine qu’une lutte personnelle devient vite une cause sociale et symbolique. La réussite personnelle servirait d’exemples à de nombreuses personnes de minorités visibles.

3-      Bout d’essai

Par ailleurs, une actrice d’origine coréenne a su tiré à son avantage les marques discriminatoires, même si elle doit vivre de contrats de tournage qui perpétuent le stéréotype de femmes asiatiques destinées au bordel. Dans Bout d’essai, Linda Lee nous explique qu’on demande souvent à cette actrice de parler vietnamien ou chinois (même pas le mandarin ou le cantonnais) comme si tous les Asiatiques appartenaient à la même nation. Elle tournera cette méconnaissance des cultures à son avantage. Elle remportera un rôle en exprimant beaucoup d’émotion lors d’une audition. Pourtant, elle n’aura eu qu’à prononcer en coréen des phrases telles que : J’ai faim et Il est 13 h 30.

4-      Et si les rôles étaient inversés : Jade

Dans le court-métrage de fiction Jade, datant de 2010, Cal Garingan a voulu faire vivre une expérience-choc de racisme systémique à la communauté majoritaire en inversant les rôles. Les Blancs deviennent pendant quelques minutes les membres d’une minorité visible… invisible dans une entreprise dirigée par une majorité multiethnique.

L’entreprise, qui se défend bien de toute forme de préjugés, affirme que chaque entreprise devrait avoir son Blanc, et prônera l’importance de la diversité culturelle. Dans les faits, Jade, détenant une maîtrise en administration devra se contenter d’un poste de commis et se fera poser des questions sur ses origines et son accent lors des entrevues promotionnelles. On prétendra vouloir lui accorder une chance en lui confiant la préparation d’une importante présentation, mais on la mettra à l’écart, une fois la documentation élaborée, voyant son accent comme un handicap important.

Jade admettra qu’il peut être difficile de changer des pratiques pour répondre à une volonté égalitariste, mais qu’il faut bien se donner la peine de commencer quelque part.

Conclusion

Si les exemples donnés dans le premier article semblaient démontrer un écart important entre la discrimination systémique et le racisme individuel, les sujets présentés ici indiquent clairement des points de convergence entre ces diverses formes de racisme. Un sondage de Léger Marketing réalisé en 2010 révèle que le tiers des Canadiens ont été témoins de comportements racistes, et nous faisons personnellement partie de ce groupe. Il s’agit d’une situation préoccupante puisque d’ici 2031, un Canadien sur quatre serait né à l’étranger, et que les frontières entre les pays deviennent de plus en plus théoriques dans le cadre de l’internationalisation commerciale.

 

Même si de nombreuses personnes minimisent ou nient les données de tels sondages, prétendant que le racisme est beaucoup plus grave ailleurs qu’au Canada, les sondages de Léger Marketing, les enquêtes de la Commission canadienne des droits de la personne et celles, entre autres, de l’Ontario et du Québec, et les coups de sonde de l’Office national du film (ONF) montrent que la discrimination et le racisme sont des sujets suffisamment graves pour mobiliser des ressources à des campagnes de sensibilisation, de prévention et de luttes pour une société plus inclusive.

 [À suivre]

Pour en savoir davantage :

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 26 février 2012

 

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TEDx aux deux pôles de l’avancement de l’humanité

Publié le par Luc Renaud

Technology, Entertainment, Design (TED) est une organisation à but non lucratif dédié au partage des savoirs, surtout par le biais de courtes conférences de haut calibre diffusées sur Internet. L’événement né à Palm Beach en 1984 a pris de l’expansion au fil des ans, offrant deux grandes conventions annuelles, l’une aux États-Unis et l’autre en Angleterre. Le concept s’est étendu à une grande variété de disciplines, d’où la naissance des congrès TEDx  dans plusieurs universités à travers le monde. L’Université de Montréal tiendra le sien  le dimanche 11 mars 2012 prochain.
Une quinzaine de conférenciers ont été sélectionnés dans des domaines aussi variés que le génie industriel, l’architecture, la psychanalyse, la microbiologie, etc. Il y sera question de développement de pointe en matière de décontamination des sols, de laboratoires virtuels, de traitement du cancer à l’aide de la nanorobotique, etc.
Pour nous donner un avant-goût de cet événement de haut savoir, une de nos amies, Katia, nous a mis sur la piste d’une présentation TED extraordinaire qui a eu lieu en juillet 2011, démontrant que l’avenir de l’humanité appartient beaucoup plus à la bonne volonté des hommes et à l’apprentissage permanent qu’à une course effrénée de richesse matérielle. 
1-      Le Barefoot College du village Tilonia en Inde
L’un des conférenciers du TED Global 2011, Sanjit Bunker Roy, a fondé le Barefoot College, l’université des va-nu-pieds, dans le village de Tilonia à Rajasthan en Inde en s’inspirant d’une philosophie aux antipodes des standards officiels. Dans son milieu, les élèves deviennent les maîtres grâce à leur fine maîtrise d’un éventail minutieux de stratégies de survie apprises loin des bancs d’école. Sur le plan psychopédagogique, l’expérience illustre à la perfection la pertinence de l’apprentissage expérientiel et différencié, faisant ressortir le génie naturel des élèves autodidactes dans un esprit de communauté apprenante.
Dans ce système, paradoxalement, la valeur des diplômes ne peut concurrencer le savoir-faire des personnes les plus pauvres et les moins scolarisées de l’Inde.

Aux yeux de Sanjit Roy, fier disciple de Gandhi,  un professionnel  est une personne qui possède une combinaison de compétences, de confiance en soi et de foi. Dans ce contexte, l’instigateur du projet saura mettre en valeur le savoir-faire de personnes illettrées autant dans des travaux de menuiserie, ou dans les tâches de sages-femmes que dans des activités normalement réservées à des professions comme les ingénieurs ou les dentistes.
Face à l’analphabétisme, ou à l’étendue des langues et dialectes cohabitant dans les classes, ou encore à des problèmes de vieillissement, l’approche de M. Roy prévoit l’usage de méthodes de communication  employant des moyens visuels simples, mais efficaces. L’éducateur s’obstine à mettre tout en place pour que chacun puisse réussir sa formation et participer aux activités de la communauté apprenante.
-          Le projet : une communauté autosuffisante et moderne
L’objectif du projet consiste à créer une communauté autosuffisante en totale harmonie avec l’environnement physique et économique de l’Inde afin de combattre la pauvreté, de vivre en toute dignité et de développer son plein potentiel cognitif. En ce sens, le projet ne nécessite financièrement que la bonne volonté des participants, puisqu’il serait utopique de bénéficier de l’appui philanthropique des banques ou des grands donateurs dans les contextes habituels. Le cas contraire maintiendrait les habitants dans un état de dépendance, brisant par le fait même leur merveilleuse capacité d’adaptation à la rigueur de leur environnement. Le groupe pousse même l’audace jusqu’à rejeter un prix de 50 000 $, ne sachant trop pour quelle fin il leur avait été octroyé. Ainsi, démontre-t-on la parfaite inutilité des richesses matérielles.
En dépit des contraintes financières, l’œuvre se veut titanesque, moderne, porteuse d’avenir et exportable. Ainsi, un complexe immobilier entier est conçu avec minutie par des ingénieurs va-nu-pieds et sans diplôme, sur un sol originellement désertique qu’on saura transformer en véritable oasis de verdure, en dépit d’avis en provenance de l’expertise officielle. D’autres technologies du désert seront investies dans le projet, comme la récupération de l’eau de pluie et de rosée récupérée goutte à goutte de manière astucieuse de toitures, et qui assurera à la population des provisions suffisantes en eau potable. Comme source d’énergie, des femmes illettrées sauront construire un ensemble de panneaux solaires, selon une technologie qui sera même exportée dans les régions avoisinantes.
 
