Cyberprof, Destinos, Loft hanté, Polar FLE, etc. ; l’apprenant engagé dans une démarche d’apprentissage autodidacte d’une langue seconde (L2) fait face à l’embarras du
choix en matière de logiciels et de ressources éducatives en ligne. De son côté, l’enseignant est plutôt invité à sélectionner ces divers produits dans une démarche déjà structurée en fonction de
l’une des étapes de sa planification pédagogique : la mise en situation, l’exploration, l’appropriation, la synthèse et le transfert, et des instants consacrés à l’animation de réflexion
métacognitive.
En absence d’une telle structure en autoformation, je propose aujourd’hui une liste de critères de sélection de logiciels éducatifs, des exemples de
produits et quelques lignes directrices pour aider toute personne engagée dans une démarche d’autoapprentissage en L2.
1. Des critères de sélection de logiciels éducatifs et de ressources en ligne
De prime abord, cinq critères de sélection sont à considérer dans le choix d’un produit éducatif en L2 : l’intérêt du logiciel ou de la ressource en
ligne, le volume et la qualité de l’exposition à la langue cible, des outils d’enseignement stratégique, des défis et la simulation d’actes communicationnels et l’offre de jumelage linguistique
ou de participation à un projet réel de nature socioprofessionnelle ou culturelle.
- L’intérêt du logiciel ou de la ressource en ligne
Qu’est-ce qu’un produit logiciel intéressant pour un apprenant, puisqu’il s’agit là d’un critère majeur dans le choix d’outils
d’apprentissage ? Martin Shamlou nous en fournit peut-être une idée quand il justifie la popularité d’un blogue par l’un ou l’autre des attributs suivants : inspirant, instructif ou divertissant.
D’autres caractéristiques sont à considérer, comme les styles d’apprentissage de la clientèle, des besoins d’intégration sociale ou ... l’addiction. Je me réfère aux composantes des téléromans ou
des jeux qui captivent le téléspectateur ou le joueur : une intrigue remplie de surprises ou de rebondissements, le suspense des fins d’épisodes ou de niveau et, bien entendu le charisme des
personnages attachants alliant de main de maître le dramatique et le comique.
- L’exposition à la langue cible
Le passage de l’information de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme de nouvelles notions nécessiterait des centaines d’exercices de
répétition échelonnés dans le temps ; ce qui m’amène à rétablir la question de l’exposition à la langue cible au cœur du processus d’apprentissage d’une L2, un aspect souvent
relativisé dans des courants de pensée cognitiviste. N’est-ce pas pourtant ce principe qui prévaut dans les programmes d’immersion à des communautés L2 ou encore lorsque des enseignants
encouragent l’usage de stratégies comme l’écoute de la télé ou la lecture régulière des périodiques pour plonger l’étudiant dans un environnement immersif virtuel ?
- L’enseignement stratégique
Pour répondre au principe de l’exposition à la L2, il faudra privilégier l’usage de logiciels comprenant un nombre important d’exercices et des tableaux
explicatifs avec plusieurs exemples d’application de règles linguistiques. Ces produits devraient idéalement proposer des rétroactions intelligentes, qui aident l’apprenant à mieux cerner ses
erreurs et le guider vers la réussite. Dans les années ’90, didacticiels comme Orthogramme incluaient une forme d’enseignement stratégique, accompagnant de nombreux
exercices. Une démarche tutorielle permettait d’apprendre à observer la réponse fautive, à réfléchir sur la règle à appliquer et y comparer la réponse donnée, pour ensuite en arriver à acte
d’autocorrection réussie.
Comme ce type de démarche se montre actuellement assez rare sur le Web, je recommande à tout le moins des rétroactions qui remplaceraient les
bravos, musiques et animations en tous genres par des pistes de révision ou des informations complémentaires pertinentes. Parallèlement à cela, l’apprenant autodidacte devra se montrer
alerte, entamer une réflexion métacognitive et apprendre à se doter d’un parcours d’apprentissage personnalisé.
- Défi et simulation d’actes communicationnels
L’apprentissage d’une L2 répond essentiellement à des besoins de communication. Dans ce contexte, l’apprenant recherche des produits qui offrent
des défis et des simulations d’actes communicationnels pour le préparer à vivre des expériences de communication réelles. De telles activités exposent l’étudiant à des problèmes
plus complexes et rendent l’apprentissage significatif.
- Communication réelle
Plus audacieux, certains voudront vivre de nouvelles situations de communication réelle que ce soit par le biais de jumelage linguistique
L1-L2 ou encore par la contribution à des projets de nature socioprofessionnelle ou culturelle. Bien que ces activités s’apparentent aux étapes de synthèse et de transfert de
l’approche communicative vue en introduction, il est assez fréquent qu’un apprenant autodidacte choisisse au contraire de s’impliquer dès le début de son processus d’apprentissage dans des
situations de communication, en y exploitant au mieux ses connaissances en L2.
2. Des produits et une démarche d’apprentissage autodidacte
Force est de constater qu’il existe peu ou pas de produits qui répondent en totalité aux critères mentionnés précédemment pour répondre aux besoins d’un
apprentissage autodidacte en L2 ; c’est pourquoi je crois qu’il vaut mieux apprendre à gérer une banque d’outils éducatifs plutôt que de rechercher le didacticiel idéal.
