TEDx aux deux pôles de l’avancement de l’humanité

Publié le par Luc Renaud

Technology, Entertainment, Design (TED) est une organisation à but non lucratif dédié au partage des savoirs, surtout par le biais de courtes conférences de haut calibre diffusées sur Internet. L’événement né à Palm Beach en 1984 a pris de l’expansion au fil des ans, offrant deux grandes conventions annuelles, l’une aux États-Unis et l’autre en Angleterre. Le concept s’est étendu à une grande variété de disciplines, d’où la naissance des congrès TEDx  dans plusieurs universités à travers le monde. L’Université de Montréal tiendra le sien  le dimanche 11 mars 2012 prochain.
Une quinzaine de conférenciers ont été sélectionnés dans des domaines aussi variés que le génie industriel, l’architecture, la psychanalyse, la microbiologie, etc. Il y sera question de développement de pointe en matière de décontamination des sols, de laboratoires virtuels, de traitement du cancer à l’aide de la nanorobotique, etc.
Pour nous donner un avant-goût de cet événement de haut savoir, une de nos amies, Katia, nous a mis sur la piste d’une présentation TED extraordinaire qui a eu lieu en juillet 2011, démontrant que l’avenir de l’humanité appartient beaucoup plus à la bonne volonté des hommes et à l’apprentissage permanent qu’à une course effrénée de richesse matérielle. 
1-      Le Barefoot College du village Tilonia en Inde
L’un des conférenciers du TED Global 2011, Sanjit Bunker Roy, a fondé le Barefoot College, l’université des va-nu-pieds, dans le village de Tilonia à Rajasthan en Inde en s’inspirant d’une philosophie aux antipodes des standards officiels. Dans son milieu, les élèves deviennent les maîtres grâce à leur fine maîtrise d’un éventail minutieux de stratégies de survie apprises loin des bancs d’école. Sur le plan psychopédagogique, l’expérience illustre à la perfection la pertinence de l’apprentissage expérientiel et différencié, faisant ressortir le génie naturel des élèves autodidactes dans un esprit de communauté apprenante.
Dans ce système, paradoxalement, la valeur des diplômes ne peut concurrencer le savoir-faire des personnes les plus pauvres et les moins scolarisées de l’Inde.

Aux yeux de Sanjit Roy, fier disciple de Gandhi,  un professionnel  est une personne qui possède une combinaison de compétences, de confiance en soi et de foi. Dans ce contexte, l’instigateur du projet saura mettre en valeur le savoir-faire de personnes illettrées autant dans des travaux de menuiserie, ou dans les tâches de sages-femmes que dans des activités normalement réservées à des professions comme les ingénieurs ou les dentistes.
Face à l’analphabétisme, ou à l’étendue des langues et dialectes cohabitant dans les classes, ou encore à des problèmes de vieillissement, l’approche de M. Roy prévoit l’usage de méthodes de communication  employant des moyens visuels simples, mais efficaces. L’éducateur s’obstine à mettre tout en place pour que chacun puisse réussir sa formation et participer aux activités de la communauté apprenante.
-          Le projet : une communauté autosuffisante et moderne
L’objectif du projet consiste à créer une communauté autosuffisante en totale harmonie avec l’environnement physique et économique de l’Inde afin de combattre la pauvreté, de vivre en toute dignité et de développer son plein potentiel cognitif. En ce sens, le projet ne nécessite financièrement que la bonne volonté des participants, puisqu’il serait utopique de bénéficier de l’appui philanthropique des banques ou des grands donateurs dans les contextes habituels. Le cas contraire maintiendrait les habitants dans un état de dépendance, brisant par le fait même leur merveilleuse capacité d’adaptation à la rigueur de leur environnement. Le groupe pousse même l’audace jusqu’à rejeter un prix de 50 000 $, ne sachant trop pour quelle fin il leur avait été octroyé. Ainsi, démontre-t-on la parfaite inutilité des richesses matérielles.
En dépit des contraintes financières, l’œuvre se veut titanesque, moderne, porteuse d’avenir et exportable. Ainsi, un complexe immobilier entier est conçu avec minutie par des ingénieurs va-nu-pieds et sans diplôme, sur un sol originellement désertique qu’on saura transformer en véritable oasis de verdure, en dépit d’avis en provenance de l’expertise officielle. D’autres technologies du désert seront investies dans le projet, comme la récupération de l’eau de pluie et de rosée récupérée goutte à goutte de manière astucieuse de toitures, et qui assurera à la population des provisions suffisantes en eau potable. Comme source d’énergie, des femmes illettrées sauront construire un ensemble de panneaux solaires, selon une technologie qui sera même exportée dans les régions avoisinantes.
 