Considéré au départ comme une marque de folie, le concept de Sanjit Bunker Roy s’est répandu comme une traînée de poudre dans l’ensemble de l’Inde et dans des pays limitrophes comme l’Afghanistan; procurant un modèle d’espoir aux régions les plus pauvres du monde.
2 -      Mes réactions
La nécessité est la mer de la créativité affirme un adage populaire. Nous ajouterons que cela exige l’implication d’hommes et de femmes d’une volonté qui frise la dévotion. Ces personnes reconnaissent l’existence de graves problèmes, qu’ils ne prennent pas à la légère. Pour eux, les obstacles deviennent des défis, et un problème n’existe que pour nous laisser le soin d’en déployer l’éventail des solutions.

M. Sanjit ne peste vraisemblablement pas vraiment contre l’éducation formelle ou les diplômes, mais contre le snobisme de certains milieux officiels; de plus, il comprend vite qu’il incombe aux habitants des régions les plus pauvres de se prendre en main, de ne rien attendre de personne, et de faire les apprentissages requis à la fabrication des infrastructures nécessaires au développement d’une collectivité, sur mesure, bien intégrée à l’environnement naturel. Qui plus est, il fait confiance au savoir-faire de ces personnes, qui ont appris l’art de la survie dans des conditions environnementales et financières extrêmement difficiles.

Il fait preuve d’une grande confiance également en leur capacité de tirer profit de ce savoir-faire pour le transmettre à autrui dans un esprit de partage d’expertise, mais aussi d’apprentissage continu. Nous voyons dans le Barefoot College un excellent modèle de pédagogie ouverte et une formule drôlement efficace d’éducation populaire.

Conclusion

Petite goutte jetée dans l’océan au départ, l’idée de  Sanjit Roy correspond quasiment à un projet de recherche action systémique (RAIS) dans la mesure où le développement est conçu en exploitant surtout l’expérience des gens de terrain, et dans un esprit d’expansion quasiment sans limites, jetant les bases d’une société nouvelle, sérieuse alternative aux modèles commerciaux qui, à bien des égards, creuse des écarts entre les pays du Nord et ceux du Sud.

Nous souhaitons que le développement de ce contrepoids économique et culturel puisse se poursuivre. Les habitants du Sud y gagneraient tant sur le plan personnel que collectif, en se soustrayant des règles généralement établies, au lieu de participer à l’uniformisation des cultures, issue de la mondialisation. Plus en lien avec leur environnement, ils offriraient aux habitants du Nord un modèle de vie duquel s’inspirer avec fierté.

Peut-être en arriverons-nous, éventuellement, à la mise en place d’un dialogue vraiment égalitaire, et dans le respect de la diversité. Je conclus en réaffirmant ma ferme conviction en la valeur des apprentissages informels et formels, les deux devant former un tout dans une démarche d’apprentissage tout au long de la vie.  Les travaux gigantesques de Sanjit Roy sont valables; les découvertes qui nous seront présentées aux TEDx de l’Université de Montréal, le 11 mars prochain le sont aussi.

Pour plus de détails sur les TEDx, consultez : TEDx UdeM : http://tedxudem.com/Pour ceux qui voudraient y assister, la période d’inscription prend fin le 26 février 2012. Les places sont limitées et des conditions s’appliquent.

Dans la même série

-                    La fin du monde n'est pas pour demain

-                    Les grands enjeux (première partie) : la gestion de la croissance de la population mondiale

-          Les grands enjeux (deuxième partie) : Vaincre l’analphabétisme relationnel

-                    Les grands enjeux (troisième partie) : choisir la polarisation ou la solidarité

-                    Les grands enjeux (quatrième partie): l’occultation de l'essentiel

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 24 février 2012
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La lutte contre la discrimination et le racisme systémique

Publié le par Luc Renaud

Tous mes enfants prennent part maintenant à des activités de chant choral; deux d’entre eux m’ont annoncé être en train de préparer un récital dans le cadre de la lutte contre les préjugés et le racisme qui se tiendra du 19 au 25 mars 2012 au Québec. Plus précisément, cette activité converge vers le 21 mars, décrété par l’UNESCO comme la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, une période de sensibilisation qui touche particulièrement cette année le secteur des entreprises, encouragées à considérer la diversité culturelle comme un facteur positif de développement économique.

Mais pourquoi parler de discrimination au Canada? Dans sa série La tête de l’emploi, l’Office national du film (ONF) offre des ressources informationnelles sous forme d’articles et de blogues, et 11 courts-métrages visant à mettre un terme au racisme systémique et institutionnel. Selon Frances Henry, le racisme systémique est véhiculé par les politiques, pratiques et procédures d’une structure institutionnelle. Il peut, directement ou non, consciemment ou non, favoriser, maintenir ou renforcer les avantages particuliers ou les privilèges accordés aux personnes d’une certaine race. (Les concepts de race et de racisme et leurs implications pour la Commission ontarienne des droits de la personne, décembre 2004). De son côté, le racisme institutionnel recèle souvent des attitudes individuelles auxquelles l’organisation ne réagit pas sérieusement, comme une discrimination exercée lors de l’embauche, fondée sur les préférences de l’employeur. (Idem).

S’ensuit la non-reconnaissance des compétences acquises à l’étranger, ou bien on exigera à la personne qu’elle suive des formations d’appoint non indispensables ou exagérées. Nous retenons des ressources de l’ONF que ce type de discrimination se pratique aussi bien dans certains milieux universitaires, que dans le secteur de la santé ou dans d’autres sphères du milieu professionnel. C’est comme si la société avait établi des règles du jeu qui excluaient une partie de la population, volontairement ou non.

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Dans le cadre du mois de l’histoire des Noirs et en préparation à la Journée internationale de lutte contre les préjugés et le racisme, le blogue de Luc R a surfé dans les ressources de l’ONF et vous en présente un avant-goût dans une nouvelle série d’articles. Il n’est pas question pour nous de porter de jugement, mais bien de jeter les bases d’une réflexion sur l’inclusion.

1-      Au bout du fil

Dans le film Au bout du fil, Chedly Belkhodja rencontre des immigrants qui travaillent dans des centres d’appels de grandes entreprises. Ces personnes lèvent le voile sur des attitudes racistes à leur endroit tant en milieu universitaire que dans leurs démarches de recherche d’emploi. À l’Université de Monction, par exemple, ils perçoivent une cohabitation de deux mondes distincts, soit celui des Canadiens d’origine et celui des autres, venus d’ailleurs. Une femme affirme même que des étudiants ont explicitement pris la décision du maintien de ce fossé, considérant les écarts de nature culturelle infranchissables.

Une fois ses études universitaires terminées, la dame procédera à l’envoi de dizaines de curriculum vitae par mois sans jamais recevoir de réponse, jusqu’au jour où elle épouse un homme né au Canada. Dès ce moment-là, elle prend le nom de son mari; ce qui, curieusement, lui ouvrira la porte à des entrevues, sans toutefois réussir à vaincre la gêne des employeurs qui la rencontraient. Elle prétendra être victime de discrimination reliée à la couleur de sa peau.

Question d’améliorer la valeur de son employabilité, la dame poursuivra des études à la maîtrise, puis complètera un doctorat en comptabilité, mais devra se contenter d’un emploi plutôt routinier dans un centre d’appels. Bien qu’on lui ait promis de bonnes perspectives d’avancement lors de l’embauche, l’entreprise choisira de payer une formation à un employé d’origine canadienne pour un poste de plus grande responsabilité plutôt que de retenir sa candidature à elle, alors qu’elle disposerait de toutes les compétences requises pour le poste en question.

