La chanson, c’est comme du cinéma

Publié le par Luc Renaud

Ils sont jeunes; le rêve du vedettariat les conduit à se payer des leçons privées et à pratiquer leurs pièces préférées pendant de nombreuses heures. Ma fille prendra même l’initiative de récupérer des partitions de musique sur Internet et de s’installer au clavier, le casque d’écoute sur la tête. Puis, ça y est! Nous n’entendons plus que le clapotis de ses doigts jouant des airs classique comme Für Elise de Beethoven ou des airs pop rock, comme Apologize, tiré de Twilight.

 

Par ailleurs, elle pratiquera Waiving Flag comme s’il s’agissait de la seule chanson existant sur Terre afin d’en rendre une interprétation parfaite. Lors de sa cérémonie de graduation, elle avait littéralement arraché le microphone des mains de ses camarades pour offrir au public sa partie, avec force et conviction. Cette détermination nous a convaincus, ma femme et moi de lui payer les leçons de chant qu’elle réclamait déjà depuis plusieurs mois.

Le Centre d’études musicales Pantonal, logé au Centre communautaire intergénérationnel d’Outremont, présentait son spectacle annuel à la salle Moyse de la célèbre université McGill à Montréal, dimanche le 15 mai dernier. Les 125 parents et amis des artistes de tous âges pouvaient apprécier Y va faire show, ayant pour thème la musique de films et de comédies musicales.

 

Le spectacle

La première partie comprenait trois groupes de musiciens et chanteurs, qui présentaient entre autres une interprétation de Born To Be Wild, Mars Bonfire, Eye Of The Tiger, etc. par Jade Rabin et Isabelle Therrien, sans aucun doute l’un des moments forts de cet après-midi. De beaux solos de saxophone ont aussi enrichi l’ambiance musicale des pièces suivantes. Puis, le clan des Tremblay, juste avant l’entracte, a su démontrer au public qu’il existe encore des familles de musiciens au Québec, en jouant de plusieurs instruments à tour de rôle. Du temps de mes grands-parents et de mes parents, la musique venait cimenter les liens familiaux, particulièrement pendant le temps des fêtes.

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Des moments forts du spectacle

En seconde partie, un chœur de dix chanteuses, incluant ma fille, a réussi un beau tour de force en y interprétant Aquarius, Let The Sunshine In, de la comédie musicale Hair. De l’avis de ma fille, soprano, il s’agissait d’une petite prestation amusante, mais aussi difficile à jouer, du fait d’un manque d’expérience en chant choral. La finale du spectacle mettait en vedette les professeurs du Centre d’études musicales Pantonal sur des airs de Pretty Woman et de Saturday Night Fever avec les voix de Julien Gagnon et de Marie-Michèle Bélair.

L’évaluation formative en guise de critique

Bien que l’événement puisse être globalement considéré comme une belle réussite, ce spectacle visait de manière évidente à offrir une expérience de scène à des artistes en plein processus d’apprentissage. Si certains d’entre eux se sont lancés dans l’aventure musicale par plaisir, d’autres éprouvent sans doute le rêve du vedettariat.

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Dans les coulisses du spectacle

J’ai relevé quelques faiblesses qui traduisent bien le degré d’avancement des élèves de l’école ou des limites dans les disponibilités des organisateurs et des artistes:

  • Inégalité dans la maîtrise de l’art : si certains donnaient d’excellentes prestations, il reste que des chants sonnaient faux par moments;
  • Stress difficilement contrôlé : des artistes ont commis des erreurs et plusieurs ont résisté à la nécessité de pousser leur voix à pleine puissance;
  • Difficultés techniques : une caisse de son un peu défectueuse rendait l’enchaînement des pièces quelque peu rigide;
  • Programmation incertaine : des textes sont confiés à des chanteuses qui n’ont pas toujours le registre de voix approprié et certains numéros semblent avoir été ajoutés à la dernière minute.

De mon point de vue, il est également regrettable que la quasi-totalité du répertoire ait été prise dans le cinéma anglophone, compte tenu entre autres de l’importance de la culture francophone ou de la diversité culturelle du Québec.

Malgré ces erreurs de parcours, j’ai beaucoup apprécié la qualité de la coordination entre les musiciens et les changements de fonds de scènes produits par l’éclairage. Il est aussi de mon avis que ce spectacle, pris dans le sens d’un exercice de mise en pratique des apprentissages, constitue pour les élèves une excellente expérience de la réalité scénique : la chorégraphie, les niveaux de registres, le rythme des chansons, etc. reflètent bien l’important défi lancé aux artistes. Peut-être que le fait de s’exécuter dans l’enceinte de la prestigieuse université McGill constituait un facteur de stress additionnel.

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Vers l'université McGill

Et l’avenir dans tout ça?

Dans ce contexte, chacun doit tirer des leçons de ses bons coups et de ses erreurs en vue de renforcer son apprentissage et son niveau de maîtrise dans l'art choisi. Dans un an, ces artistes, enrichis d’une nouvelle année d’apprentissage, pourront offrir un produit amélioré. La poursuite du rêve est à ce prix : la passion nécessite des efforts continuels pour mener au succès.

Peut-être que des Justin Bieber se trouvaient sur scène cet après-midi; peut-être pas. Quoi qu'il en soit, la pratique de la musique et du chant constitue un merveilleux passetemps, riche en acquisition de compétences transversales, comme le travail en équipe et l’art de s’exprimer en public.

Comme parent, il s’agit d’une expérience nous montrant que chaque enfant emploie un moyen d'expression personnelle qui laisse une empreinte sur sa génération. Chaque petite prestation est une page d'histoire. Si mon fils m’a fait visiter le pays de la contre-culture et les salles de l'underworld, ma fille m’a conduit, à l’opposé, dans une salle de spectacle universitaire. Il faudra éventuellement arrimer ces forces divergentes vers la création d’un monde nouveau.

Texte et photos: Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation; vidéo du spectacle: Luc Renaud et Omaira Rincones, 17 mai 2011

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