Considéré au départ comme une marque de folie, le concept de Sanjit Bunker Roy s’est répandu comme une traînée de poudre dans l’ensemble de l’Inde et dans des pays limitrophes comme l’Afghanistan; procurant un modèle d’espoir aux régions les plus pauvres du monde.
2 -      Mes réactions
La nécessité est la mer de la créativité affirme un adage populaire. Nous ajouterons que cela exige l’implication d’hommes et de femmes d’une volonté qui frise la dévotion. Ces personnes reconnaissent l’existence de graves problèmes, qu’ils ne prennent pas à la légère. Pour eux, les obstacles deviennent des défis, et un problème n’existe que pour nous laisser le soin d’en déployer l’éventail des solutions.

M. Sanjit ne peste vraisemblablement pas vraiment contre l’éducation formelle ou les diplômes, mais contre le snobisme de certains milieux officiels; de plus, il comprend vite qu’il incombe aux habitants des régions les plus pauvres de se prendre en main, de ne rien attendre de personne, et de faire les apprentissages requis à la fabrication des infrastructures nécessaires au développement d’une collectivité, sur mesure, bien intégrée à l’environnement naturel. Qui plus est, il fait confiance au savoir-faire de ces personnes, qui ont appris l’art de la survie dans des conditions environnementales et financières extrêmement difficiles.

Il fait preuve d’une grande confiance également en leur capacité de tirer profit de ce savoir-faire pour le transmettre à autrui dans un esprit de partage d’expertise, mais aussi d’apprentissage continu. Nous voyons dans le Barefoot College un excellent modèle de pédagogie ouverte et une formule drôlement efficace d’éducation populaire.

Conclusion

Petite goutte jetée dans l’océan au départ, l’idée de  Sanjit Roy correspond quasiment à un projet de recherche action systémique (RAIS) dans la mesure où le développement est conçu en exploitant surtout l’expérience des gens de terrain, et dans un esprit d’expansion quasiment sans limites, jetant les bases d’une société nouvelle, sérieuse alternative aux modèles commerciaux qui, à bien des égards, creuse des écarts entre les pays du Nord et ceux du Sud.

Nous souhaitons que le développement de ce contrepoids économique et culturel puisse se poursuivre. Les habitants du Sud y gagneraient tant sur le plan personnel que collectif, en se soustrayant des règles généralement établies, au lieu de participer à l’uniformisation des cultures, issue de la mondialisation. Plus en lien avec leur environnement, ils offriraient aux habitants du Nord un modèle de vie duquel s’inspirer avec fierté.

Peut-être en arriverons-nous, éventuellement, à la mise en place d’un dialogue vraiment égalitaire, et dans le respect de la diversité. Je conclus en réaffirmant ma ferme conviction en la valeur des apprentissages informels et formels, les deux devant former un tout dans une démarche d’apprentissage tout au long de la vie.  Les travaux gigantesques de Sanjit Roy sont valables; les découvertes qui nous seront présentées aux TEDx de l’Université de Montréal, le 11 mars prochain le sont aussi.

Pour plus de détails sur les TEDx, consultez : TEDx UdeM : http://tedxudem.com/Pour ceux qui voudraient y assister, la période d’inscription prend fin le 26 février 2012. Les places sont limitées et des conditions s’appliquent.

Dans la même série

-                    La fin du monde n'est pas pour demain

-                    Les grands enjeux (première partie) : la gestion de la croissance de la population mondiale

-          Les grands enjeux (deuxième partie) : Vaincre l’analphabétisme relationnel

-                    Les grands enjeux (troisième partie) : choisir la polarisation ou la solidarité

-                    Les grands enjeux (quatrième partie): l’occultation de l'essentiel

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 24 février 2012
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