L'aquarelliste Huguette Bernais : une rétrospective de Frontières figuratives

Publié le par Luc Renaud

Huguette Bernais était animée d’un goût de changement, tout en demeurant fidèle à son style et à sa technique, dans ses Frontières figuratives à la galerie d’art L’espace contemporain de l’avenue Papineau à Montréal. De fait, la quinzaine de nouvelles œuvres baignaient dans une rétrospective des années 2001 à 2011, comprenant près d’une quarantaine de tableaux. Cette fois-ci, l’aquarelliste troquait l’ocre désertique de ses grottes et cavernes mystiques au profit de teintes plus ensoleillées croisées de reflets reliant les montagnes aux eaux environnantes.

Elle y a pensé longtemps, nous dira l’ami de l’aquarelliste, surpris du changement, mais fier du résultat obtenu. C’est beau, conclura-t-il avec fermeté. Une autre amie invitera Huguette à s’inspirer de la merveilleuse nature de la province de Terre-Neuve pour y peindre de nouveaux paysages. Une dernière admiratrice ajoutera que l’exposition provoque un véritable enchantement pour les yeux.

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D’autres commentaires élogieux proviendront d’écrivains, qui m’avoueront ne s’intéresser qu’à la performance et non à la démarche artistique. Mais de quelle performance s’agit-il?

-          Une rencontre de la poésie et de l’aquarelle

La plume de l’aquarelliste s’est avérée aussi importante que le pinceau de celle-ci. Mis bout à bout, les titres des tableaux forment un poème reflétant un univers onirique, inspiré de la Nuit des temps : À l’aube du 7e jour, Après le Déluge, La blancheur des mystères, Le labyrinthe des rafales, La légèreté de nulle part, Les méandres du chat, etc. Il n’y manquerait qu’un fond musical lyrique pour plonger l’auditeur dans les profondeurs de l’âme.

-          Une expérience sensorielle envoûtante

L’artiste s’est servi d’une trentaine de photos de montagnes qu’elle a mises au service de son inspiration non pas pour offrir des repères géographiques, mais plutôt une expérience envoûtante. N’en déplaise aux écrivains mentionnés, la beauté du produit final découle ici de la démarche artistique riche et complexe de l’aquarelliste.

À ce propos, elle nous en fournira elle-même une brève description :

Dès les premiers coups de pinceau… c’est le propre des artistes, je m’épanouis  complètement dans un autre univers...  où je me laisse entraîner au gré de ma fantaisie, cédant au plaisir du geste, fascinée par les couleurs et le glissement du pinceau, et surtout fortement influencée par les effets improvisés de l’eau et des pigments sur le papier…

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L'aquarelliste Huguette Bernais fière de sa rétrospective

-          Des frontières figuratives sans... frontières 

Après un court flirt du côté de l’art abstrait, Huguette Bernais en est arrivée à la conclusion que les frontières figuratives convenaient mieux à son profil artistique et à ses intérêts. Elle affectionne généralement les grands formats. Cette fois-ci, la taille et le nombre de tableaux ont été choisis pour des considérations plus pratiques, qui tiendraient compte par exemple de la grandeur de la galerie Espace contemporain.

Laissons-la-nous décrire quelques œuvres :

À l’aube du 7e jour, a été une véritable surprise pour moi. Ce que cette aquarelle est devenue n’a pratiquement rien à voir avec l’idée de départ. Elle est le résultat d’une suite de réactions spontanées. Le titre s’est imposé de lui-même parce que l’aquarelle présente en quelque sorte une vision inachevée de l’univers.

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Après le déluge : peut-être en lien avec L’aube du 7e jour ou peut-être avec l’épisode de l’arche de Noé, cette île verdoyante émerge au dessus de l’eau. Il y a de ces paradis qui chantent le miracle de la création et qui sont des aimants pour tous les amoureux de la nature.

L’euphorie des voyeurs : là encore, de petites montagnes très compactes aux couleurs sombres et aux textures suggestives laissent toujours entrevoir un prolongement presque à l’infini. Comment la gourmandise du voyeur peut-elle résister à l’attrait d’aller au-delà et de poursuivre son chemin ?

La blancheur des mystères : il y a ce qu’on peut voir à l’avant-plan, une lecture au premier degré, mais c’est un peu comme l’arbre qui cache la forêt. Le mystère est derrière, dans cette couleur blanche qui porte toutes les couleurs.

La pointe aux loups : une langue de terre qui s’avance dans la mer, un espace inoffensif, une plage qui séduit, mais comment savoir si cette candeur ne cache pas un réel danger?

Quelques commentaires personnels

De prime abord, nous avons été séduits par la saveur plutôt estivale de l’ensemble d’aquarelles exposées, bien qu’un tableau ait porté sur l’automne. Cela conférait à l’œuvre un contraste rassurant par rapport à l’approche de l’hiver imminent, grâce surtout aux reflets ensoleillés des montagnes dans l’eau. Le style figuratif mettait également en valeur la force de la nature, ce qui peut paraître étonnant dans des œuvres ne mesurant somme toute que 7 ½ po x  22 po.

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L’artiste s’est laissé aller au trip d’une rétrospective, exposant du même coup des œuvres qui ont déjà fait leurs preuves dans le passé auprès du public. Ce faisant, elle a agi avec audace dans la mesure où elle courait le risque d’y noyer ses nouvelles aquarelles. Personnellement, nous étions même heureux de consacrer du temps aux univers floraux, au répertoire africain et aux ocres, qui ont fait sa renommée par le passé.

Ce regard nous a toutefois permis d’apprécier l’éclairage nouveau offert par ces montagnes près de l’eau, qui jaillissaient un peu partout dans la galerie tel un arc-en-ciel.

En guise de conclusion

L’aquarelliste Huguette Bernais a de nouveau fait montre de ses grands talents d’aquarelliste lors d’une exposition qui lui a, entre autres, permis de revoir plusieurs anciens collègues, et de rencontrer de nombreux visiteurs étrangers. Huguette dissimulera mal le sentiment de fierté que lui procure la vente de onze de ses œuvres pendant cette semaine d’exposition, d’autant plus que cela constitue un gage de satisfaction et une marque de succès mérité.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 27 novembre 2011

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