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Le court-métrage présente aussi un homme d’origine africaine qui aura déboursé près de 80 000 $ pour poursuivre des études universitaires avancées, pour aussi devoir se contenter d’un emploi dans un centre d’appels. Envisageant l’éventualité d’un retour au pays d’origine, il avoue s’être senti floué par le faux sens de l’accueil du Canada. Luttant contre de telles attitudes, des responsables du développement économique de la région insistent sur la valeur de la diversité culturelle, particulièrement dans un contexte de conditions démographiques difficiles et de l’ouverture commerciale à l’internationalisation.

 2 -      Médecin sans résidence

Dans Médecin sans résidence, Tetchena Bellange démontre l’existence d’un traitement discriminatoire à l’endroit des médecins formés à l’extérieur du Canada et des États-Unis. Une enquête menée par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec abonde dans le même sens dans son communiqué daté du 16 novembre 2010, intitulé Médecins formés hors du Canada et des États-Unis (DHCEU). Le rapport stipule que : les médecins DHCEU font l’objet d’un traitement discriminatoire sur la base de leur origine ethnique dans le cadre du processus menant au programme de formation postdoctorale en médecine au Québec. Plusieurs recommandations exigent l’adoption d’assouplissements des règles, de manière à fournir aux médecins étrangers de meilleures possibilités d’intégration professionnelle.

Dans le film, un médecin possédant un diplôme reconnu par le Collège des médecins du Québec et possédant dix ans d’expérience en France est incapable de se trouver un poste de médecin en résidence au Québec après deux ans de recherche et de demandes d’emploi. En 2009, 94 postes en médecine seraient restés ouverts, tandis que 60% des médecins formés à l’étranger se voyaient refusés pour des motifs obscurs. L’employeur aurait même systématiquement refusé de fournir les explications demandées pour justifier son refus.

Des représentants du milieu médical québécois expliqueront que la plupart des médecins formés à l’étranger manquent de connaissance du contexte médical québécois. On prétendra, par exemple, qu’un médecin africain peut connaître les traitements de la malaria, mais en savoir trop peu sur les maladies du Québec, comme les troubles cardiaques, l’Alzheimer et les cancers. On reconnaîtra la pertinence de leur offrir une formation d’appoint, mais insistera sur le fait de manquer de ressources pour mettre celle-ci en place.

Dans le film, la plupart de ces arguments seront démentis par les médecins étrangers dans la mesure où les maladies du Canada sont également présentes dans leur pays d’origine, et que les formations en médecine de leur pays d'origine sont offertes dans les villes, souvent à l’aide de spécialistes des pays développés de l’Occident. On s’expliquera mal également les difficultés d’insertion professionnelle vécues par les médecins de pays non tiers-mondistes comme la France, la Suisse ou la Belgique. Face à la pénurie de médecins au Canada, les spécialistes de l’étranger accepteraient d’assumer un rôle d’assistant à un médecin principal, afin de parfaire leur formation et de mieux connaître le milieu organisationnel québécois.

Conclusion

Il semble exister une différence notoire entre le racisme individuel et la discrimination ou le racisme institutionnel et systémique. Cette dernière forme de discrimination ne reposerait pas sur des sentiments désobligeants à l’endroit des gens venus d’ailleurs, mais plutôt sur des habitudes institutionnelles bien ancrées dans des règles et dans des lois, qu’il est essentiel de revoir à la lumière de l’évolution de la société. Notons, toutefois, que les écarts de pratique et de vision, et l’absence de dialogue ouvert génèrent beaucoup de frustration comme en témoignent les deux extraits suivants d’intervenants dans un blogue de l’ONF associé au film Médecin sans résidence.

Un premier intervenant réagit aux propos des responsables du secteur de la santé tenus dans le film : Tellement hypocrite : ça prend un médecin québécois pour traiter la maladie d’Alzheimer??? Il n’y pas de traitement efficace! C’est donc du blabla et rien que du racisme (mal caché), point barre! (GermanDoc, 17 novembre 2010.)

Un autre intervenant se montre encore plus sévère à l’endroit du système médical et de la fermeture de celui-ci à l’endroit des médecins formés hors du Canada et des États-Unis:

Je croyais que c'était juste un problème d'équivalence de diplômes. Je me disais que ce devait être un problème de bureaucrates incompétents et racistes et que le simple fait de refaire les examens pratiques et théoriques au Québec permettrait d'avoir un diplôme du Québec et de pouvoir ensuite être engagé. Il y a pénurie, des médecins diplômés se présentent, tu les prends! Bien non, ce sont nos médecins qui font preuve d'incompétence et qui refusent d’admettre dans leur service des médecins étrangers! C'est une honte pour le Québec! (PierLuc, 21 mars 2011)

Quelques messages se porteront à la défense des autorités, malgré la décision de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse de novembre 2010 reconnaissant l'existence de discrimination dans le milieu médical.

 

Ces cas de figure illustrent bien la sensibilité des gens à toute question relative à la discrimination. Il n’est pas question pour le Blogue de Luc R de porter de jugement, mais plutôt d’explorer ces questions dans un esprit de dialogue et d’inclusion. Dans un second article, nous présenterons d’autres cas de figure, tirés de La tête de l’emploi,  de l’ONF.

Le phénomène de la méfiance, de la xénophobie, de la discrimination ou du racisme a à tout le moins suscité suffisamment d’intérêt pour qu’une chorale du quartier multiethnique de Montréal y consacre son prochain récital.

Pour en savoir davantage :

·         La tête de l’emploi,  de l’Office national du film (ONF)

·         Médecins formés hors du Canada et des États-Unis (DHCEU) de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, 16 novembre 2010

·         Les concepts de race et de racisme et leurs implications pour la Commission ontarienne des droits de la personne, décembre 2004

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 22 février 2012

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De l’autoformation au nomadisme pédagogique avec les TIC

Publié le par Luc Renaud

Mes amis, la première fois que j’ai entendu parler de nomadisme en éducation, le terme était associé au podcast, à tous ces fichiers éducatifs que l’on pouvait télécharger du Web et installer sur un lecteur MP3 avec ou non capacités vidéo. L’accès à de nombreuses applications web, des sites d’information et des médias sociaux, notamment, rendait le concept encore plus intéressant. Ainsi nous est-il possible d’exercer nos habiletés de base : lire, écrire, écouter et visionner des informations à la fine pointe des univers de savoirs actuels de n’importe où que l’on soit. Même le métro de Montréal s’apprête à s’équiper des dispositifs nécessaires à la téléphonie cellulaire. Des données de l’UNESCO nous informent que 90% de la population mondiale peut disposer de technologie mobile, ce qui représente entre autres d’importantes ressources au service de l’éducation de femmes de régions reculées du monde et de l’alphabétisation.

Mais qu’est-ce au juste que le nomadisme pédagogique ou la pédagogie nomade? Est-ce un concept nouveau? Et de quelle manière les technologies de l’information et de la communication (TIC) jouent-elles un rôle de soutien?

1-      Les micromondes de l’apprentissage en dehors de l’école

Une brève enquête sur le nomadisme pédagogique me permet de comprendre qu’il s’agit, à la base, d’une formule éducative datant de la Nuit des Temps, bien avant l’existence même des institutions scolaires. Certains dispositifs sont même associés à l’idée de l’apprentissage à domicile, en voyages, et même pris en charge par les communautés. L’accent y était mis par la transmission des savoirs et des valeurs de la société, qui assurerait la pérennité de la collectivité. De nos jours, y es intégrée l’acquisition des notions des programmes scolaires officiels.

D’une manière ou d’une autre, nous sentons l’importance d’un contexte scolaire informel qui mette l’accent sur le développement personnel et l’acquisition de stratégies d’apprentissage autonomes. Pensons au concept des voyages qui forment la jeunesse, des navires-écoles ou du maintien des élèves dans la jungle, loin des villes et de la modernité. Au contraire, pensons à une redéfinition de l’école dans laquelle les professeurs et les élèves partagent les tâches de conciergerie, de cuisine, en plus des cours. En ville, les musées, l’art de la rue (les murales, l’architecture, etc.), les expériences de compagnonnage en milieu de travail deviennent d’importantes sources d’informations.


