Alzheimer : Vernissage et œuvres réalisées en art-thérapie
Inspiration de Matisse, craie aquarelle, crayon plomb, pastel à l’huile, collage… ; l’exposition des étudiants de Pascale Godbout illustre bien des intérêts et des talents d’artistes formant un collectif comme bien d’autres..., sauf que celui-ci se compose de personnes atteintes d’Alzheimer à un stade précoce de la maladie. Lors de cette phase, qui peut durer plusieurs années, les personnes perdent souvent en termes d’estime de soi et voient leur réseau social s’effondrer. C’est un peu pourquoi la Société Alzheimer Montréal offre plusieurs services de soutien aux malades et à leurs proches.
Mesdames Pascale Godbout, art-thérapeute et April Hayward, directrice des programmes et services de la Société Alzheimer de Montréal
L’un d’entre eux est un programme d’art-thérapie de grande renommée. Madame Godbout m’explique que les 25 œuvres sélectionnées pour l’exposition proviennent de plus d’une vingtaine de personnes différentes et que la collection privée a été préparée avec soin, chaque œuvre encadrée pour lui conférer un caractère professionnel et respectueux des artistes.
1) Le point de vue des artistes
Lise a exceptionnellement pu exposer deux de ses œuvres. Affichant beaucoup de fierté, elle reconnaît avoir travaillé très fort pendant plus de trois semaines pour la réalisation de son dessin de pommier et son collage de formes de couleurs. Sur cette dernière, elle nous dit s’être laissé guider par le sens de la beauté en cherchant à créer un jeu de couleurs agréable à l’œil en disposant des formes sur un support et en modifiant souvent l’arrangement initial. Robert, un autre artiste, affirme avoir plusieurs tableaux à la maison, mais admet en avoir sélectionné qu’une seul pour l’exposition.
Un troisième se dira lui-même surpris de la qualité de son collage, précisant que son épouse, peintre, est l’artiste de la famille. C’est pourtant aussi avec beaucoup de fierté qu’il m’explique la procédure suivie. Il a commencé par coller une image singulière de Mona Lisa, à la suite de quoi il s’est senti attiré par des illustrations très colorées et par des champs de fleurs. Une membre de la Société Alzheimer Montréal, l’épouse de l’un des malades participant au programme, m’explique que son mari d’origine latine a cherché à combiner les couleurs de la plupart des drapeaux d’Amérique latine dans une spirale. Jetant un coup d’œil autour d’elle, elle ajoute qu’il vaut la peine de faire le détour pour voir les œuvres exposées au Musée-des-Beaux-Arts de Montréal.
Lorsque j’ai demandé aux artistes de me définir leurs sources de motivation, j’ai constaté qu’ils étaient tous soit à la recherche du beau, souvent représenté par les formes et les couleurs, ou encore par l’exercice de procédures techniques. D’autres ont juste le goût de vivre de nouvelles expériences… Peu importe; il reste que plusieurs étaient déjà présents plusieurs minutes avant le début de l’évènement au Warren G. Flowers Gallery du Collège Dawson à Montréal, prêts à recevoir le vin d’honneur et les amuse-gueule soulignant cette soirée mémorable.
2) Améliorer la qualité de vie des gens
Présente sur les lieux, la directrice des programmes et services de la Société Alzheimer de Montréal, Madame April Hayward, m’explique qu’il s’agit d’une première exposition des étudiants de ses programmes dans cette salle; et en profite pour souligner que l’organisme à but non lucratif est toujours à la recherche de murs à coût de location modeste ou qui lui seraient même offerts à titre gracieux. Notre conversation porte aussi sur le travail de Pascale Godbout, qui a mis en place un programme de formation ouvert, démontrant beaucoup d’accueil et d’écoute à l’endroit des patients. C’est d’ailleurs ce que j’ai moi-même pu observer lors de ma visite au centre l’hiver dernier. Pascale, de son côté, me confirme que l’article publié à l’époque avait été apprécié hors-frontière.
J’ai aussi demandé à Madame Hayward de me parler brièvement de l’impact du programme d’art-thérapie sur la santé. Elle a reconnu qu’il existait peu d’études sur la question; mais que, de toute évidence, l’art-thérapie jouait un rôle fondamental sur le plan de l’amélioration de la qualité de vie des patients; particulièrement sur le plan personnel et interpersonnel.
Sur le plan personnel, la personne connaît un regain de dignité, ayant non seulement la possibilité de s’exprimer, mais aussi celle de développer de nouvelles compétences et des techniques d’art. Plusieurs fois, elle insiste sur la fierté facilement observable ce soir chez les artistes présents. Mais la plus grande victoire se trouve vraisemblablement sur le plan de la qualité des relations interpersonnelles. La création artistique crée de nouveaux ponts avec les proches qui avaient perdu des points de repère lors du déclenchement de la maladie; de plus, les expériences de groupe favorisent la constitution d’un nouveau tissu social entre des personnes partageant un même état de santé, mais aussi entre les proches.
Les bienfaits de l’art-thérapie seraient donc de nature systémique, favorisant aussi l’établissement de ponts avec le grand public.
Conclusion
La maladie d’Alzheimer connaît un rythme de croissance en lien avec le vieillissement de la population et coûte des milliards de dollars en recherche et en soins de santé. Bien que la croyance populaire fasse imaginer le pire aux proches dès l’annonce des premiers signes de la maladie, il reste qu’en phase précoce, qui peut durer plusieurs années, la personne malade et ses proches peuvent développer de nouvelles manières de communiquer. L’art-thérapie est l’une des réponses à ce besoin. Lors de l’exposition de ce soir, nous vivons de beaux moments de candeur et d’enthousiasme, entourés d’artistes à part entière.
L’exposition Cœurs créatifs se tient du 8 au 15 juin à la Warren G. Flowers Gallery du Collège Dawson situé au 4001 Maisonneuve Ouest à Montréal.
Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 13 juin 2012
Photos : Omaira Rincones
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