La dualité identitaire payante de Buffy à Batman

Publié le par Luc Renaud

Le temps des Fêtes est une occasion de ressourcement en spectacles. L’exercice nous a permis de voir de beaux exemples d’esclavage audiovisuel par le biais de la télésérie Buffy contre les vampires. En revisitant des bandes-annonces sur le Web, nous y avons vu par ailleurs une propension de films traitant des origines de certains personnages, comme Batman ou La planète des singes.

31-12-11ba.jpg

Les charmes de Poison Ivy et de la femme-chat / Le Joker et Batman

Si les goûts ne se discutent pas, je me demande par moments de quelle manière élever le niveau de conscience de publics manipulés par des spécialistes des recettes gagnantes dans les  médias, devenant alors une drogue, qui donne raison aux détracteurs de la télévision.

1.       Un exemple de drogue télévisuelle : Buffy contre les vampires

Il faut retomber en pleine adolescence pour visionner les épisodes de Buffy contre les vampires sur Internet. Cette série emprunte les clichés des bagarres des Batman des années ’60, mêlant les Pif et les Paf d’une tueuse aux pouvoirs surnaturels à une forme de banalisation de l’univers de l’outre-tombe, des vampires et de la sorcellerie.


 

À titre d’exemple, l’univers démoniaque se composerait évidemment de méchants démons, mais aussi de bons démons aux prises avec une cruelle crise identitaire, particulièrement au contact des mortels. Il suffirait même d’introduire un implant dans le cerveau d’un vampire pour découvrir le grand cœur de celui-ci. Bref, il ne faudrait pas se fier aux apparences dans une recherche de rapprochement entre les cultures.

À l’opposé de la télésérie de Batman qui nous faisait découvrir une grande variété d’activités criminelles, le monde de Buffy offre peu d’originalité. Il s’agit de combattre des personnages maléfiques qui poussent comme des champignons, dans des situations souvent équivalentes. Même la mort y est banalisée dans la mesure où la résurrection n’est qu’un jeu d’enfant lorsque la personne a perdu la vie dans des circonstances extraordinaires. Quelques formules magiques autour d’un rituel suffisent pour ramener le défunt dans notre monde, moyennant une courte période d’égarement psychologique, question de permettre au cerveau de se réaccoutumer à la vie.

31-12-11a.jpg

  Frénésie devant Buffy contre les vampires au Comiccon 2011

 

La télésérie sert de prétexte à l’expression des doutes amoureux des jeunes filles de l’école secondaire, qui font face également à des situations amoureuses impossibles : la tueuse peut-elle se donner le droit d’aimer Spike, le vampire apprivoisé? Tel tout bon soap américain, l’intrigue amoureuse se prête alors à des séances de rapprochement, d’éloignement, et de trahison, question de surmonter la souffrance émotive des tourments de cet amour.

Évidemment, les dernières minutes de chacun des épisodes présentent un point de suspens qui capte l’attention du téléspectateur le forçant à poser le geste compulsif de regarder la suite. S’il s’agit là d’une forme de fidélisation du public qui rapporte gros aux producteurs et aux acteurs, l’exercice se traduit en perte de temps pour le public, qui peut passer même 5 heures à enchaîner les DVD de la télésérie dans le lecteur ou à syntoniser Internet.

2.       Les films des origines : Godzilla, Batman, La Planète des singes…

Depuis les années ’90, une forme de reprise d’anciens films de monstres voit le jour : la justification de la monstruosité sous l’angle de la science et de la psychologie.

-          La science au service de la monstruosité

En 1991, par exemple,  le monde redécouvrait Godzilla, dont le visionnement était devenu une nouvelle forme de tradition du Nouvel An dans notre famille. Dans cette version, un lézard était muté en monstre de la préhistoire à la suite d’essais nucléaires. L’explication reposait sur le fait que des vers soumis à l’exposition de radiations subissaient un taux de croissance de 10% par rapport à la normale. Les techniques de clonage et les expérimentations de la génétique nous donnaient par ailleurs la trilogie des Parc jurassique, sorte de Frankenstein des temps modernes.

C’est aussi la science qui devait nous offrir de nouvelles explications sur l’origine de l’intelligence des singes dans La planète des singes. Contrairement aux films antérieurs, celle-ci ne proviendrait ni de leur contact avec les humains en mal d’animaux domestiques, ni des effets de la radioactivité, mais plutôt d’effets secondaires d’un traitement contre la maladie d’Alzheimer.

 

La nature comprend aussi des propriétés menaçantes. Ainsi des anacondas de taille titanesque sèment la panique après s’être multipliés au plein cœur d’orchidées aux propriétés rajeunissantes s’apparentant à la fontaine de Jouvence. Et dans Le règne du feu, des dragons sont subitement réveillés d’une longue période de sommeil. Disposant de glandes explosives, ils réduiront l’humanité à un état primitif de survie.

Pour l’homme, tous ces films démontrent la fragilité de son règne comme animal dominant, un peu comme s’il était de nouveau chassé du paradis terrestre pour avoir voulu se prendre pour le Créateur.

-          La psychologie de la personnalité multiple ou de la dualité identitaire

Le roman traitant de la personnalité multiple, Sybille, n’est qu’un exemple d’inspiration pour les auteurs dramatiques. Le couple binaire de Batman et de la femme-chat démontre deux personnes ayant subi d’importants traumas, les menant vers une crise identitaire majeure et à l'adoption d'attitudes opposées. Le milliardaire Bruce Wayne se convertira en justicier masqué, pour évacuer de son cœur les grandes injustices vécues. Paradoxalement, ce sont des motifs similaires qui mèneront la femme-chat plutôt sur la voie de la vengeance. Dans le même ordre d’idée, la souffrance de Poison Ivy transformera une grande botaniste en monstre.

 

L’explication est telle que les films récents prennent la forme de drame psychologique, presque psychotique, au contraire des films d’aventure de notre enfance. Même les accoutrements des personnages paraissent crédibles, illustrant bien nos propres dualités. D’ailleurs, de vrais psychotiques déambulent actuellement dans les grandes villes de la planète et parcourent les quartiers malfamés à l’instar de leurs héros.

31-12-11c.jpg

Conclusion

Le succès des émissions comme Buffy contre les vampires ou des films comme Batman : le commencement repose sur la capacité de s’identifier à la dualité identitaire de ces personnages. Comme Buffy, de nombreux jeunes vivent des doutes importants sur le plan des amours, tout en rêvant d’être le héros dans un monde rempli de mystères. Le monstre peut aussi bien refléter les dimensions sombres de nous-mêmes, ou encore le résultat de nos actes. Sur le plan du spectacle, la qualité nous semble douteuse.

Une question demeure. Comment expliquer la multiplication de ce genre de spectacles depuis une vingtaine d’années? Quels traits de société traduisent-ils?

Texte : Luc Renaud M.A. Sciences de l’éducation, les 30 et 31 décembre 2011

Publié dans Showbiz

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article