Dans l’ensemble de ces systèmes, les élèves apprennent à faire face aux aléas de leur environnement, l’art de la débrouillardise, des compétences de nature professionnelle, etc. bien en lien avec le monde réel. Le hic, c’est que, bien que très motivantes, ces approches ne faciliteraient pas pour autant l’acquisition de meilleures compétences de l’orthographe et de l’écriture. Cela attise la foudre des fervents des méthodes traditionnelles qui, de leur côté, reposent sur une approche industrielle de l’éducation : tout le monde doit tout faire de la même manière et au même rythme, peu importe la nature des intérêts personnels.

 

2 -      Le rôle des technologies portables

De prime abord, les technologies portables facilitent le rapprochement des frontières. Jamais dans l’histoire de l’humanité, le savoir officiel n’a été aussi disponible à l’ensemble des habitants de la terre. Chacun des micromondes mentionnés précédemment peut y avoir accès par le biais d’un lecteur MP3, d’un ipod, d’un téléphone mobile, d’une console de jeu vidéo, d’un GPS même, d’une tablette numérique ou d’un ordinateur portable, etc. Par conséquent, l’expression e-éducation nomade, ou d’éducation nomade en ligne serait-elle plus appropriée.

Cet accès au savoir mondial à tous facilite-t-il la modernisation ou bien constitue-t-il une forme d’intrusion culturelle dans certains milieux. Je pense ici à l’impact d’un dispositif d’éducation nomade en ligne au sein des communautés amazoniennes, par exemple. Au bout du compte ne risquerait-on pas de perdre au change la richesse de savoirs ancestraux au profit d’une forme d’uniformisation des savoirs? Si ces questions méritent que l’on prenne le temps d’y réfléchir, on peut aussi se demander quels sont les risques occasionnés par le fait de garder tout ce savoir entre les mains des seuls pays industrialisés. De plus, peut-on humainement accepter le manque de transfert d’expertise dans le domaine des soins de santé? Peut-on accepter le maintien d’inégalités mondiales au nom d’une idéologie émanant, de toute manière, des efforts menés essentiellement par les pays industrialisés?

Notez que l’intrusion des TIC dans ces communautés permettrait en retour à celles-ci de mieux faire connaître leur réalité au reste de la planète, et de rejoindre la sensibilité de tous les bien-pensants qui ne demandent pas mieux qu’à faire preuve de solidarité.

3 -      Et l’autoformation…

Si de telles questions morales se posent sur le plan des relations entre les pays du Nord et ceux du Sud, cela n’enlève rien au fait que l’intrusion de gadgets électroniques dans un micromonde donné ne transforme jamais d’emblée le savoir en connaissance. De nombreuses écoles secondaires du Québec procèdent même à la confiscation des téléphones mobiles de leurs élèves, démontrant ainsi leur incapacité à tirer profit des avantages offerts par ces outils sur le plan du nomadisme éducatif. De nombreux éducateurs et de parents dénoncent avec force et souvent avec raison du temps consacré par leurs enfants avec une manette de jeu vidéo, au détriment d’activités sportives ou … d’apprentissage.

Il est même permis de se demander si l’intégration de ces accessoires ne détruirait pas l’équilibre des dispositifs éducatifs déjà en place dans les écoles… hors de l’école. C’est peut-être pour cela d’ailleurs que le milieu scolaire éprouve de la difficulté à motiver les jeunes. Notez que des enseignants éprouvent aussi de la difficulté à utiliser les TIC en général, se contentant souvent de recherche d’informations sur le Web…

De fait, l’usage éducatif des technologies portables demande l’élaboration de scénarios d’apprentissage, mais surtout d’importantes habiletés autodidactes chez l’élève, ce qui nous ramène à une question fondamentale : à quoi sert l’éducation?

Conclusion

Le nomadisme scolaire constitue vraisemblablement la formule éducative la plus employée par l’être humain au cours de son évolution. C’est l’école qui s’est pointée de manière intrusive au cours de l’histoire, sans doute pour employer le monde adulte à d’autres tâches de son développement. D’une certaine manière, l’expansion des technologies portables retire des pouvoirs à l’école au profit de l’école de la vie. Il est à espérer que les responsables scolaires et la population en général en arriveront à mieux harmoniser leurs pratiques de façon à répondre aux besoins de chacun et de tous.

Pour en savoir davantage :

·         Nomade, vous avez dit nomade?

·         Radio, podcasts en milieu scolaire

 

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 20 février 2012

 

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Un incontournable : les technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation

Publié le par Luc Renaud

Mes amis, j’aimerais vous parler aujourd’hui des technologies de l’information et de la communication (TIC), en vous amenant à vous interroger  sur le rôle qu’elles prennent sur le plan éducatif. Doit-on les employer; ou bien sont-elles au contraire néfastes comme certains s’efforcent à nous le faire croire? Et, quelles sont les approches et les stratégies qui devraient nous guider pour faire un choix judicieux d’une technologie? Mais d’abord, sommes-nous sûrs de vraiment comprendre le domaine des TIC?

1-      Qu’est-ce que les technologies?

Si je suis devant un groupe d’élèves en langue seconde et que je montre une gomme à effacer, un vieux bas de laine, ou encore un interrupteur électrique en demandant à mon auditoire d’identifier l’objet, dans un exercice de compréhension de vocabulaire; et si, par la suite, je demande à chacun d’entre eux d’écrire le mot désignant l’objet sur une feuille de papier, puis d’en vérifier l’orthographe dans un dictionnaire, l’approche semble plutôt traditionnelle, n’est-ce pas?


Pourtant, les objets mentionnés sont tous le fruit d’un développement technologique. Aucun d’entre eux n’existerait sans l’intervention de l’homme et un complexe processus de transformation de la matière première. Cela est vrai de tous les objets que nous employons dans notre vie quotidienne, et à l’école : du four à microondes au simple crayon à mine.

Par ailleurs, l’approche pédagogique présentée dans cet exemple n’est pas anodine. Notons que l’usage de l’objet (l’efface, la chaussette, l’interrupteur) exploite une stratégie mnémonique d’association d’un stimulus visuel à un mot, que l’on prononce et que l’on écrit. L’usage de plusieurs sens répond à certaines règles de la théorie de l’information, visant à faire passer plus facilement de nouvelles notions de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme.

Le choix de mots de vocabulaire courant et d’objets usuels facilite aussi l’apprentissage dans la mesure où l’étudiant aura la possibilité d’exploiter ses acquis plus souvent en dehors de la classe. L’usage du dictionnaire, technologie issue de l’imprimerie, facilitera la compréhension de la forme écrite de mots de vocabulaire dans un contexte qui responsabilise l’élève dans son apprentissage.

Si tout instrument mis à la disposition de l’enseignement est le fruit de la technologie, on comprendra qu’il est à toute fin pratique impossible de s’en passer en éducation. Alors, la véritable question à se poser est la suivante : de quelle manière  employer les TIC avec efficacité?

2-      Comment employer les TIC de manière efficace?

Nous entendons souvent des gens parler de la nécessité de revenir à des méthodes d’enseignement traditionnelles, prétextant que celles-ci donnaient de meilleurs résultats scolastiques. Ces mêmes personnes reprocheront aux jeux vidéo et à la télé de n’être qu’un amas de stimuli attrayants, cultivant chez leurs usagers des comportements délinquants, d’une efficacité comparable à celle d’un hallucinogène. Nous avons déjà démontré les limites de ce point de vue alarmiste dans un autre article de blogue, en présentant même les qualités cognitives et sociales en jeu avec ces deux supposés ennemis publics de la créativité et de l’apprentissage.

