Les Week-ends du monde: vers la communication interculturelle

Publié le par Luc Renaud

Aux yeux d’organisateurs comme Hamilton Cidade, l’organisation d’événements collectifs de nature interculturelle comme les Week-ends du monde a pour but de favoriser une plus grande communication entre les gens de cultures variées. Pourtant, force est de constater que, d’une part, certains participants cherchent beaucoup plus à faire valoir leur entreprise en profitant d’un afflux de clients et que d’autres se réunissent pour faire la fête sans trop se soucier de la question du multiculturalisme. Par ailleurs, les jeunes de la loi 101 établissent souvent des liens d’amitié sans nécessairement attacher d’importance aux valeurs culturelles des générations antérieures. S’ensuit souvent un certain malaise à l’intérieur des familles.

Dans ce contexte, comment assurer l’harmonie tant sur l’axe horizontal de l’interculturel que l’axe vertical de l’intergénérationnel, particulièrement dans une société mue par des habitudes issues de l’individualisme, lui-même grandement tributaire du libéralisme économique?

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a)      Cohabitation des cultures ou multiculturalisme

L’an dernier nous avions assisté au carnaval d’été brésilien au parc Jean-Drapeau, en ressentant beaucoup de surprise à la vue de supporters colombiens, présents pratiquement au même endroit dans un contexte qui rappelait beaucoup plus une double solitude que le multiculturalisme: les Colombiens avaient leur propre fête, ailleurs dans le parc; ce que nous ignorions.

Cette année, nous avons été témoin d’un phénomène de cohabitation culturelle pacifique beaucoup plus vaste, alors que d’autres cultures attiraient leurs tenants à l’écart du carnaval d’été brésilien  et de la fête de l’indépendance colombienne. Les Mexicains se regroupaient autour de leurs mariachis et des boutiques d’artisanat pendant que Cuba, les Caraïbes et quelques pays africains tenaient des kiosques à l'écart. La piazza italienne offrait des activités aux côtés de l’Iran et d’un kiosque alimentaire affichant une touche d’exotisme québécois avec des saucisses de bison et de sanglier au menu.

Lors de notre passage, des gens circulaient ici et là, curieux de découvrir ces manifestations culturelles; mais la plupart se rendait aux activités de leurs pays respectifs sans trop poser de questions aux autres. Qui étaient les intéressés, les personnes ouvertes? Des visiteurs à tendance touristique? Des curieux et quelques personnes qui perçoivent la vitalité culturelle comme une richesse humaine? Ou d'autres, plutôt animées par des valeurs universelles, voyant chez les gens de l’extérieur des personnes à part entière avec qui il fait plaisir d’échanger?

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Mais au final, qui peut affirmer que les Week-ends du monde ont réellement amélioré la qualité des rapports interculturels en général? À la suite de mon article sur le carnaval d’été brésilien, par exemple, un restaurant du Vieux-Port m’écrivait pour m’offrir une entrevue cherchant, de toute évidence, à tirer profit de mes services de blogueur à des fins de promotion commerciale; alors que, de mon côté, j’essayais plutôt de valoriser la richesse culturelle du week-end et de donner un coup de pouce à des artistes qui tentent de se frayer un chemin dans un métier hautement compétitif.

2) La nécessité de la communication interculturelle

En contrepartie, des enfants de la loi 101 se lient entre eux de manière naturelle sans pour autant attacher trop d’importance aux différences culturelles. Ils se considèrent comme des amis et ça leur suffit, apparemment. Pourtant, le psychosociologue Jacques Salomé a déjà identifié comme besoin relationnel l’importance pour les interlocuteurs de se sentir sur la même longueur d’onde. En ignorant des aspects importants de l’éducation culturelle en provenance des parents, je me demande si ces jeunes ne se coupent pas l’herbe sous le pied tant du point de vue horizontal que vertical. Ils se priveraient d’occasions d’être mieux compris de leurs pairs d’autres cultures et contribueraient à accroître le fossé entre les générations.

Malgré les lacunes soulevées précédemment sur le déroulement des Week-ends du monde, force est de constater que les spectacles offerts, les boutiques d’artisanat et les kiosques alimentaires donnent plusieurs exemples de manifestations culturelles, au même titre d’ailleurs que certaines fêtes de quartier, souvent organisées dans des parcs de la ville ou les sous-sols d’églises. Plus stable, une visite des quartiers ethniques répond aux mêmes impératifs. C’est d’ailleurs cette image d’une mosaïque multiculturelle montréalaise qui m’avait séduit il y a plus d’une vingtaine d’années et décidé à m’établir dans la métropole du Québec.

Mais voilà. La communication interculturelle et, par le fait même, l’intégration des cultures, n’est réalisable que si les gens témoignent de leur intérêt pour toutes ces manifestations et si les dispositifs mettent réellement en place des moyens d’échange entre les gens. L’intérêt doit être accompagné d’un réflexe simple : s’interroger et interroger au lieu de commettre l’erreur fréquente d’opiner ou de juger, avec la stigmatisation comme conséquence.

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Comment amener les jeunes de la loi 101 à se demander d’où viennent les mariachis mexicains, et pourquoi on les invite sur les scènes d’événements importants; ou encore leur faire comprendre les liens qui unissent l’Angola et le Brésil grâce, entre autres, à une pièce de Samba? De fil en aiguille, comment faire en sorte qu’ils découvrent des enjeux historiques, politiques, sociaux, économiques et même moraux reliés aux manifestations culturelles? Comment également les aider à ressentir des émotions similaires à celles vécues par les connaisseurs? Et comment développer en eux suffisamment de curiosité pour qu’on n’ait plus besoin éventuellement d’organiser des événements interculturels collectifs pour en arriver tout de même à cultiver un bon niveau de communication interculturelle? Le succès des Week-ends du monde est au prix de se faire hara kiri, un jour.

Conclusion

Nous sommes plusieurs à croire que la richesse humaine provient d’une meilleure communication interculturelle aussi bien entre gens de la même génération que dans un contexte de communication intergénérationnelle. Les efforts déployés par les organisateurs d’événements collectifs comme les Week-ends du monde, et les rapports d’amitié qui se construisent entre les jeunes de la loi 101 au nom de valeurs universelles constituent des pas dans la bonne direction. Nos observations nous amènent toutefois à croire que des efforts additionnels en matière de communication doivent être réalisés pour en arriver à un véritable pluralisme ou multiculturalisme, ou encore à une meilleure intégration culturelle.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 17 août 2012

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