Au jeu!

Publié le par Luc Renaud

L’autographe du receveur-étoile Gary Carter apposée sur une balle de baseball est bien à l’abri de la poussière depuis que les Expos, victimes de la flambée des salaires dans le sport professionnel, ont quitté la ville de Montréal en 2004. Les plus vieux se souviendront avec nostalgie de Rusty Staub, du lanceur Steve Rogers, du voleur de but Tim Raines ou de feu Woody Fryman, démontrant que l’on peut encore pratiquer sa passion à quarante ans tout en souffrant d’arthrite.

Sur le plan culturel, les équipes de baseball professionnelles de Montréal, des Royaux aux Expos, ont aligné de nombreux joueurs et entraîneurs d’origine afro-américaine ou d’Amérique latine. Que l’on pense à l’entraîneur-chef Felipe Alou et des joueurs comme Henry Rodrigues qui faillirent conduire l’équipe aux Séries éliminatoires ou à l’entraîneur Frank Robinson, qui fut pour les Orioles de Baltimore, le premier entraîneur afro-américain de l’histoire du baseball majeur.

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Pourquoi parler de baseball aujourd’hui? Depuis 2008 de timides pétitions sont déposées dans le Web pour réclamer le retour d’une équipe de baseball professionnel à Montréal. Une page Facebook a même été créée par ces rêveurs. Récemment Radio-Canada citait le cas d’hommes d’affaires intéressés à prendre un tel projet en mains, de quoi bercer d’illusions quelques centaines d’amateurs. Rappelons-nous que les assistances au Stade olympique de Montréal avaient clairement chuté au cours des dernières saisons et que peu de gens avaient pleuré le déménagement de l’équipe dans la capitale américaine en 2005.

Des parcs de Montréal ont même remplacé leur terrain de balle par des buts de soccer, la ville ayant tourné la page. Il n’y aurait qu’à Toronto que des Canadiens carbureraient encore aux hotdogs et à la bière en applaudissant les coups de circuit des Blue Jays, une équipe canadienne évoluant dans la ligue américaine.

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Le baseball anachronique et actuel

Pourtant, la semaine dernière avaient lieu à Verdun les séries éliminatoires et la finale d’une ligue de baseball mineur du Québec, affiliée au baseball canadien et américain. À notre arrivée, l’équipe locale et les jeunes joueurs de Valleyfield attendaient la décision dramatique des commissaires américains qui disqualifieraient Verdun pour avoir aligné un joueur non éligible. Pouvait se lire évidemment beaucoup de déception sur le visage de la poignée de parents rassemblés dans les estrades. On pouvait également imaginer la tristesse du jeune garçon d’une quinzaine d’années, à l'endroit de qui était portée cette décision. Plusieurs se demandaient d’ailleurs de quel droit des règles purement administratives pouvaient brimer le plaisir du jeu. Question d’alléger l’atmosphère, l’entraîneur, en bon pédagogue, transforme l’exercice de réchauffement en sessions de danse, resituant le jeu dans sa dimension ludique.

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À voir l’attitude du public, des joueurs et des arbitres, j’éprouvais l’impression de me retrouver au centre du village d’Astérix, ayant survécu au rouleau compresseur de la diversification des disciplines sportives au Québec. Pendant quelques minutes, je revoyais ma propre jeunesse se dérouler sous mes yeux comme si les trente-cinq dernières années de ma vie n’avaient été qu’un rêve; et je crois être tombé amoureux de la ville de Verdun pour cela.

Tous ces gens avaient bel et bien l’air d’être de leur temps, comme si nous étions les extraterrestres. Une enseigne interdisait au public toute tentative d’influence sur le comportement des joueurs sous peine d’expulsion. Cette mesure exceptionnelle visait sans doute à éviter les débordements des parents d’équipes rivales qui, auparavant, semaient la honte chez les enfants sur le terrain.

La partie enfin commencée, je retrouve le plaisir du spectacle des lancers à effets, des coups sûrs et de beaux attrapés en défensive. Je me réjouis aussi d’avoir stationné ma voiture loin du territoire des balles fausses…; et je me demande à quoi aurait ressemblé ma vie de père de garçons au lieu de filles. Au bout de quelques minutes, je me rends bien compte de similitudes en termes d’encouragements, et que le handball ou la gymnastique valent bien les tournois de baseball.

Un jeune spectateur m’explique que Valleyfield procède à de nombreux changements de lanceurs à des fins stratégiques, en préparation pour la finale. Paradoxalement, les futurs finalistes s’inclinent 15 à 7 face une équipe locale déjà disqualifiée… Je me promets de revenir voir la finale mardi, qui opposera Valleyfield à Drummondville.

La finale : une ville qui s’active

À notre arrivée, les lanceurs de Valleyfield semblent connaître un meilleur match, ce qui n’empêchera pas l’équipe visiteuse de remporter le championnat sous les cris de joie de leurs partisans et les pleurs des perdants et de leurs parents.

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Je me demande si les encouragements des entraîneurs du genre: let’s go, j’ai confiance en toi, mets ton œil là-dessus; attends ton pitch, sois patient; juste les belles, etc., produisent l’effet désiré ou si cela ne stresse pas davantage les joueurs. Des gestes des frappeurs me montrent d’ailleurs qu’un passage au bâton représente beaucoup en matière d’apprentissage de gestion des émotions et d’efforts de concentration, des qualités essentielles dans la vie de tous les jours…, particulièrement quand ce joueur signifie la dernière occasion de remonter la pente à la dernière manche de la finale.

En circulant en voiture le long du fleuve près de Verdun, je me rends compte de l’existence d’une infrastructure sportive exemplaire : des terrains de baseball, de football, de basketball, de tennis, des pistes cyclables, des circuits de planche à roulettes, des piscines, etc., le tout à deux pas de l’eau; bref, il faut presque le faire par exprès pour être en mauvaise condition physique là-bas.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 1 août 2011

Publié dans Sport-Santé

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