À l’approche des Fêtes… parlons un peu de dépression

Publié le par Luc Renaud

Le chef des départements de psychiatrie de l'Université Mcgill et de l'Institut Douglas, la docteure Mimi Israël, expliquait qu’une personne sur dix connaîtrait au moins un épisode dépressif dans sa vie, et que la maladie concernait les hommes et les femmes de toutes les cultures dans des proportions respectives d’une sur dix et d’une sur cinq. Cette maladie mentale touche aussi les enfants et les adolescents. Malheureusement, la société est encore branchée sur la stigmatisation de la personne malade, cultivant ainsi des attitudes de déni et de honte chez plusieurs. Pendant ce temps 4000 Canadiens meurent de suicide chaque année, le Québec occupant une place élevée dans ce palmarès, et les coûts rattachés à la douleur psychologique et aux consultations médicales s’élèvent à plus de 3 milliards de dollars. 

Mais qu’est-ce que la dépression? Comment se soigne-t-elle et peut-on la prévenir? Tels étaient le propos de Dre Mimi Israël, lors du cours qu’elle a offert aux élèves de l’École Mini Psy à l’Institut Douglas le 8 novembre dernier.

   


 

Dre Mimi Israël traitant de la stigmatisation dans un cours donné en 2008

1-      Vers une définition de l’état dépressif

La maladie se caractérise par une interaction négative de la pensée, de l’humeur et des comportements. Ainsi, la personne malade peut-elle éprouver des difficultés aussi bien sur le plan de la concentration, que de la mémoire ou de la prise de décision. Elle peut aussi éprouver de la culpabilité, du désespoir et même des idées suicidaires. Sur le plan de l’humeur, elle fera preuve d’irritabilité, de colère, d’anxiété et d’une profonde tristesse. Sur le plan comportemental, elle pourrait se comporter avec agitation ou, au contraire, témoigner d’une grande perte d’énergie, ce qui se traduirait également par des troubles de l’alimentation et de grandes baisses sur le plan de la libido.

Durant son cours, Dre Israël mettait aussi le public en garde contre de possibles confusions entre des épisodes de tristesse normale, qui entraîne aussi des symptômes similaires, et un état dépressif anormal. Plusieurs facteurs doivent être pris en compte pour l’établissement d’un diagnostic, comme la durée et l’impact du comportement sur le plan social. Ainsi, deux semaines ou davantage durant lesquelles la personne éprouve un manque complet de désintérêt pour la vie sociale et pour la famille sont nécessaires avant de réellement parler de dépression.

L’état dépressif peut être léger, sévère ou très sévère. Les formes de la maladie sont identifiables par des symptômes propres. De type mélancolique, le malade se sent particulièrement mal durant la matinée. Il se lève tôt et angoissé le matin, et animé d’idées noires; il connaît aussi une baisse importante d’appétit et se sent comme paralysé. Dans le cas de la dépression atypique, le malade dort davantage et se sent au contraire plutôt bien le matin. C’est par la suite que ça se gâte. Il souffrira également d’importants troubles alimentaires.

De niveau psychotique, le malade perd le contact avec la réalité et entend même des voix critiquantes de type : tu ne vaux rien. La personne éprouve souvent le sentiment de ne jamais pouvoir s’en sortir.

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Apparentée à la dépression, la dysthymie se définirait comme un état dépressif relativement léger, mais continuel. Il faut avoir vécu cet état pendant une période de deux ans pour qu’un diagnostic soit établi officiellement. Des troubles bipolaires se décrivent par de sérieuses variations d’humeur, tandis que des troubles unipolaires désignent un état dépressif continuel. Un autre cours donné par l’Institut Douglas portait sur les troubles bipolaires et fera l’objet d’un autre article.

Certaines dépressions sont reliées à des moments précis dans la vie. C’est le cas notamment de la dépression saisonnière souvent reliée à l’automne ou aux pays nordiques manquant de lumière, ou encore de la dépression post-partum qui survient quelques mois à la suite d’un accouchement.

