En finir avec les troubles de l'alimentation

Publié le par Luc Renaud

Le docteur Howard Steiger, Chef du programme des troubles de l’alimentation de l’Institut Douglas et professeur titulaire du département de psychiatrie de l’Université McGill donnait cette semaine le sixième cours de l’édition actuelle de l’École Mini Psy. Sa conférence sur les troubles de l’alimentation a été suivie par le témoignage de l’une de ses patientes, souffrant d’anorexie, dont le courage et le goût de vivre ont été chaleureusement salués par le public, composé de nombreux représentants d’organismes communautaires de soutien. L’un d’entre eux, Anorexie et boulimie Québec (ANEB), affilié à Douglas, tenait également un kiosque d’informations sur ses services offerts à la population.

1.       Quelques mots sur la conférence

Brièvement, les troubles de l’alimentation prendraient trois formes différentes, sans que celles-ci soient forcément distinctes les unes des autres. L’anorexie nerveuse constitue en fait une forme de phobie de prise de poids. Dans certains cas sévères, même l’eau serait considérée par la malade comme un produit alimentaire dangereux puisque des épisodes de rétention d’eau se traduisent par l’augmentation des nombres sur un pèse-personne.

Les troubles alimentaires touchent dix fois plus de femmes que d’hommes; la malade prend de sévères mesures de restriction alimentaire, ou encore se lance compulsivement dans des orgies alimentaires suivies de purges. Les périodes boulimiques sont la plupart du temps accompagnées de vomissement, de jeûne ou de consommation de laxatifs, par crainte de prise de poids. L’hyperphagie boulimique, par contre, est une forme de maladie qui entraine le patient dans des séquences de gloutonnerie et des gains de poids morbides.

Dans tous les cas, les malades éprouvent souvent de la détresse émotive, de la honte, de la culpabilité, etc. parfois difficile à mesurer. Contrairement à la croyance populaire, il ne s’agit pas d’un mal relié strictement à l’adolescence puisque le pic statistique se situe plutôt au début de la trentaine. Les causes de la maladie ne sont pas non plus strictement  reliées à un contexte familial particulier ou à la force de caractère de la personne. De plus, toutes les couches sociales seraient également affectées. La recherche sur les troubles de l'alimentation va à l’encontre de ces croyances populaires.

De fait, des facteurs génétiques et des hormones associées à la femme constitueraient les principales sources de vulnérabilité aux troubles alimentaires. Il est important de noter que les gènes impliqués peuvent doter la personne de traits de personnalité positifs sur d’autres points. De plus, les prédispositions à elles seules ne justifient pas le développement de la maladie. Le stress, l’anxiété, constitue un facteur aggravant majeur. Il arrive assez fréquemment que les malades souffrent en fait d’anxiété ou de dépression, ou des deux.

Les régimes-minceur promus par les modèles sociaux actuels et les magazines de beauté constitueraient un important déclencheur des troubles associés à l’anorexie et à la boulimie, la période de restriction se soldant en fin de compte par une perte de contrôle en matière d’alimentation. Confronté à un régime alimentaire sévère, le cerveau comprend moins de neurotransmetteurs, ce qui augmente le risque de maladies. À la suite d’une diète, il arrive fréquemment que le malade tombe dans une phase boulimique imparable.

Les traitements de longue haleine des troubles de l’alimentation donnent de bons résultats, bien qu’il y ait tout de même plusieurs décès chez les personnes atteintes. Certaines morts sont attribuables à des suicides. La malade doit prendre l’habitude de se questionner sur les causes réelles de sa compulsion et se demander si le geste qu'elle s'apprête à poser est réellement bon pour elle. L’entourage doit faire preuve de beaucoup d’ouverture et de compréhension, l’aide ne pouvant se faire que dans un contexte de confiance mutuelle entre l’aidant et l’aidé. Des conseils peuvent être prodigués sur la rencontre de groupes comme ANEB ou le service des troubles de l’alimentation dirigé par Monsieur Steiger à Douglas; dans le pire des cas, un ordre de la Cour est envisageable pour entraîner la personne malade dans une cure.