Une heure devant un écran peut ou bien constituer une perte de temps et une activité isolée; ou, au contraire se transformer en source d’apprentissage et générer une multitude d'échanges de points de vue entre les élèves. C'est la manière d'employer le média qui fait la différence. L’élève est-il appelé à regarder ses émissions en totale liberté, ou bien l’amène-t-on à s’interroger à l’aide d’un questionnaire de compréhension ou d’un outil de collecte d’informations. Le laisse-t-on entièrement seul, ou bien l’amène-t-on à partager ses nouvelles connaissances avec d’autres dans le cadre de projets?

-          Des éléments du socioconstructivisme

Vous me voyez venir. Dans un article antérieur, j’ai brièvement abordé la question des scénarios pédagogiques exploitant l’usage des TIC, basés sur une approche socioconstructiviste, dans un cours que j’ai donné à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) il y a une dizaine d’années. Il m’arrivait à l’époque d’amener mes futurs enseignants d’abord à identifier les paramètres du projet qu’ils voulaient faire vivre à leurs élèves. Se limiterait-on à de simples recherches d’informations  dans le but de documenter une présentation orale? Ou bien voudrait-on amener des élèves à mieux comprendre les réalités du monde international par le biais d’un jumelage linguistique avec des élèves d’un autre pays? Penser en premier au projet et non aux TIC était une façon de ne pas placer la charrue devant les boeufs.

Une fois les paramètres de base du projet définis (objectifs, séquences d'activités...), il devenait beaucoup plus facile de faire un choix de technologies en conséquence, de penser aux moyens. Internet, par exemple, devenait une ressource fabuleuse, non seulement pour y faire de la collecte d’informations, mais aussi pour y établir la base d’une communication entre les élèves. De nos jours, les médias sociaux comme Facebook ou les blogues constituent des moyens incontournables de diffusion et d’échange d’informations en dehors du milieu scolaire.

-          Le nomadisme pédagogique

L’avènement des technologies portables comme les lecteurs MP3 ou les iPad ouvre de nouveaux horizons à l’apprentissage. Un seul petit bidule électronique peut contenir une somme astronomique de chansons et de livres audio, transportant l’apprentissage des langues, par exemple, dans le métro, dans la salle d’attente d’un hôpital,  en poussant son charriot d’épicerie dans un supermarché, ou dans nos petits déplacements à domicile. Bref, partout où l'on n'a rien à faire qui nécessite notre concentration. Ces instruments offrent de nouvelles avenues à la formation en ligne qui, déjà, permet de rejoindre des clients aux prises avec des contraintes d’horaire ou de déplacements. Chaque seconde de notre vie active peut être consacrée à des exercices d'apprentissage. 

Le nomadisme éducatif par le biais de la technologie offre de nouvelles options aux stratégies d’apprentissage découlant de l’autoformation, faisant littéralement éclater les murs de l'école.

Conclusion

Je ne reviendrais pas en arrière en éducation, connaissant le potentiel énorme que nous offrent les TIC tant sur le plan du développement des habiletés cognitives, que sur le plan social; ou encore de ce qu’il est convenu d’appeler la démocratisation des savoirs. L’accès à l’apprentissage déborde largement de nos jours le cadre purement scolaire, et c’est tant mieux! Les TIC contribuent efficacement à la mise en place de dispositifs d'apprentissage personnalisés, renforçant une démarche en autoformation et articulée autour de rapports sociaux. Je suis toutefois d’accord qu’un usage efficace des TIC en éducation repose sur l’élaboration de scénarios d’apprentissage et des approches pédagogiques éclairées. Sans cela, nous ouvrons la voie à tous les excès, donnant des munitions aux fervents du retour aux vieilles méthodes. Et tel n'est surtout pas notre intention.

[À suivre]

Dans la même série :

Texte : Luc Renaud M.A Sciences de l’éducation, le 18 février 2012 

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Stéphane Daraiche, quadriplégique, artiste-peintre professionnel

Publié le par Luc Renaud

Je me sens privilégié d’avoir rencontré Monsieur Stéphane Daraiche, le seul artiste-peintre de la bouche de Montréal, membre de l’association des artistes peintres de la bouche et du pied (APBP) du Canada. L’entrevue s’est déroulée à la résidence pour personnes semi-autonomes de cet artiste quadriplégique, accompagné de sa mère. Avec eux, j’ai cherché à mieux comprendre le sens de l’art de cet homme à la stature du héros.

Dans cet article, il sera question du travail artistique de Stéphane Daraiche, mais aussi de sa foi, de la suprématie des qualités l’être sur celles de l’avoir ou du matérialisme, et de la beauté de la vie.

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Scène de la Nativité / Bateau « cauchemar »

1-      Un artiste-peintre reconnu

Depuis 2006, le peintre aura fait parvenir à l’APBP plus d’une centaine d’œuvres originales, à raison d’une dizaine par année. Certaines font l’objet d’une reproduction sous forme de cartes de Noël et de calendriers, générant ainsi des revenus à l’artiste, boursier-étudiant. À titre de travailleur autonome, Stéphane crée aussi des tableaux qu’il lui est arrivé d’exposer au Complexe Desjardins de Montréal ou encore au Symposium de la Route des fleurs à Laval en 2009. Un de ses tableaux a même été exposé au musée McCord à Montréal.

Certaines des œuvres sont encadrées et vendues dans une fourchette de prix variant de 100$ à 450$, bien en deçà de leur valeur réelle selon des experts rencontrés. Au moment de notre visite, Stéphane venait de compléter la base d’un tableau de grande dimension portant sur une scène de la Nativité et destiné à un concours de crèches de Noël en Suisse. Il nous a également parlé de trois thèmes qui lui ont inspiré une série d’œuvres : des chevaux, des bateaux, et l’équipe de hockey Les Canadiens de Montréal. Il se remémore avec joie sa rencontre des anciens joueurs Réjean Houle et Yvon Lambert à la suite d’une de ses expositions. Il aimerait beaucoup rencontrer Céline Dion, un jour, de qui il a peint un portrait en s’inspirant d’une photo; et rêve de visiter la maison de son idole Elvis Presley à Graceland. Quelqu’un l’aidera-t-il dans la réalisation de ces rêves?

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Passionné d’Elvis Presley

Le sous-sol de la résidence pour personnes semi-autonomes constitue aussi une minisalle d’exposition. Il y présente en permanence un tableau de grande taille, un bateau, dont il se sent particulièrement fier. Son cauchemar, nous dira-t-il, lui aura occasionné de nombreux maux de tête, surtout à cause des vapeurs d’huile qui se dégageaient de l’œuvre en cours de réalisation. Le travail aura exigé trois mois et demi, à raison de deux jours par semaine et de 5 heures par jour. L’artiste aura dû, par moments, visualiser son image à l’envers compte tenu des limites imposées par l’obligation de peindre avec la bouche. Pour compléter la partie supérieure, on aura pris soin de renverser le tableau pour que celui-ci reste à la portée du peintre, perfectionniste et soucieux de réalisme.

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Les premiers dessins de Stéphane Daraiche

Pour Stéphane Daraiche, la peinture devient non seulement une façon de gagner son pain, mais aussi une manière de développer de grandes habiletés mentales comme la visualisation, la mémorisation, l’imagination et l’expression de son monde intérieur. Dès son jeune âge, il occupera ses journées à dessiner, jusqu’à ce que son entourage ne se décide à lui faire prendre des cours de peinture. De fait, son principal professeur, Monsieur Marcel Morin, agira surtout à titre de conseiller, sur le choix des couleurs par exemple, puisque personne ne dispose vraiment de techniques associées à l’art de peindre avec la bouche ou avec une licorne, sauf l’artiste lui-même.