2-      Les causes de la dépression

Selon Dre Israël, la dépression serait d’une part le fruit d’une interaction complexe entre des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. D’autre part, l’interaction entre l’environnement et des facteurs de protection et de vulnérabilité, et des prédispositions individuelles jouent un rôle dans le déclenchement de la maladie. Des maladies physiques peuvent constituer d’importants déclencheurs, de même que la consommation de drogue. Le médecin rappelle également que l’alcool est un déprimant, contrairement à certaines croyances populaires. Il s’agit là d’un aspect à considérer en cette approche de la période des Fêtes.

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Bien qu’il n’existe pas de gène spécifiquement affecté à cette maladie, certains gènes reliés au stress et des changements hormonaux constituent des facteurs de vulnérabilité pouvant déclencher la dépression. Sur le plan psychologique, l’univers des facteurs de vulnérabilité comprend des blessures mal soignées comme des deuils, des épisodes de violence psychologique, des échecs répétés, etc. Il est aussi connu que des exigences trop élevées envers soi-même peuvent se traduire par de grandes déceptions, de la fatigue excessive et du stress incontrôlé plongeant la personne dans un état dépressif. Il en va de même d’expériences sociales négatives comme l’isolement, le taxage, et la guerre, etc. Fait intéressant, le manque d’affiliation religieuse ou spirituelle compte aussi au nombre des déclencheurs de la maladie.

3-      Les traitements

Le traitement de la maladie comprend deux volets : des mesures préventives et des traitements thérapeutiques comme tels.

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Aux facteurs de vulnérabilité mentionnés précédemment s’oppose un certain nombre de facteurs de protection contre la maladie : la stabilité économique, des aptitudes sociales, l’inclusion sociale et des valeurs reposant sur la bonté et la générosité au lieu de la recherche de la performance, etc. Une personne ayant beaucoup de résilience est aussi moins portée à succomber au stress et à développer une dépression. L’exercice physique et la pratique de la méditation constituent aussi deux bonnes techniques de prévention.

Les principaux traitements reposent sur la pharmacothérapie et la prise d’antidépresseurs. La médication contribue à améliorer le fonctionnement des neurotransmetteurs, ramenant un certain équilibre sur le plan de l’humeur. À la médication s’ajoute la psychothérapie, qui a pour but l’établissement d’un dialogue sur la souffrance et de meilleures habiletés à vivre avec soi-même et avec les autres. De nombreuses formes de psychothérapie sont appliquées de nos jours : de type cognitivo comportementale, interpersonnelle, psychodynamique, etc.

Conclusion

Noël approche à grands pas. Pour plusieurs, il s’agira d’une période de réjouissance et de retrouvailles familiales agréables. Pour d’autres, il s’agira au contraire d’une expérience de cruelle tristesse caractérisée par les divers symptômes de l’état dépressif. D’autres encore feront semblant d’être heureux, refusant de se soumettre au risque de stigmatisation rattachée à la maladie mentale. Si vous vous trouvez dans ces conditions, ou encore si des proches vivent des moments de grande souffrance, le moment est venu de faire preuve d’honnêteté et d’encourager le malade à rechercher l’aide appropriée.

Le blogue reviendra avec des sujets plus joyeux…, tout en gardant l’œil ouvert sur les gens en situation de besoins spécifiques. La période des Fêtes n’est-elle pas aussi l’occasion de faire preuve d’ouverture, de compréhension, de solidarité et de compassion?

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Les cours de l’École Mini Psy de l’Institut Douglas sont disponibles sur DVD. Il est aussi possible de les visionner sur le site même de l’Institut, sur Youtube, ou encore sur Canal Savoir. Le blogue de Luc R n’est pas affilié à l’Institut Douglas, mais partage l’intérêt de l’établissement pour la déstigmatisation et l’éducation populaire.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 15 décembre 2011

(Source principale : le cours Le fond du baril – déprime ou épuisement?, de la docteure Mimi Israël de l’Institut Douglas, donné à l’école Mini Psy, le 8 novembre 2011. Nous rappelons au lecteur que ce texte traduit notre compréhension comme élève du dit cours. Si des erreurs se sont glissées, elles sont nôtres et non celles de la conférencière.) 

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