Le va-et-vient du cerf-volant
Il y a de ces personnes qui me font penser aux cerfs-volants. De bon vent, leur envolée est enjouée, mais que diminue un peu la brise, les voilà remplis de chagrin, de colère ou d’un brin d’exaspération pour des raisons, somme toute, insignifiantes. Vous aimeriez entrer en contact avec eux, leur faire comprendre qu’il y a pire et ainsi les amener à prendre conscience non seulement de leurs privilèges, mais aussi de l’obligation de faire preuve d’un peu de solidarité fraternelle; mais la communication relève souvent davantage du miracle ou de l’exploit des braves que du geste quotidien... Ces personnes cadenassent leurs oreilles à votre endroit parce que vous leur faites peur.
Heureusement des chanteurs charismatiques comme Chris de Burgh mêlent le romantisme à la chanson de guerre. En 2005, en concert, il affirmait ceci : Durant ma carrière, vous m’avez souvent entendu chanter la guerre, et il faut bien continuer de le faire, si on veut mettre un terme à cette saloperie un jour. Même Patrick Bruel a écrit une chanson pour éveiller la conscience de ses fans aux images sanguinolentes causées par les hommes. Ainsi est-il nécessaire de charmer pour convaincre. Mais les écoute-t-on? Serge Lama, parlant des poètes, nous dit : Image-les tout ce que tu veux; mais surtout, reste à distance d’yeux. Ne t’approche pas d’eux.
Ce soir, mon cœur va à mes frères et à mes sœurs de la Colombie qui organisent les funérailles des victimes des effondrements de terrain dans la région d’Antioquia. Près d’une soixantaine de cadavres ont été dégagés de la boue, la plupart des enfants et des Jeunes, une tragédie humaine de plus sur Terre passant quasiment inaperçue. Je voudrais apporter à ces gens un peu de compassion, de compréhension, de lutte et d'espérance. J’aimerais trouver les mots qui permettront aux survivants de rester accrochés aux mystères de l'amour, de la vie et de l'allégresse.
Mais qui suis-je pour commenter ce genre de mésaventures, alors que dans ma propre vie de tous les jours, il m'arrive fréquemment de manquer à la tâche? En paraphrasant Patrick Bruel dans Alors regarde, je dirais que ce n'est peut-être pas mon rôle de parler de tout ça, mais que c'est encore plus facile de ne parler de rien. Patrick peut se consoler puisque le journaliste d'origine mexicaine, Jorge Ramos, dans Morir En El Intento affirmait que juste le fait d'être sensible aux phénomènes et de parler des problèmes mondiaux nous plaçait déjà dans un mode de solution. Personnellement, j'ajouterais que la verbalisation de nos prises de conscience constitue une bonne source de motivation à l'action.
Pourtant, la tragédie colombienne pourrait n'être qu'un avertissement donné au monde entier, dans la mesure où les modèles climatiques prévoieraient une augmentation des précipitations à peu près partout à cause du réchauffement planétaire. Les tropiques connaîtraient l'augmentation la plus élevée de quantités de vapeur d'eau. Il s'agirait d'une augmentation des pluies dans les tropiques et de la neige dans l'hémisphère nord. Le glissement de terrain provoqué par les pluies diluviennes des dernières semaines et la neige des derniers jours ici et en Europe en constitueraient un bon exemple. La France n'a-t-elle pas été paralysée à la suite d'une tempête de neige, récemment? Déjà en 2004, le réchauffement planétaire faisait titiller les yeux pervers des grands financiers du monde qui envisageaient de bon oeil l'exploitation de la nouvelle voie maritime du Grand Nord. Même les villages nordiques du Québec jouiraient de la faveur de bandes criminelles si l'on se fie à des perquisitions de la Sûreté du Québec.
Fait certain, le nombre d'inondations augmente, ce qui entraînerait des déplacements de population au même titre que les guerres de l'Histoire. Notez que la thèse du réchauffement planétaire est toutefois contestée. Les inondations en Colombie proviendraient plutôt du refroidissement de l'océan Pacifique, la Niña. Des chercheurs attribueraient même les désordres planétaires actuels à des facteurs naturels plus qu'aux activités humaines: activités volcaniques, el Niño, et solaires. L'Arctique dégèlerait au printemps pour recommencer à geler en septembre... El Niño y la Niña, les enfants turbulents de Dame Nature agiraient ainsi de façon dévastatrice. Qui dit vrai entre les partisans du réchauffement, ceux du refroidissement et ces derniers qui nient même l'existence de problèmes environnementaux voyant dans les changements climatiques les cycles habituels de la planète Terre?