- L’intérêt du logiciel ou de la ressource en ligne
Ainsi, des sites comme Polar FLE et Loft hanté inscrivent l’apprentissage du
FLS dans des intrigues intéressantes ; alors que Destinos est un bel exemple de téléroman aux attributs addictifs
pour l’apprentissage de l’espagnol. Polar
FLE possède aussi de bonnes fiches de grammaire et de conjugaison, et des exercices d’application de notions linguistiques pour
exposer efficacement l’apprenant à la langue cible.
- L’exposition à la langue cible
Sur ce point, des cahiers d’exercices électroniques comme Cyberprof ou celui de Réal Saint-Jacques
sont de bons exerciseurs. Contrairement à ces produits davantage axés sur la structure linguistique et ses composantes, Bonjour de France contient en plus des
repères culturels et touche plusieurs habiletés langagières. Carmen Vera Perez a, de son côté, conçu une impressionnante banque d’exercices
à partir de Hot Potatoes sur une gamme variée de notions linguistiques, en y incluant un volet ludoculturel, par l’exploitation de chansons.
- L’enseignement stratégique
En matière d’enseignement stratégique, l’apprenant peut entreprendre un processus de réflexion métacognitive par le biais de microblogues ou de blogues en
prenant en compte les résultats fournis par les rétroactions à ses exercices et les scores obtenus. Des sites comme belearner.com ou des plateformes collaboratives comme
beebac.com peuvent aussi l’aider à se doter de parcours d’apprentissage et à assurer le suivi de ses réalisations.
- Défi et simulation d’actes communicationnels
Alors que tous les produits mentionnés précédemment permettent de comprendre une L2, il en existe peu qui placent l’étudiant en situation de produire des
dialogues. C’est le cas, toutefois, de logiciels comme Tell Me More, doté d’un système de reconnaissance vocale suffisamment efficace pour amener l’apprenant à progresser
dans des dialogues simulés. Par ailleurs, le site Phonétique offre gratuitement de nombreux exercices de phonétique, et l’usage d’un synthétiseur
vocal peut encourager la lecture à voix haute de textes ou des extraits d’œuvres théâtrales.
- Communication réelle
Le passage de la communication virtuelle au monde réel s’effectue par la consultation abondante d’informations en provenance des médias électroniques, que ce
soit la presse écrite, les livres sur Kindle, les audiolivres ou les vidéos de YouTube, etc., mais surtout par l’établissement d’un jumelage linguistique à l’aide d’outils comme MyExchangeLanguage.com ou encore par la réalisation de projets réels de communication et l’échange d’idées avec des locuteurs
trouvés sur les pages Facebook d’organismes gouvernementaux ou d’entreprises privées.
3. Quelques lignes directrices dans le choix d’une ressource éducative en L2
Un étudiant réellement autonome en L2 pourrait choisir de se doter d’un projet éducatif détaillé, comprenant un parcours d’apprentissage personnalisé et un
choix éclairé de plusieurs produits logiciels pour répondre aux besoins préalablement identifiés. Dans la perspective du Apprendre à apprendre, je privilégierai une démarche
différente.
Dans un premier temps, l’apprenant peut être invité à explorer des ressources éducatives, comme Bonjour de France ou les exercices de Carmen Vera
Perez. Parallèlement, il est encouragé à amorcer une réflexion métacognitive, de sorte qu’il apprenne graduellement l’art de l’autoévaluation et celui de se définir un projet éducatif
personnalisé : des objectifs, des outils, un calendrier, etc. Graduellement, il est alors amené à diversifier son usage des ressources selon les besoins identifiés.
Conclusion
L’étudiant est appelé un jour ou l’autre à vivre l’autoformation tout au long de la vie. Pour ce faire, il lui est conseillé de se doter d’un projet
d’apprentissage détaillé, y incluant une gamme variée de ressources éducatives. Un tel projet peut se concevoir à partir d’une démarche conceptuelle initiale ou, au contraire, se développer
graduellement par l’expérience et la réflexion métacognitive.
Un professeur de philosophie de l’éducation de Concordia University m’a dit un jour : Luc, si tous les étudiants étaient comme toi, il n’y aurait
plus d’école. Convaincu que des apprentissages étonnants sont réalisables en marge des formations formelles, je préfère croire que les établissements scolaires accorderont davantage de place
au Apprendre à apprendre.
Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation
Références
Renaud, L. (2012) Se donner le mot dans un loft hanté en langues secondes, dans EducaVox
Renaud, L. (2012) Pour un regard moderne sur l’autoformation en langues secondes, dans
EducaVox
Renaud, L. (2012) Le jeu d’aventure électronique de type grand public en langues
secondes, dans EducaVox
Renaud, L. (2012) Pédagogie ouverte : autoformation et collaboration, dans
EducaVox
Renaud, L. (2011), La telenovela mexicaine pour apprendre l’espagnol, dans Le blogue de Luc R
Renaud, L. (2011), L’apprentissage d’une langue (première partie) : de l’école à l’autoformation, dans Le blogue de Luc R
Shamlou, M. (2012), Recherche d’emploi en communication/marketing : mythes, réalités et perspectives, La Soirée des grands communicateurs,
Téluq