 

 


 

 

2.       Témoignage d’une patiente

Mademoiselle V. est traitée par Docteur Steiger pour anorexie depuis plusieurs années. Maintenant âgée de 29 ans, elle nous explique que des amies de sa sœur la trouvaient déjà trop mince à 12 ans. Le médecin expliquera qu’il est difficile de convaincre une malade de son piètre état de santé au début de la maladie puisque celle-ci se sent généralement fière de sa perte de poids. C’est par la suite que ça se complique. La patiente souffrira des séquelles de ses restrictions alimentaires comme la perte de règles et l’ostéoporose, auxquels s’ajoutent évidemment l’inquiétude des proches et la perte de ses amis.

Grâce aux traitements, la patiente qui aura vécu plusieurs périodes d’hospitalisation a retrouvé le goût de se battre et de s’en sortir, et a développé un meilleur rapport face à la nourriture. Elle est en train de rebâtir sa vie, de se constituer un nouveau cercle d’amis et s’est même trouvé un emploi comme pâtissière.

3.       Le groupe de soutien ANEB

Le groupe Anorexie et boulimie du Québec (ANEB) est un organisme d’aide et de soutien offert aux personnes souffrant de troubles de l’alimentation; affilié à l’Institut Douglas depuis 25 ans, il offre un service d’écoute de 8 h du matin à 3 heures du matin, 7 jours sur 7, à l’exception des jours fériés. Il est même possible d’obtenir du soutien par clavardage. Du soutien aux proches de la personne malade est également offert toutes les deux semaines.

Ce groupe d’aide et de soutien opère dans la région montréalaise, mais aussi à Trois-Rivières, Gatineau, Sherbrooke et dans la région de Charlevoix. Des groupes de soutien ouverts sont accessibles gratuitement; il faudra toutefois débourser entre 45$ et 95$ pour s’inscrire aux activités d’un groupe fermé, comprenant des sessions de formation d’une durée de 15 semaines sur des thèmes ciblés. Les inscriptions ont lieu en septembre et en janvier.

Geneviève, la coordonnatrice, nous explique aussi que des conférences et des formations grand public sont données à l’hôpital Sainte-Justine, et que l’organisme envoie régulièrement des intervenants dans les écoles du Québec, en vue de sensibiliser les jeunes aux solutions touchant les troubles de l’alimentation. L’organisme produit également un bulletin mensuel que l’on peut obtenir par courriel. Pour toute demande de renseignements supplémentaires, il est possible de consulter le site Web d’ANEB ou de téléphoner à l’un des numéros suivants : 514-630-0907 ou 1 800 630-0907. La personne intéressée peut aussi écrire à : info @anebquebec.com.

Conclusion

Le fait de s’inquiéter pour la prise de 5 à 10 livres est en soi une attitude normale et non pathologique, qui répondrait davantage aux critères sociaux établis par les médias et particulièrement des magazines de mode. Les troubles de l’alimentation, anorexie et boulimie, constituent d’importantes phobies qui peuvent causer des séquelles sévères sur le plan de la santé physique, comme l’ostéoporose, et même la mort. L’expérience de Mademoiselle V. démontre qu’il est possible de suivre un traitement efficace, à la condition de rechercher l’aide appropriée soit dans un organisme comme ANEB, soit dans une clinique spécialisée comme l’Institut Douglas.

Note: Le blogue de Luc R rappelle que plusieurs enregistrements vidéos des conférences données par les éminents spécialistes de l'Institut Douglas sont accessibles par le biais de: Canal Savoir, Youtube, le site même de Douglas et sur DVD. L'objectif? La déstigmatisation des malades par l'information.

Texte : Luc Renaud M.A. Sciences de l’éducation, le 17 novembre 2011

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