2-      L’apprentissage d’une mission : donner le goût de se dépasser

Happé par une automobile à l’âge de 6 ans alors qu’il faisait une randonnée à bicyclette, l’artiste devra passer plusieurs mois dans le coma et y vivre une expérience exceptionnelle. Il nous racontera s’être vu dans son lit d’hôpital, de s’être approché d’un tunnel de lumière et d’y avoir fait la rencontre d’êtres spirituels. Ces derniers lui auront signifié qu’il parlerait de nouveau un jour, mais qu’il n’arriverait plus à marcher. Ces êtres lui auraient aussi laissé entendre qu’il devrait découvrir sa mission par lui-même, le ramenant comme un coup de vent à réintégrer son corps. N’était-ce qu’un rêve, qu’une vision, le fruit de son imagination, ou une NDE (Near Death Experience)?

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Le tunnel de lumière vu dans le coma

Peu importe. Croyant en Dieu, Stéphane prétendra s’être retrouvé en sa présence. La mère de l’artiste nous montrera la photo d’une toile peinte par son fils pour représenter sa vision dans le coma. L’artiste, qui a peint le tableau plusieurs années plus tard,  affirme se rappeler de l’événement comme s’il venait tout juste de se produire, et reconnaît que les anges dessinés ne reflètent pas précisément sa vision.   

Depuis sa sortie du coma, Stéphane Daraiche avoue avoir mis beaucoup de temps à accepter son handicap; il ajoutera, d’ailleurs, ne pas l’accepter entièrement même 35 ans plus tard. À une période de sa vie où il se sentait particulièrement découragé, il aura par exemple peint des démons intérieurs remplis du feu de la frustration, de la colère et du sens de l’injustice. Puis, il affirme avec conviction avoir compris l’importance de se prendre en main, de transformer l’autonomie en idéal de vie et de voir le bon côté des choses près de sa fiancée. Certains tableaux de chevaux dégagent beaucoup de force et de puissance, reflétant son désir de surmonter les grandes épreuves de la vie.

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Stéphane Daraiche et Luc Renaud

Conclusion

Celui qui dispose de limites physiques majeures nous livre le message suivant : la vie vaut la peine d’être vécue. Quand on veut, on peut. On peut surmonter n’importe quel obstacle, ajoute-t-il, la voix remplie d’émotion. C’est également le même message qu’il a livré en conférence à des personnes handicapées ayant subi des accidents similaires au sien. Après l’avoir rencontré, plusieurs ont retrouvé le goût de se reprendre en main, comprenant la valeur et la beauté de la vie. L’artiste apprécie le soutien de sa mère et de ses proches, attristé de savoir que d’autres ont plutôt été abandonnés à cause de leur handicap.  

Dans nos sociétés où la richesse financière et l’accumulation de biens matériels génèrent de l’insatisfaction et d’inutiles conflits, il est rafraichissant de rencontrer des personnes qui, comme Stéphane Daraiche, remettent les pendules à l’heure de l’être au lieu de l’avoir.

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Autoportrait (fait par son professeur) / Stéphane et sa mère, Micheline Marley

Sa mère et lui me remercieront plusieurs fois de m’être intéressé à cet artiste; alors que, de mon côté, il s’agit pour moi d’une rencontre mémorable. Ce n’est pas tous les jours que nous nous trouvons face à la pureté et à la puissance de la vie.

Il sera possible de voir la nouvelle exposition de Stéphane Daraiche,  dimanche le 1er avril prochain, à l’église Notre-Dame-de-Fatima, 2000 Marie-Victorin à Longueuil. L’artiste offrira aussi au visiteur une démonstration de sa technique unique.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 16 février 2012

Photos: Omaira Rincones

Dans la même série:

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Le mois de l’histoire des Noirs au Canada : des modèles pour tous

Publié le par Luc Renaud

Le mois de l’histoire des Noirs au Canada est une occasion pour les Noirs de se faire les gardiens de la mémoire d’un passé difficile, de leurs luttes contre la discrimination, le racisme et même l’esclavage. L’événement permet aussi de promouvoir des modèles de réussite dans diverses sphères de la société. Après avoir levé le voile sur de tristes situations concernant l’histoire du Canada dans notre premier article, nous nous intéressons cette fois-ci à l’importance des modèles de réussite.

1-      Les signes de l’émulation

La contribution des Noirs à l’essor du Canada est palpable dans toutes les sphères de la société. Sur le plan militaire, ils contribuèrent à l’édification du monde libre nord-américain en combattant aux côtés des autres canadiens au cours de la Guerre 1914 – 1918, ainsi que dans celle de 1939 – 1945, malgré de grandes résistances des forces armées. Déjà dans le tournant des années 1860, la Nouvelle-Écosse reconnut le rôle de William Neilson Hall à Calcutta en Inde, alors qu’à l’autre bout du Canada, en Colombie britannique l’homme d’affaires Mifflin Gibbs est élu conseiller municipal en 1866. Ces percées historiques s’accomplirent non sans heurt. En 1911, la région de Winnipeg avançait même la possibilité d’exclure les immigrants noirs du pays.


La fin du vingtième siècle et le début du vingt-et-unième traduisent, semble-t-il, la réalité d’une meilleure acceptation de la présence des Noirs au Canada. Sur le plan sportif, la défunte équipe de baseball, les Expos de Montréal, habillait de nombreux joueurs afro-américains adulés de l’ensemble des amateurs de ce sport professionnel. Sur le plan artistique, les grands talents de Gregory Charles sont largement reconnus par la population. Les sopranos Marie-Josée Lord et Measha Brueggergosman connaissent aussi du succès; des auteurs comme Austin Clarke, Dany Laferrière et Laurence Hill remportent des prix littéraires. Ce dernier est l’auteur d’Aminata, un roman historique racontant les pérégrinations de la jeune Aminata Diallo, retirée de son village natal africain, pour y connaître l’enfer des négriers avant de se retrouver comme esclave sur le continent américain.

Dans cette courte liste de personnalités, il nous semble important de mentionner Madame Michaëlle Jean, journaliste, nommée Gouverneure générale du Canada en 2005, pour ensuite être nommée représentante spéciale de l’UNESCO pour Haïti en 2008. Pendant ce temps, un mouvement de changement devait conduire Barack Obama aux élections du 4 novembre 2008 aux États-Unis.

2-      L’importance de tels modèles

Vu de l’extérieur, les luttes contre la ségrégation semblent choses du passé puisque le succès des personnalités mentionnées contribue au rayonnement de l’ensemble des Canadiens et démontrent de beaux succès sur le plan du multiculturalisme. Sans nommer personne, nous savons pertinemment que ces modèles jouent un rôle d’émulation important au sein de la communauté noire.

 

Il nous semble évident, par ailleurs, qu’il s’agit là de bons exemples à suivre, non seulement par les jeunes Noirs, mais par l’ensemble de la population, dans la mesure où chacun ont fait preuve d’une belle ambition personnelle, contribuant également au développement de la collectivité. Nous aimerions qu’à travers eux se lisent non pas la clé du succès d’un peuple, mais celui d’une composante importante de l’humanité.

Par ailleurs, la nécessité même d’un événement comme le mois de l’histoire des Noirs traduit la fragilité du progrès accompli, une réalité encore imprégnée de discrimination, voire même de racisme, et démontre l’existence de chemin à parcourir avant l’avènement d’un véritable village planétaire. Ultimement, nous souhaitons que disparaissent les frontières psychologiques et sociales. Se demande-t-on, par exemple, de quelle nationalité appartenait Gandhi ou le Dalaï-Lama? Se rappelle-t-on que Lennon était britannique? Oui, nous connaissons l’origine des personnalités mentionnées; mais leurs noms évoquent des messages beaucoup plus puissants. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi des Luther King ou des Bob Marley du monde actuel? Remarquez que l’annonce des décès de Michael Jackson et, tout récemment, de Whitney Houston semble avoir rejoint le cœur de fans de toutes les cultures.

