Luc Chamberland : le cheminement d’un cinéaste extraordinaire

Publié le par Luc Renaud

Lorsqu’il m’a été présenté par Élène Dallaire à la conférence de Monsieur Peters Saunders au Festival de film Stop Motion de Montréal, Luc Chamberland me paraissait âgé dans la mi-trentaine. Il devait m’expliquer plus tard que le cinéma d’animation est un art qui permet de conserver ses airs de jeunesse. Le cinéaste, né à Longueuil en 1961, ignorait pourtant qu’il lui était possible de vivre de son art, jusqu’à ce que ses pas le conduisent du collège Ville-Marie d’Hochelaga-Maisonneuve, à des études en arts plastiques au Cégep Marie-Victorin, puis à des études en cinéma à l’Université Concordia, avec mineure en animation. C’est d’ailleurs au cours  de ces études-là qu’il pourra réellement faire ses premiers pas dans le domaine cinématographique à titre de caméraman dans des films étudiants, mais aussi dans la réalisation de génériques pour la télé. En plus des films étudiants, il aura acquis un peu d’expérience tant à Radio-Québec qu’à Radio-Canada.

Cet article vous présentera brièvement le cheminement extraordinaire de ce cinéaste et son implication dans des causes comme l’environnement et le soutien aux personnes handicapées.

1-      Une carrière en pleine effervescence

À la suite de ses études, Luc se lancera carrément dans ce genre d’aventure qui ne connaît aucune fin. Il partira en Europe, se déplaçant sur le pouce d’avril à septembre 1984, non sans avoir préalablement écrit aux dessinateurs de Spirou. Il aura en cours de route reçu des invitations de dessinateurs, de Franquin notamment. Après une recherche d’emploi à Londres, c’est de retour à Paris que Gaumont engagera Luc à titre d’assistant à la réalisation pour effectuer les milliers de photocopies des dessins ayant servi aux films d’Astérix. Le cinéaste emploiera alors ses talents de dessinateur pour corriger des erreurs, an ajoutant une moustache ou encore une gourde manquant à des dessins du héros à la potion magique.

À la suite de ces expériences, la carrière de Luc devait prendre un envol considérable. Il a, entre autres, collaboré à la réalisation de Tarzoon, la honte de la jungle, une célèbre parodie de Tarzan, à Le Big Bang, une pseudoanimation destinée aux adultes, et à la réalisation de nombreux commerciaux. Après trois années bien remplies à Paris, Luc décidait de rentrer au Québec, où il réalisait pour le compte de Studio Pascal-Blais, l’animation d’une publicité de Coke diète avec Obélix comme personnage central. Il réalisait par la suite de nombreux autres messages publicitaires, jusqu’au jour où il a décidé de retourner à Londres. À ce moment-là, Disney fermait son studio, ce qui ouvrait la porte à nul autre que Steven Spielberg pour qui Luc a ensuite travaillé pendant 15 ans.

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Source : Vivre en ville. Sagacité

 

Le cinéaste s’est amusé à réaliser des films qui, sans le savoir, ont fait la joie de mes propres enfants. Il y a eu Fievel au Far West, dans lequel Luc s’est attaqué à l’animation d’un chat végétarien, puis We’re Back!, l’histoire d’un groupe de dinosaures à New York. Il aura aussi animé Bugs Bunny dans Space Jam, un film mêlant les personnages du lapin, de Daffy Duck au joueur de basketball Michael Jordan. Pour DreamWorks, il travaillera aussi sur le film Joseph, le roi des rêves, un drame d’animation démontrant les vicissitudes de l’immigration par le biais du juif Joseph au milieu du monde pharaonique.

Sa carrière l’amènera à faire beaucoup de publicités aux États-Unis, en France, en Allemagne, etc., en plus de Londres, et à travailler ailleurs sur la planète comme en Hongrie, et dans des villes comme Paris, Budapest, Madrid, Copenhague et Bruxelles, etc. À ses yeux, Londres demeure une très grande école de cinéma, qui lui aura permis de goûter à toutes les formes d’animation : de la gouache au dessin par ordinateur, etc. Depuis son retour dans la région montréalaise, Luc Chamberland a continué dans la réalisation de commerciaux, en plus de présenter des pilotes-télé. Il a aussi littéralement créé la série télé Zoboomafoo en dessin animé.

