L’univers démoniaque de Rosto aux 10es Sommets du cinéma d’animation de Montréal

Publié le par Luc Renaud

Quand on parle du loup… Ce midi, en revenant du gymnase, je suis presque tombé face à face avec Rosto, alors que je ruminais la structure de l’article de blogue que je m’apprêtais à écrire sur lui. Le cinéaste d’animation néerlandais était-il encore en visite dans la métropole québécoise après avoir présenté aux cinéphiles un ensemble d’univers parallèles dans le cadre des 10es Sommets du cinéma d’animation de Montréal à la cinémathèque du boulevard Maisonneuve du 1 au 4 décembre 2011?

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Ou bien agissait-il à titre d’invité à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) située à deux pas? Cet article traitera de cet invité spécial du festival, de ses sources d’inspiration et de la mythologie entourant sa vision de l’expansion de l’univers.

1-      Les sources d’inspiration de Rosto

Rosto conçoit ses films comme une pièce musicale, ou bien encore dessine les images qui lui sont inspirées par des sons ou des notes de musique. La crudité de certaines scènes provient ainsi de notes correspondantes. Il se sent aussi influencé par les symphonies de Disney, mais surtout par la musique Rock du groupe auquel il a lui-même fait partie. De fait, il admettra devoir souvent intervenir auprès de ses animateurs qui comprennent mal le sens de ses idées.

Dans la mythologie de Rosto se retrouvent aussi divers symboles : un trou qui transperce le crâne de l’un de ses personnages, et même le centre du soleil. Le cinéaste demeurera coi à la question du pourquoi venant de la salle, préférant laisser tout un chacun à sa propre interprétation.

À Omaira qui lui demandait pourquoi chacun de ses films contenait un miroir, il répondra qu’il s’agit du même nous renvoyant des images de la vie sous diverses perspectives. Il arrive même un moment où l’objet se brise en morceaux, enfonçant un éclat dans l’œil de l’un de ses personnages. L’homme, alors incapable de s’y mirer, vit une nouvelle expérience de symbiose avec la vie. Peut-être est-ce le sort qui attend également un groupe d’hommes lancés à travers un miroir après que leur chef, une sorte de démon, eut raté sa tentative d’assassinat.

2-      L’univers sombre du cinéaste

De fait, le monde de Rosto serait démoniaque, sans toutefois les connotations maléfiques attribuées par l’Église à ses personnages. Le démon et des visions d’enfer illustrent plutôt l’imaginaire sombre du cinéaste, qui se dit fort inspiré de l’alchimie de Holy Mountain, un film de l’Argentin Alejandro Jodorowsky, et de ses études du film Psycho d’Alfred Hitchcock à qui il a voulu faire un clin d’œil.

Les premiers films de la soirée témoignent de cet univers parallèle. Devant un homme voulant se suicider, un ami fera défiler des images affolantes lui démontrant l’inutilité du geste. Dans un autre film, un duo de morts vivants passera une partie de l’éternité à revoir ses anciennes performances à la télé jusqu’à ce que l’un des deux se décide à plonger dans les flammes une bonne fois pour toutes.

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Tiré de la programmation de la cinémathèque de Montréal

Au blogue de Luc R qui demandait à Rosto d’où lui venait ce goût pour la peur, le cinéaste expliquera qu’il ne se définit pas comme un maître de l’épouvante, ni du fantastique, mais qu’il tire avantage des possibilités du cinéma pour exprimer les dimensions sombres de la vie. Au public, il ajoutera que son œuvre reflète plutôt une recherche de la profondeur. L’image, enceinte d’idées, est plus importante que le symbolisme et constitue une forme d’invitation au partage de son monde, de pénétration dans son esprit.

Personnellement, nous nous sommes demandé s’il ne s’était pas un peu fatigué des côtés obscurs de l’humanité dans Le monstre de Nix; un film qui, de fait, confronte une vision de fin du monde à celle d’une renaissance de celui-ci. Sur un ton des plus mélodieux, un bébé mi-humain mi-poisson nage dans un étang lumineux chantant: Don’t be scare.

3-      Le monstre de NIX ou l’éternel recommencement

Le monstre de NIX représente peut-être un tournant dans la vie et  dans la carrière du cinéaste néerlandais habitué d’être l’homme à tout faire de son propre studio d’animation : directeur, réalisateur et animateur, prêtant même son image à plusieurs de ses propres personnages. Au public se demandant de quelle manière il arrive à s’autofinancer, il attribuera son succès à la chance et à l’obstination. Dans le cas de son dernier film, il comptera plutôt sur le soutien financier de la France et de la Belgique pour y réaliser un court-métrage d’une trentaine de minutes qui sera diffusé aussi bien à la télé qu’au cinéma dans quelques pays.

 


 

Peut-être que la naissance de son fils l’amena à la découverte de plus belles dimensions de la vie que dans sa série de films inaccessibles; toujours est-il que Le monstre de Nix ressemble davantage à un conte de fée qu’à un film gothique. Au personnage démoniaque qui tente de mettre un terme à la vie de l’enfant protégé par des Langeman (des racines de saules pleureurs), un enfant de l’âge du garçon de Rosto contribue à construire un ovidôme protecteur des œufs qui contiennent le début de nouvelles histoires de vie. À l’instar de l’Histoire Sans Fin de Michael Ende, l’imaginaire humain devient une arme massive au profit de la reconstruction de Nouveaux Mondes.

Le film dénoncera, par ailleurs, le trop-plein d’imagination populaire qui dessine des monstres sur le visage de la différence, l’approche de la fin du monde n’ayant constitué qu’un mauvais rêve, les Langeman se voulant protecteurs et non destructeurs. C’est d’ailleurs le succès de ces êtres accessibles que par des enfants qui fera revivre le village disparu et qui ramènera le bonheur chez ses habitants.

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Tiré de la programmation de la cinémathèque de Montréal

Conclusion

Le style Gothique and Roll de Rosto surprend de prime abord le spectateur néophyte qui n’y voit que des univers d’enfer incompréhensibles et terriblement personnels à l’auteur. Heureusement, le réalisateur, verre de vin à la main, s’est rendu accessible en vue d’éclairer nos lanternes en nous expliquant qu’il préférait… nous laisser à nos propres interprétations. La deuxième partie de la projection nous a plutôt montré un film plus classique, intégrant des univers sombres à une contrepartie renvoyant de grands messages d’espoir à l’humanité, conférant ainsi au cinéma d’animation le droit de délaisser parfois les adultes et d’éblouir les enfants.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 7 décembre 2011

Publié dans Cinéma-Théâtre

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