3 -      L’impact de la réussite : source d’inspiration sur la culture générale

Il est clair que le monde devrait mieux connaître les œuvres d’artistes peintres haïtiens comme Myrtha Hall, Jean-Pierre Lookens  ou Joseph Frantz, et savoir que Haïti est à l’origine de plusieurs styles artistiques. Il en va de même de l’art et des artistes africains. Il s’agirait d’une manière de mieux apprécier la valeur des gens, et d’une manière de focaliser l’attention sur les aspects constructifs de la communauté. L’art ne rejoint-il pas des cordes universelles?

L’aquarelliste Huguette Bernais semble être parvenue à une rencontre intersubjective avec l’Afrique, en s’inspirant largement des décors africains et des gens dans la réalisation de ses tableaux de la fin du XXe siècle et du début du XXIe.

Conclusion

Notre premier article sur le mois de l’histoire des Noirs a levé le voile sur de dures réalités historiques moins bien connues des Canadiens concernant l’esclavage du début de la colonisation française et anglaise au Canada. Nous y avons fait ressortir la valeur des luttes menées contre la discrimination en voyant dans le comportement social les travers de volontés individuelles. En ce sens, nous affirmions que les meilleures formes de combats reposaient sur l’établissement de rapports humains de nature multiculturelle.

 

 

Le présent article a davantage fait ressortir des exemples de réussite des Noirs qui servent de modèles à suivre et de sources d’inspiration à l’ensemble de l’humanité. Tout en se faisant les gardiens de la mémoire, les tenants de l’histoire des Noirs démontrent également la dimension intemporelle et sans frontières du génie humain.

Pour lire la première partie de notre dossier sur le mois de l'histoire des Noirs au Canada, cliquez sur ce lien.

 

Dans la même série:

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 14 février 2012

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Le mois de l’histoire des Noirs : du macrocosme au microcosme

Publié le par Luc Renaud

Du 1 au 29 février se tient les activités du mois de l’histoire des Noirs au Canada. Des conférences et des activités muséales y seront organisées; un guide pédagogique met en valeur de grandes personnalités comme Jackie Robinson, le premier joueur de couleur dans le baseball professionnel, et le jazzman Oscar Peterson, plusieurs fois récipiendaires de prix Grammy. D’autres personnalités, démontrant l’importance des Noirs dans le développement du Canada moderne, seront aussi mises à l’honneur. Malgré ces progrès, l’événement nous rappelle l’existence de préjugés, même si l’abolition de l’esclavage a été décrétée au cours du 19e siècle.

De fait, le regard que nous porterons sur ces gens ouvre une véritable boîte de Pandore sur les travers de l’humanité, et nous rappelle que le comportement social n’est que le prolongement des attitudes individuelles, le lieu de rendez-vous du macrocosme et du microcosme.

1-      Quelques mots sur l’esclavage

C’est avec la télésérie Racines, puis rétrospectivement avec le roman éponyme que j’ai été sensibilisé à la question de la traite d’êtres humains, puis à l’esclavage des Noirs africains en Amérique. Dans ma tête d’enfant âgé de 11 ans, le problème impliquait surtout de méchants Américains du sud allant à l’encontre des ordres du bon Président Lincoln (qui ne voulait pourtant rien savoir d'une magistrature noire), de la sensibilité des habitants du Nord et des Canadiens toujours accueillants.

Quelle naïveté!

 


 

Aucun manuel d’histoire de mon adolescence ne faisait référence à Olivier LeJeune, arrivé d’Afrique au Canada à l’âge de 6 ans en 1628 pour être vendu comme esclave à la famille Couillard. Sera aussi ignoré le cas de Marie-Joséphe Angélique, torturée et pendue en 1734 après avoir été soupçonnée d’avoir mis le feu à la demeure de ses propriétaires à Montréal. Sous le Régime français, le Canada aurait compris plus d'un millier d’esclaves noirs et amérindiens, alors que des esclaves étaient vendus aux enchères à Montréal, Québec et Trois-Rivières sous les Régimes français et anglais.

Il aura fallu attendre 1834 pour que l’esclavage soit officiellement aboli au Canada, un an après le Jour de l’Émancipation né de l’abolition de l’esclavage par le Parlement britannique le 28 août 1833. Pendant toutes ces années, comment expliquer par ailleurs la complaisance du clergé canadien à l’endroit de l’esclavage, contrevenant par le fait même aux ordres du Pape Paul III qui, au nom de la primauté de la liberté, s’opposait avec véhémence à de telles pratiques dès 1537?

 

 

Si la lutte des Noirs pour la liberté et leur émancipation a gagné du terrain depuis cette époque lointaine, l’Afrique noire, à quelques exceptions près, compte toujours parmi les régions du monde les plus pauvres, et Haïti demeure un pays perpétuellement à reconstruire. Bref, l’ampleur du défi à relever est énorme. Mais veut-on réellement se retrousser les manches et se mettre à la tâche? Plusieurs en doutent. Les principaux intéressés sont souvent laissés à eux-mêmes, comme l'a démontré l'indifférence de la communauté internationale lors du génocide rwandais.

2 -      L’arbre qui cache la forêt

Malheureusement, la traite d’êtres humains et l’esclavage constituent des sujets encore d’actualité, sous des formes variées. En plus des cas classiques, pensons entre autres à la pornographie juvénile et aux réseaux de prostitution, et même à des sans papiers aux prises avec des maîtres cruels et assoiffés de pouvoir. La privation de liberté prend aussi la forme de kidnappings visant la demande de rançons ou encore dans le cadre de lucratifs trafics d’organes. Des téléséries abreuvent leurs téléspectateurs de tels spectacles, transformant des pratiques criminelles en divertissants spectacles.

Face à ces dures réalités, la plupart d’entre nous sommes saisis de frayeur, peut-être à l’instar de ceux de nos ancêtres qui s'opposaient à l’esclavagisme. En dépit de cela, des gains historiques démontrent que des hommes et des femmes ont su faire pression sur l’État et le mener aux décrets de 1833 et de 1834, ce qui constitue un signe d’espoir en faveur des luttes sociales. Dans ce contexte, nous croyons justifiés de faire preuve de solidarité envers le mouvement des Noirs, et même de nous en inspirer dans notre recherche de la liberté et de l’égalité. Encore faut-il connaître le sens de ces termes et les traduire en priorités personnelles.

3 -       Le changement social passe par le changement personnel

Tel un art, le comportement humain est une expression fidèle de volontés, de désirs, d’un état d’âme, d’une extase ou d’une folie, etc. De façon systémique, nous dirions que le changement social est la résultante de l'ensemble de changements personnels. Une grande partie de cette transformation découle directement de l’expérience provenant de notre contact avec les gens par le biais des médias ou dans des rapports humains directs.

 


Plus jeune, je n’avais pas conscience de la difficile histoire des Noirs, jusqu’à ce que Racines, télésérie et roman, ne provoque en moi un raz-de-marée émotif chargé de tristesse, de compassion et de révolte, en voyant le mal fait à de bonnes personnes, à des amis, à des frères. Le seul habitant d’origine haïtienne de mon village natal me faisait des signes d’encouragement en me voyant pratiquer mon jogging matinal, alors qu’à l’école secondaire, un autre Haïtien me trouvait bon au soccer. À l’Université d’Ottawa, la communauté africaine m’accueillait comme un des leurs, etc. Ces gens ont fait montre à mon égard d’un sens exemplaire de fraternité, qui a renversé mon rapport au monde. Ne m'appelle pas Étranger, chantait Alberto Cortés; car si tu regardes au-delà de ton égoïsme, tu verras alors que je suis un homme. Que je ne peux pas être un étranger. (Rf No Me llames Extranjero). 