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Source : Vivre en ville. Sagacité

 

2. L’animation engagée

Récemment, il réalisait Sagacité, un court-métrage sur l’environnement et l’urbanisme responsable. Au Festival du film de Portneuf, un participant lui dit que le film venait de résumer en dix minutes l’équivalent de sa thèse de doctorat. Ces commentaires montrent bien l’intensité et le rythme de ce film qui nous présente la croissance sauvage de Colvert, une petite agglomération prospère, mais sans plan d’urbanisation écoresponsable, comme il en existe plusieurs au Québec et ailleurs dans le monde. Luc reconnaît avoir choisi ce nom en s’inspirant d’un jeu de mots, qu’on vous laisse deviner. D’ailleurs, il nous révélera un second jeu de mots, inscrit cette fois-ci dans les armoiries de la ville du film. Le célèbre proverbe latin Nihil lacrima citius arescit (Rien ne sèche plus vite qu’une larme) devient Il n’y a rien qui ne sèche plus vite qu’un caneton

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Source : Vivre en ville. Sagacité

 

Pour le compte de l’Office national du film (ONF), Luc Chamberland travaille actuellement sur la production d’un long-métrage dont la sortie est prévue pour 2013.

3-      Instigateur d’une œuvre caritative

Luc Chamberland a aussi abordé certains aspects de sa vie privée lors de l’entrevue. Il est père d’une jeune fille lourdement atteinte de paralysie cérébrale, qui nécessite une attention continuelle de type 24/7. Huit fois par année, les parents bénéficient des services de répit de l’organisme à but non lucratif Philou, dirigé par une femme extraordinaire, Madame Diane Chênevert. Le centre prend en charge pendant quelques jours des enfants atteints d’un handicap lourd dans un environnement sécuritaire et dynamique, donnant ainsi un peu de répit aux parents. Or, la récession économique et des coupures dans l’aide gouvernementale ont créé une situation financière difficile à l’organisme.

Dans ce contexte, Luc a pris l’initiative de réunir un groupe de cinéastes d’animation en vue de créer des ensembles de cartes de Noël et de cartes de vœux variés à des fins de collecte de fonds. Des originaux conçus par Paul Driesen et Torril Kove, tous deux gagnants d’un Oscar, et par Martine Chartrand récipiendaire d’un ours d’or pour Âme noire sont vendus aux enchères sur Ebay. Des copies des dessins sont également vendues sous forme de paquets de 15 cartes de Noël par les services de Madame Chênevert.

Hydro-Québec a pris possession d’un ensemble d’œuvres à des fins décoratives, alors que la chaîne de magasins Ogilvies s’est procuré des dessins de Pierre M. Trudeau pour ses souhaits de Noël à sa clientèle. Les cinéastes participants se disent heureux de contribuer à la cause, au profit de Philou, et bien sûr de sa clientèle particulière. Luc affirme que sa fille est très heureuse des séjours qu’elle passe entre les bons soins de l’organisme.

Conclusion

La carrière cinématographique de Luc Chamberland ressemble à la concrétisation de multiples rêves : la fréquentation des grands du milieu, la réalisation d’une quantité considérable de courts et longs métrages, le tour monde, etc. De retour au Canada après plus de 15 ans à Londres, il avouera d’ailleurs se sentir un peu comme un immigrant dans le pays qui l’a vu naître, démontrant ainsi la profondeur des univers multiples de son imaginaire. Les deux pieds sur terre, il a choisi de mettre son talent et ses compétences professionnelles aux services de Philou, un organisme à but non lucratif qui accueille des personnes handicapées pour donner un peu de répit à des parents qui adorent leurs enfants.

Cet organisme a besoin de soutien financier. Le temps des fêtes approche. Des dessins originaux de grands cinéastes sont vendus aux enchères sur Ebay et des copies deviennent de splendides cartes de Noël. Faites d’une pierre deux coups. Procurez-vous des exemplaires de ces œuvres d’art tout en contribuant à une bonne cause.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 29 novembre 2011

Publié dans Cinéma-Théâtre

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