Quels sont les enjeux derrière ces argumentations convaincantes? Je n'en sais rien. Comme vous, je pressens seulement la question des gros sous. Toutefois, l'approche systémique m'amène à l'hypothèse, sans doute risible aux yeux des spécialistes, que l'un des phénomènes pourrait être le déclencheur de l'autre. La vérité se situe souvent dans un amalgame complexe de phénomènes issus de causes générales d'une grande simplicité. Quoi qu'il en soit, la première tempête de l'hiver a suffi à bloquer la ruelle au moment où ma femme cherche dans le Web combien de cadavres ont été dégagés des boues en Colombie... Une sensation de déjà vu peut-être l'envahissait, s'étant elle-même trouvée dans une situation similaire il y a quinze ans.
Ne trouvez-vous pas que nous vivons allégrement dans une bulle d'inconscience en faisant fi de forces qui nous dépassent incommensurablement? De l'infiniment grand à l'infiniment petit, la nature semble vouloir nous livrer une guerre sans merci et ses attaques portent les noms suivants: les nuages de cendres volcaniques qui ont obscurci le ciel européen des semaines entières, les langues solaires, le trou dans l'ozone, la désertification, les incendies de forêts, les cyclones et autres tempêtes tropicales, les raz-de-marée qui commencent même à franchir les côtes gaspésiennes sous l'effet de marées gigantesques et, curieusement, la propagation des insectes et des virus, etc. Récemment, nous apprenions même l'existence d'astéroïdes relativement menaçants pour la Terre...
De fait, y a-t-il encore un seul endroit sur notre planète où les enfants peuvent faire voler leur cerf-volant sans danger? À toutes les victimes de tragédies humaines, je dédie le poème qui suit.
La croissance du taux d’humidité va entraîner une augmentation de la vente de climatiseurs et de déshumidificateurs qui, de leur côté, ajouteront des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Comme nous assistons à un phénomène de vieillissement de la population dans les pays industrialisés, nous devons aussi prévoir une augmentation des frais des systèmes de santé, des polices d’assurance-médicaments et de la vente de traitement en tous genres (crèmes, onguent et comprimés) visant le soulagement de douleurs rhumatismales et arthritiques. Bref, le réchauffement planétaire serait rentable, ce qui explique peut-être les lenteurs des pays face aux ententes comme celle de Kyoto. Aux pires moments de la crise, on nous offrira vraisemblablement la location de respirateurs artificiels avec en bonus une crème solaire ou un chasse-moustiques, pour éloigner le virus du Nil ou la punaise de lit, pour tout achat de verres à protection UV. On nous inventera peut-être même de nouveaux vaccins pour la prévention de maux imaginaires ou des traitements coûteux aux maladies issues des toxines injectées dans la malbouffe et de l'obésité. Tout cela, c'est sans compter les nouvelles industries, comme celle du recyclage, qui exploitent les valeurs environnementalistes d'une partie de la population sans toujours faire preuve de la propreté promise.
La balle (copyright Luc Renaud, 28 mars 2010)
Bleue, blanche et rouge, la balle de mon enfance
Tachée de boue et de la sueur de mes doigts
Son gong chante une romance
Rebonds d’amour et douceur de voix
Effilochée, la voilà aux vidanges
Sa vue de charpie remplit d’émoi
Dure, brillante, la balle de mon fusil
La lame de la machette ou le manche de ma fronde
Bruyant est le cadavre qui tombe
Déchiqueté, brûlé, raidi et froid
Et rouge le sang du corps meurtri
La rivière du génocide remplit d’effroi
Mais où sont les années d’effervescence
Qui menaient au gym et non au combat
Pourquoi la guerre et son intransigeance
Au lieu des tirs au but et des feux de joie
Pour gagner, faut-il sacrifier vies et plaisances
Oh, ma petite balle ronde, qu’ai-je donc fait de toi?
Texte: Luc Renaud M.A. Sciences de l'éducation 10 décembre 2010