 

 

 

4 -      Vers une culture du mieux-être

Ainsi y a-t-il un lien étroit entre le rapport social et l’univers intrapersonnel. D’une certaine manière la liberté individuelle n’a de sens que dans notre contribution à la vie sociale. Le psychiatre français Christophe André associe facilement, par exemple, les exercices de pleine conscience à la fois à une libération personnelle et à l’émergence d’une forme de gratitude et de compassion à l'égard d'autrui. Par ailleurs, le psychiatre et sociologue colombien Luis Carlos Restrepo parle de l'émergence d'une culture de la paix par la transformation intérieure de chaque personne pour contrer la culture de la violence, du préjugé et du racisme, ce qui rappelle le discours du crucifié il y a 2000 ans. C’est donc en chacun de nous et de notre relation au monde que se trouve la source des changements salutaires.     

Conclusion

L’histoire des Noirs rappelle à tous d’importants travers humains comme l’esclavagisme, une réalité encore bien présente, ici comme ailleurs. En contrepartie, nous y découvrons d’importantes luttes menées au nom de la liberté et de l’égalité, et de beaux modèles de réussite dans toutes les sphères sociales. La victoire n'est possible que par l’établissement de rapports humains solidaires, puisque la force sociale est le prolongement des volontés individuelles. Dans ce contexte, la recherche d'un mieux-être personnel, animé de sérénité, d’humilité, de gratitude et de compassion, devient le moteur de la recherche du bien commun et du partage des ressources sur la base de valeurs universelles. En définitive, parlons donc d'amour.

Pour lire la deuxième partie de notre dossier sur le mois de l'histoire des Noirs, cliquez sur ce lien.      

              

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 12 février 2012

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Enquête sur les jeunes: des parents à l’écoute de leurs ados

Publié le par Luc Renaud

À la suite de la conférence du 10 décembre dernier (Les lendemains d’une conférence de Luc Renaud sur la jeunesse), nous avons organisé un atelier durant lequel des ados étaient invités à s’exprimer sur les résultats de notre enquête, entourés d’un groupe d’adultes forcés à les écouter. En agissant ainsi, nous voulions bien entendu mieux comprendre le sens de certains résultats de notre questionnaire, mais aussi initier un nouveau mode de communication basé sur une écoute active. Idéalement, le processus comprendrait les étapes suivantes : 1) amener les adultes à écouter les jeunes, et les jeunes à s’écouter entre eux; et 2) amener les adultes à s’écouter entre eux, puis les jeunes à écouter les adultes.

1-      Critiques sévères de certains jeunes envers l’école secondaire

Même s’ils admettent que certains jeunes puissent se comporter de manière rebelle, les ados du groupe ont vertement critiqué l’attitude d’enseignants et des directions d’écoles du niveau secondaire, l’école primaire étant considérée au contraire comme un milieu de vie beaucoup plus agréable.

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Plusieurs comportements d'enseignants sont jugés inacceptables et ont été dénoncés avec véhémence :

  • Perte de patience quand on leur pose des questions;
  • Indifférence quasi totale à l’endroit des élèves : monologue d’une heure de cours sans porter le moindre regard à la classe;
  • Critiques à l’endroit des élèves plus rebelles et punitions inutiles;
  • Attaques personnelles : Qu’est-ce que tu as fait?; au lieu de Qu’est-ce qui s’est passé? Tu aurais pu réfléchir mieux, etc.
  • Contradictions dans les directives;
  • Crise de nerfs et insultes à l’endroit des élèves;
  • Incompétence : une enseignante qui attend la sortie du bulletin pour démontrer l’existence de difficultés scolaires de certains élèves;
  • Refus de donner des explications additionnelles;
  • Menaces, accusations de vols, etc.

Les ados se demandent alors comment des adultes en situation d’autorité peuvent se permettre de s’en prendre ainsi à la dignité humaine de jeunes. À l’opposé, un enseignant semble avoir gagné leur respect grâce à une attitude comprenant un bon sens de l’humour et du sérieux dans son enseignement. L'usage du "Je" au lieu du "Tu" accusateur et le rappel au sens des responsabilités en se basant sur des faits et leurs conséquences logiques est aussi apprécié.

Les directions d’écoles sont pour leur part perçues comme passablement hypocrites, défendant le comportement des enseignants pointés du doigt, et affirmant agir pour le bien des jeunes avec un grand professionnalisme.

Dans ce contexte, le succès scolaire dépendrait exclusivement de la volonté du jeune à développer ses compétences dans une carrière donnée et à la poursuite de ses objectifs personnels. Les ados présents admettent également devoir éviter de traîner avec d’autres jeunes affichant des comportements perturbateurs. Pour les plus vieux, le passage au cégep et à l’université deviendrait salutaire et une source de nouveaux espoirs, reléguant l’école secondaire au rang des mauvais souvenirs.

Pendant la durée de leurs études, les ados n’attendent pas de suivi particulier de la part de leurs parents, mais admettent ressentir l’importance de leur soutien et de leur défense face à certains intervenants scolaires, manifestant des comportements injustes.

2-      Trois leçons à tirer de l’expérience d’écoute active

Il peut être tentant de jouer les psychanalystes, d’assumer un rôle de conseiller ou de tomber dans le piège du triangle bourreau, victime et sauveur. Il est vraisemblable, en effet, que le comportement perturbateur, dénoncé par ces jeunes, correspond à des cas d’exception plutôt qu'à la règle. Chaque parent possède aussi sa propre vision des choses. D’ailleurs, il nous a été difficile d’obtenir des adultes présents qu’ils respectent la consigne du silence qui leur a été imposée durant les quarante-cinq minutes de l’exercice.

Nous nous refuserons aussi à commenter la pertinence des propos employés, n’ayant que très peu d’indices des contextes scolaires mis à l’index par les jeunes. Il est impératif, en effet, de disposer de tous les faits avant de porter un jugement. Ce qui nous conduit à une première leçon : comprendre le discours de l’un sans arrière-pensée, sans porter de jugement en recherchant le maximum de faits.

Il est clair, toutefois, que l’école secondaire constitue une expérience désagréable pour des jeunes, et que les comportements des enseignants décrits par eux fournissent au moins une première liste sujette à caution : perte de patience, indifférence, accusations, menaces, voire même attaques personnelles constituent des attitudes de l’ordre de la relation interpersonnelle, tandis que le refus de fournir des explications additionnelles est de l’ordre de la relation pédagogique. Il s’agit là de critères intéressants pour amener un intervenant scolaire à s’interroger sur la valeur de son acte éducatif. Deuxième leçon : questionner et se questionner à partir de critères précis au lieu de commenter, d’émettre des opinions et d’entamer un dialogue de sourds.

Sans notre atelier, cette liste de critères relationnels et pédagogiques n’aurait pas pu voir le jour, ce qui nous procure notre troisième leçon : apprendre à donner la parole pour vrai, à interroger et à écouter.

Conclusion

Il est clair que des analyses plus poussées et une meilleure compréhension de l’adolescence nous amèneraient à mieux comprendre le sens de la colère exprimée par les jeunes à l’endroit des enseignants et des directions de l’école secondaire au cours de notre atelier d’écoute active. L’exercice nous a toutefois permis de relever trois compétences essentielles rattachées à une bonne communication : 1) comprendre le discours de l’autre sans jugement et rechercher le maximum de faits, 2) établir une liste de critères précis et questionner notre comportement par rapport à ceux-ci et 3) apprendre à donner la parole pour vrai. La mise en pratique de ces compétences devrait s’effectuer de jeunes à jeunes, d’adultes à adultes, de jeunes à adultes et vice versa, ce qui faciliterait le développement d'une relation humaine efficace. 

 

Une meilleure communication contribuerait à éviter bien des drames et déchirures vécus au cours de la vie, particulièrement pendant l’adolescence.

Je termine en remerciant sincèrement les jeunes et les parents qui ont participé à cette expérience. Vous avez posé une brique de plus à l'échafaudage d'une société basée sur une meilleure compréhension entre les êtres humains. C'est par petits gestes répétés par chacun qu'on peut changer le monde.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 10 février 2012

 

Publié dans Recherche: jeunesse

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