La présence globale : être présent à soi et aux autres

Publié le par Luc Renaud

De nombreux discours sur la présence focalisent  leur attention sur l’importance de vivre dans l’ici-maintenant, faisant quasiment abstraction de l’empathie, du bonheur d’autrui ou de la notion de présence à l'autre. Ensemble ne forment-elles pas un tout? Une présence globale? Et qu’en est-il de la présence des autres en soi ? Celle-ci peut être cauchemardesque, un trauma, et nous éloigner du bonheur. Au contraire, il peut s’agir de doux souvenirs, ou d’une importante sensation de soutien. Bref, elle remplit un vide, s’opposant à l’absence et à la solitude, et procure la sensation de vivre.
Cet article tente de définir une notion de présence globale, comprenant l’importance d’être présent à soi et diverses formes que peuvent prendre l’attention portée à autrui sur les plans interpersonnel, politique  et même commercial. La question de la présence de l'autre en soi sera aussi mentionnée comme composante du concept central.
1.       Vivre le moment présent
Nous sommes constamment bombardés d’images d'actualité, et parfois de pensées incessantes en provenance de stresseurs. Ce qui amenait même le poète Facundo Cabral à associer la dépression à une forme de distraction. Ces images diminuent notre capacité de concentration et forment un mur à la créativité. Dans certains cas, l’influence de ces sources extérieures est telle qu’elle façonne en nous une personnalité de surface, qui se colle à notre vrai moi: nous ne sommes plus nous-mêmes. Déconnecté de notre véritable identité et de nos vraies aspirations, l’agir qui en découle nous conduit inéluctablement vers l’insatisfaction continuelle et le malheur.
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Depuis Jacques Languirand dans les années ’70, de nombreux penseurs nous ramènent alors à l’importance de vivre dans l’ici-maintenant, s’inspirant souvent de techniques de méditation issues de la philosophie Zen ou bouddhiste. La valeur thérapeutique de ces pratiques est reconnue dans le monde de la psychiatrie, pour lutter contre les troubles anxieux, notamment. Dans un premier temps, elles génèrent chez le pratiquant une forme efficace de détente musculaire, et lui fait prendre conscience des émotions et des sensations du moment. Une plus grande concentration l’amène ensuite à l’établissement d’un contact avec ses forces intérieures, lesquelles procurent un état de bien-être durable.
Pour le professeur de philosophie de niveau collégial Mathieu Martel, en promotion de son livre Présences, le 10 janvier dernier au restaurant Le Commensal, la pratique de techniques de yoga aide toute personne à mieux faire face aux obligations de la vie, créant un espace mental qui empêche le rationnel de prendre le pas sur l’émotionnel. Cette attitude contribue également à mieux apprécier la simplicité des choses dans la vie quotidienne. Questionné, par ailleurs, sur la place des gens aux prises avec de graves problèmes dans cette recherche du mieux-être personnel, Monsieur Martel laisse tout un chacun libre de vivre sa vocation, en faisant preuve toutefois d’une certaine gentillesse dans ses rapports quotidiens.
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Il semble bien que la présence à soi constitue pour le conférencier la finalité de ses techniques. D'autres adeptes du moi recommandent même d'éviter les bulletins d'information, remplis de mauvaises nouvelles. Une telle réaction serait selon nous symptomatique de traits individualistes souvent attribués à la société nord-américaine et aux pays développés. Et nous exprimons évidemment notre profond désaccord face à cette approche, et réaffirmons la nécessité du développement de solidarités universelles.
2.       La présence à l’autre
Le psychiatre français Christophe André, aussi adepte des techniques de méditation, nuance cette vision d'une concentration sur le soi et affirme qu’une bonne qualité d’être contribue même au développement d’une sensibilité à autrui. Donnant du poids à cet argument en faveur d’une ouverture à l’autre et au monde, un mouvement de méditation de masse ferait contrepoids aux forces obscures et mercantiles à l’origine du désordre mondial actuel. À plus petite échelle, la multiplication de petits gestes de bonté provoquerait, souhaite-t-on, une réaction en chaîne révolutionnaire.  Le sociologue et psychiatre colombien Luis Carlos Restrepo serait heureux d'entendre de tels propos à en juger par son souhait de créer un vaste mouvement de paix et d’amour visant à contrer la culture de la violence qui ruine son pays depuis des décennies.
Remarquez que chaque époque de l’humanité a connu de tels partisans de l'amour: du Christ aux Beatles, les hippies, etc. Chaque fois ces groupes de l'anticulture ont fait face à un mur: la crucifixion de Jésus, le meurtre de Lennon, la propagation de la drogue, etc. L'amour et la paix sont des concepts dérangeants. 

 
La présence à l’autre ne se limite pas à de l’activisme sociopolitique ou à des bed in., mais procure du bien au bénéficiaire à la condition de provenir de personnes de confiance, évidemment. De nombreux organismes à but non lucratif, des associations communautaires et des mouvements d’aide humanitaire offrent une présence bienfaitrice à leur clientèle respective, que ce soit par le biais de soutien éducatif, des conseils et même d’aide thérapeutique. De nos jours, une forme d’économie sociale se développe, voyant dans la collaboration davantage que dans la compétition une manière efficace et utile de faire des affaires.   
3. La présence de l'autre en soi
Lors de sa libération par les forces armées colombiennes, la politicienne Ingrid Betancourt affirmait avoir ressenti du tréfonds de la jungle l’appui de la communauté internationale. Ce soutien lui aurait été d’un grand réconfort en plus de cultiver en elle l’espoir de connaître l’air de la liberté. Ainsi en est-il de la puissance de frappe de la présence bénéfique des autres en soi.    
 
Grâce aux moyens techniques modernes, Le blogue de Luc R s'entretiendra prochainement avec une journaliste de la télévision colombienne, aussi membre de la Chambre de commerce de la région d’Antioquia en Colombie. Cette spécialiste des communications nous expliquera, entre autres, de quelle manière des commerçants ordinaires et des gens d’affaires tentent ensemble d’assurer des zones de saine prospérité dans un pays lourdement éprouvé par la guerre civile, la criminalité et, depuis quelques années, par les cataclysmes naturels dus aux changements climatiques.
Tous ces gestes de nature personnelle, sociale et commerciale constituent des formes riches et variées de présence globale: de présence à soi et à l’autre et, pour le bénéficiaire, de la présence de l'autre en soi.
Conclusion
Tu n’es pas déprimé, mais distrait, affirmait le grand poète argentin Facundo Cabral. Cette distraction prive les gens de leur droit au bonheur et des chances de concourir au mieux-être collectif. Dans ce contexte, la quête de la présence globale génère la créativité essentielle au développement de projets personnels et collectifs bienfaiteurs. Cela demande une réflexion sur soi et sur les autres, au contraire d’une forme de lubie ou de caprice de pays développés plutôt enclins à la consommation et à la richesse matérielle personnelle, se servant même des difficultés des autres pour atteindre leurs buts.
Texte : Luc Renaud M.A. Sciences de l’éducation, le 15 janvier 2012
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