TEDx de l'UdeM et les réformes en santé: autonomisation et organisation apprenante

Publié le par Luc Renaud

Un changement de paradigme dans les soins aux malades ?

On sent à l’intérieur même du milieu médical moderne un courant de réformes qui guide des acteurs par une philosophie moins technique et plus humanisante que ne le laissent croire des problèmes comme l'engorgement de salles d'urgence ou le manque de médecins de famille. Depuis une dizaine d’années, par exemple, la psychiatrie reconnaît la valeur médicale de la méditation pleine conscience d’inspiration bouddhiste et s’en sert auprès de patients dans le but de limiter les rechutes de périodes dépressives des malades.

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Dans cet esprit de réformes, des protagonistes reconnaissent faire souvent face à une bonne dose de résistance de la part de confrères du milieu médical, d’après les commentaires recueillis auprès de certains d'entre eux le 11 mars dernier lors de la journée TEDx de l’UdeM. Trois grandes réformes nous ont été présentées : 1) les efforts de l’équipe du gestionnaire Vincent Dumez de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal visant l’intégration d’un important volet éducatif qui permettrait l’établissement d’un rapport soignant soignant entre le médecin et son patient. 2) La psychiatre et psychanalyste Danielle Bergeron nous a, quant à elle, brossé un portrait des plus positifs d’un centre de traitement de personnes atteintes de psychose; les soins visent à réduire considérablement les niveaux d’hospitalisation et à redonner le droit à l’inclusion sociale aux patients. 3) L’ingénieur Sylvain Martel s’est intéressé à la nanorobotique, une approche d'ingénierie biomédicale révolutionnaire, dans la lutte contre le cancer.

1-    La formation d’une organisation apprenante : un patient, partenaire de son propre traitement en santé

Atteint d’hémophilie et d’autres maladies chroniques, Monsieur Dumez voit depuis son adolescence la notion de soins de santé au cœur de sa propre vie. Des études lui montrent également que 50% de la population souffrira un jour ou l’autre d’une maladie chronique. Il estime, de plus, que la plupart souhaitent se soigner par eux-mêmes, mais disposent souvent de mauvaises informations sur les traitements appropriés. Les conseils en provenance d’Internet ne reposent pas toujours sur des bases scientifiques fiables, ou encore sont difficilement applicables. Les malades font aussi face à un milieu médical qui leur dicte souvent la conduite à adopter au lieu de les éduquer sur le choix des traitements pour leur permettre de prendre soin d’eux-mêmes en pleine liberté à partir de décisions éclairées.

 

 

Aux yeux du Directeur du bureau facultaire de l'expertise patient partenaire de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, le milieu hospitalier devrait se transformer en véritable organisation apprenante. En conséquence, les facultés de médecine doivent former les futurs médecins pour qu’ils puissent développer avec leurs patients un rapport de soignant à soignant. À titre d’exemple, il affirme être lui-même en mesure de se donner les intraveineuses nécessaires lorsque le traitement de sa propre maladie le requiert. Dans l’état actuel des choses, il s’attend à des initiatives des personnes malades à qui il conseille d’exiger des spécialistes rencontrés des informations précises et détaillées en matière d’autotraitements.

2-      Apprendre à se libérer d'une psychose

Docteure Danielle Bergeron est directrice du 388, un Centre de traitement psychanalytique de la région de Québec pour jeunes adultes psychotiques. En conférence, elle rappelle que la schizophrénie est un trouble mental grave et dévastateur qui se caractérise par des instants de délire, l’entendement de voix, la création d’un monde imaginaire, et surtout par beaucoup de souffrance et de solitude. Les traitements basés sur la médication n’éliminent pas les risques de rechute; en conséquence de quoi nous assistons souvent à la chronicisation de la maladie, à l’internement parfois à vie du patient, alors exclu de toute forme de vie sociale.

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La méthode Ailleurs, Autrement, Avec (AAA) du 388 constitue une véritable alternative et connaît des résultats retentissants : une diminution du taux d’hospitalisation de l’ordre de 90%; une baisse importante des besoins de médication, et une amélioration substantielle de la qualité de vie du patient. La famille des malades note aussi une importante diminution de l’isolement de ceux-ci et l’optimalisation des conditions de leur rétablissement.

Pour ce faire, le centre offre un service de psychiatrie complet, jumelé à une approche psychanalytique globale permettant à la personne malade de démystifier le monstre qu’est sa psychose. Établi dans une maison de quartier et non dans un hôpital, le centre dispose aussi de lits sur place pour héberger un malade au moment d’une crise majeure, et offre des ateliers d’art avec des artistes professionnels pour l’amener à rompre l’isolement et à développer des compétences artistiques de niveau professionnel.

3-      La nanorobotique pour le traitement du cancer

L’ingénieur Sylvain Martel, directeur du laboratoire de nanorobotique de l’école Polytechnique de Montréal,  assume un rôle de pionnier en impliquant l’ingénierie dans la lutte contre le cancer; une maladie dévastatrice qui remplit de désespoir les personnes malades. De 40 à 45% de la population souffrirait un jour ou l’autre de cette maladie à des degrés divers. Si actuellement, on dénombre un mort chaque quatre secondes, ce rythme de morbidité doublerait d’ici 2020.

Contre cette maladie, les médecins disposent de peu de moyens. Or, des observations scientifiques permettent de noter que plusieurs cancers meurtriers sont localisés, comme celui de la prostate, des poumons ou des seins, etc.; et que l’administration des drogues touche aussi bien les zones en santé que les zones malades.

L’approche de Monsieur Martel préconise l’introduction de la médication dans des nanocapsules, propulsées dans le corps humain à l’image de sous-marins miniaturisés des romans de science fiction. Une fois rendue près des zones malades, la drogue serait éjectée de son enveloppe pour se coller d’elle-même à des bactéries, qui les aideraient à mener le combat. Le traitement serait contrôlé par ordinateur sous la supervision d’un médecin responsable du dosage du médicament nécessaire.

Entre 2007 et 2011, des tests menés sur des animaux ont permis de valider d’importantes hypothèses et de peaufiner le traitement. Le produit a même atteint sa cible, soit le foie d’un lapin. Actuellement une équipe multidisciplinaire étudie la possibilité de mener des tests sur l’être humain, en dépit de résistances dans le milieu médical et d’un financement difficile à obtenir.

Conclusion

Nous notons d’importants changements dans le milieu médical où des réformateurs s’attaquent de manière systémique aux problèmes en vue d’offrir de réelles alternatives aux patients. TEDx de l’UdeM nous a donné les exemples des efforts menés par un gestionnaire de Faculté de médecine de l'Université de Montréal visant à faire du patient un réel partenaire dans le traitement de sa maladie et à transformer le milieu médical en organisation apprenante; un médecin psychiatre et psychanalyste met en place une approche thérapeutique prometteuse, qui permet à des malades gravement touchés par la schizophrénie de briser leur isolement et mener une vie beaucoup plus riche que le laissent croire les pronostics habituels; un ingénieur, de son côté, recherche des armes contre le cancer à l’aide de la nanorobotique. Certains des conférenciers ont tout de même reconnu faire face à la résistance de membres de leur milieu respectif, une réaction qui n’a rien de surprenant. N'est-ce pas le propre du changement que de causer du dérangement?    

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Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 18 mars 2012

Publié dans Sport-Santé

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