De l’autoformation au nomadisme pédagogique avec les TIC

Publié le par Luc Renaud

Mes amis, la première fois que j’ai entendu parler de nomadisme en éducation, le terme était associé au podcast, à tous ces fichiers éducatifs que l’on pouvait télécharger du Web et installer sur un lecteur MP3 avec ou non capacités vidéo. L’accès à de nombreuses applications web, des sites d’information et des médias sociaux, notamment, rendait le concept encore plus intéressant. Ainsi nous est-il possible d’exercer nos habiletés de base : lire, écrire, écouter et visionner des informations à la fine pointe des univers de savoirs actuels de n’importe où que l’on soit. Même le métro de Montréal s’apprête à s’équiper des dispositifs nécessaires à la téléphonie cellulaire. Des données de l’UNESCO nous informent que 90% de la population mondiale peut disposer de technologie mobile, ce qui représente entre autres d’importantes ressources au service de l’éducation de femmes de régions reculées du monde et de l’alphabétisation.

Mais qu’est-ce au juste que le nomadisme pédagogique ou la pédagogie nomade? Est-ce un concept nouveau? Et de quelle manière les technologies de l’information et de la communication (TIC) jouent-elles un rôle de soutien?

1-      Les micromondes de l’apprentissage en dehors de l’école

Une brève enquête sur le nomadisme pédagogique me permet de comprendre qu’il s’agit, à la base, d’une formule éducative datant de la Nuit des Temps, bien avant l’existence même des institutions scolaires. Certains dispositifs sont même associés à l’idée de l’apprentissage à domicile, en voyages, et même pris en charge par les communautés. L’accent y était mis par la transmission des savoirs et des valeurs de la société, qui assurerait la pérennité de la collectivité. De nos jours, y es intégrée l’acquisition des notions des programmes scolaires officiels.

D’une manière ou d’une autre, nous sentons l’importance d’un contexte scolaire informel qui mette l’accent sur le développement personnel et l’acquisition de stratégies d’apprentissage autonomes. Pensons au concept des voyages qui forment la jeunesse, des navires-écoles ou du maintien des élèves dans la jungle, loin des villes et de la modernité. Au contraire, pensons à une redéfinition de l’école dans laquelle les professeurs et les élèves partagent les tâches de conciergerie, de cuisine, en plus des cours. En ville, les musées, l’art de la rue (les murales, l’architecture, etc.), les expériences de compagnonnage en milieu de travail deviennent d’importantes sources d’informations.


Dans l’ensemble de ces systèmes, les élèves apprennent à faire face aux aléas de leur environnement, l’art de la débrouillardise, des compétences de nature professionnelle, etc. bien en lien avec le monde réel. Le hic, c’est que, bien que très motivantes, ces approches ne faciliteraient pas pour autant l’acquisition de meilleures compétences de l’orthographe et de l’écriture. Cela attise la foudre des fervents des méthodes traditionnelles qui, de leur côté, reposent sur une approche industrielle de l’éducation : tout le monde doit tout faire de la même manière et au même rythme, peu importe la nature des intérêts personnels.

 

2 -      Le rôle des technologies portables

De prime abord, les technologies portables facilitent le rapprochement des frontières. Jamais dans l’histoire de l’humanité, le savoir officiel n’a été aussi disponible à l’ensemble des habitants de la terre. Chacun des micromondes mentionnés précédemment peut y avoir accès par le biais d’un lecteur MP3, d’un ipod, d’un téléphone mobile, d’une console de jeu vidéo, d’un GPS même, d’une tablette numérique ou d’un ordinateur portable, etc. Par conséquent, l’expression e-éducation nomade, ou d’éducation nomade en ligne serait-elle plus appropriée.

Cet accès au savoir mondial à tous facilite-t-il la modernisation ou bien constitue-t-il une forme d’intrusion culturelle dans certains milieux. Je pense ici à l’impact d’un dispositif d’éducation nomade en ligne au sein des communautés amazoniennes, par exemple. Au bout du compte ne risquerait-on pas de perdre au change la richesse de savoirs ancestraux au profit d’une forme d’uniformisation des savoirs? Si ces questions méritent que l’on prenne le temps d’y réfléchir, on peut aussi se demander quels sont les risques occasionnés par le fait de garder tout ce savoir entre les mains des seuls pays industrialisés. De plus, peut-on humainement accepter le manque de transfert d’expertise dans le domaine des soins de santé? Peut-on accepter le maintien d’inégalités mondiales au nom d’une idéologie émanant, de toute manière, des efforts menés essentiellement par les pays industrialisés?

Notez que l’intrusion des TIC dans ces communautés permettrait en retour à celles-ci de mieux faire connaître leur réalité au reste de la planète, et de rejoindre la sensibilité de tous les bien-pensants qui ne demandent pas mieux qu’à faire preuve de solidarité.

3 -      Et l’autoformation…

Si de telles questions morales se posent sur le plan des relations entre les pays du Nord et ceux du Sud, cela n’enlève rien au fait que l’intrusion de gadgets électroniques dans un micromonde donné ne transforme jamais d’emblée le savoir en connaissance. De nombreuses écoles secondaires du Québec procèdent même à la confiscation des téléphones mobiles de leurs élèves, démontrant ainsi leur incapacité à tirer profit des avantages offerts par ces outils sur le plan du nomadisme éducatif. De nombreux éducateurs et de parents dénoncent avec force et souvent avec raison du temps consacré par leurs enfants avec une manette de jeu vidéo, au détriment d’activités sportives ou … d’apprentissage.

Il est même permis de se demander si l’intégration de ces accessoires ne détruirait pas l’équilibre des dispositifs éducatifs déjà en place dans les écoles… hors de l’école. C’est peut-être pour cela d’ailleurs que le milieu scolaire éprouve de la difficulté à motiver les jeunes. Notez que des enseignants éprouvent aussi de la difficulté à utiliser les TIC en général, se contentant souvent de recherche d’informations sur le Web…

De fait, l’usage éducatif des technologies portables demande l’élaboration de scénarios d’apprentissage, mais surtout d’importantes habiletés autodidactes chez l’élève, ce qui nous ramène à une question fondamentale : à quoi sert l’éducation?

Conclusion

Le nomadisme scolaire constitue vraisemblablement la formule éducative la plus employée par l’être humain au cours de son évolution. C’est l’école qui s’est pointée de manière intrusive au cours de l’histoire, sans doute pour employer le monde adulte à d’autres tâches de son développement. D’une certaine manière, l’expansion des technologies portables retire des pouvoirs à l’école au profit de l’école de la vie. Il est à espérer que les responsables scolaires et la population en général en arriveront à mieux harmoniser leurs pratiques de façon à répondre aux besoins de chacun et de tous.

Pour en savoir davantage :

·         Nomade, vous avez dit nomade?

·         Radio, podcasts en milieu scolaire

 

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 20 février 2012

 

Publié dans Éducation

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