Lettre d'explications d'un nouveau-marié

Publié le par Luc Renaud

 

Au moment de publier le présent article, j’aurai prononcé mes vœux de fidélité et de partage de vie éternelle dans le cadre d’une cérémonie  de mariage catholique; de plus, je serai vraisemblablement à l’extérieur de Montréal pour y passer ma nuit de noce dans une chambre d’hôtel passablement luxueuse, de circonstance. Mais au moment d’écrire, je me trouve dans une situation plutôt singulière. Après avoir divorcé il y a près d’une vingtaine d’années, l’Église a reconnu officiellement la nullité de cette première union, la considérant comme une erreur de parcours. Partageant ma vie avec ma nouvelle conjointe depuis quinze ans, des membres du clergé reconnaissent même la valeur matrimoniale de cette union. Bref, je me marie… en étant en quelque sorte déjà marié à la même personne.

Cela explique vraisemblablement pourquoi l’organisation d’un enterrement de vie de garçon aurait été un geste loufoque. Certains se demanderont alors ce que me rapporte la cérémonie de mariage; en quoi celle-ci revêt tant d’importance. Et je leur donne entièrement raison, dans la mesure où le mariage correspond à la qualité d’une relation de vie conjugale et non à une cérémonie. Selon des membres du clergé, non, nous ne vivions pas en situation de péché sous prétexte que nous entretenions une relation sans être passé devant un prêtre. Nombreux sont les couples en situation de vie de fait qui répondent parfaitement aux lois naturelles du mariage, qui vivent une relation sacrée, se sentant unis à un niveau difficilement explicable ou communicable. J’aimerais me pencher quelques instants sur les liens entre la vie spirituelle et la relation conjugale.

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Quelques mots sur la vie spirituelle

Le niveau que nous qualifierons de vie spirituelle est en lien avec des forces naturelles qui nous relient au reste de l’univers. C’est du moins ce que nous ressentons. Le couple ne forme qu’un et laisse autour de lui l’empreinte de cette unité. C’est aussi à ce niveau que nous ressentons la puissance de la vie qui coule en chacun de nous, et une grande sensation de beauté, à l’intérieur comme à l’extérieur. Paradoxalement pris dans une union, nous éprouvons aussi une grande liberté, comme si rien n’avait réellement le pouvoir de nous atteindre. La question à se poser alors est la suivante. Est-il possible d’être marié… à soi-même? Ce que les athées qualifieront de force humaniste d’une grande intériorité; nous, croyants, l’identifierons comme une marque de Dieu. Ce monde semble si puissant, si indestructible, si stable en dépit de facteurs du vieillissement qu’il nous paraît difficile de croire qu’il n’appartient pas à son propre monde.

Dans ce contexte, la cérémonie religieuse du mariage semble soudainement remplie de gros bon sens. Pour les fiancés, il s’agit d’une occasion unique de plonger au fond d’un soi commun au couple, mais aussi aux liens qui les unissent aux membres de leur famille et aux amis. L’espace d’une journée, la communauté se donne le droit de vivre la foi en quelque chose de plus grand que soi, l’amour dans toute sa splendeur.

Et la vie conjugale

Si la vie spirituelle se caractérise par la puissance du ressenti, force est d’admettre que celui-ci est insuffisant pour générer une relation conjugale harmonieuse. Chaque être humain possède des traits de personnalité, parfois difficiles à concilier au sein d’un couple ou d’une communauté. Une bonne connaissance de soi révèle également la présence de valeurs, de priorités ou de besoins qui peuvent aussi générer des conflits. D’où l’importance de tenir compte de considérations de nature psychologique et du développement de compétences relationnelles lorsque l’on choisit de vivre une relation de couple.

Sans être garant de longévité, il peut aussi se révéler important de partager des projets ou du moins de se construire graduellement une vision à deux reposant sur des valeurs fondamentales. Je pense ici à des concepts comme la recherche du bien commun, le sens de la fraternité et du partage, la loyauté, la fidélité, etc., bref à toutes ces valeurs qui donnent encore un sens au catholicisme; reconnaissant par le fait même la nécessité de sérieuses réformes au sein de l’Église. Je remets en question, entre autres, la position de celle-ci sur le plan de la sexualité et sa vision de l’obéissance aux règles hiérarchiques…

Pour réussir, le couple a donc besoin de contribuer à la mise sur pied de projets communs et de se construire une vision positive et constructive de la vie.

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Et demain…

La cérémonie de mariage peut alors prendre le sens d’un moment d’arrêt dans une relation conjugale ou d’un moment de réflexion visant à reconnaître la valeur de l’union déjà établie et le désir de lui donner un meilleur envol. C’est du moins de cette manière que je la vis personnellement, dans la mesure où je me sens bien avec une femme qui partage ma vie depuis une quinzaine d’années.

Demain, cette cérémonie ne sera-t-elle qu’un beau souvenir? Les albums photo se couvriront-ils de poussière? Cela a peu d’importance si nous savons profiter d’événements de ce genre pour souffler un peu la poussière sur des aspects secondaires pour révéler nos priorités; quitte à procéder à des renouvellements de vœux quelques années plus tard, ou à s’organiser des rencontres de suivi, question de ne jamais perdre l’essentiel de vue.

Conclusion

Au moment de publier le présent article, Père Réal Michaud nous a déclarés mari et femme, Omaira et moi, dans une cérémonie visant à régulariser ou à reconnaître officiellement notre état de vie depuis une quinzaine d’années. Tel que je l’ai déjà laissé entendre dans d'autres textes, il n’y a à mes yeux que de vrais mariages ou de simples erreurs de parcours. Il est souvent difficile de concilier la vie spirituelle à la complexité de la réalité psychologique et aux besoins biologiques, bref aux trois composantes reconnues par l’Église comme axes de définition de la nature humaine. Ou de vivre conformément aux Lois de la nature, un autre précepte méconnu cher au catholicisme, pourtant partagé avec d'autres grandes religions du monde.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 26 août 2012

 

 

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