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Les Week-ends du monde: vers la communication interculturelle

Publié le par Luc Renaud

Aux yeux d’organisateurs comme Hamilton Cidade, l’organisation d’événements collectifs de nature interculturelle comme les Week-ends du monde a pour but de favoriser une plus grande communication entre les gens de cultures variées. Pourtant, force est de constater que, d’une part, certains participants cherchent beaucoup plus à faire valoir leur entreprise en profitant d’un afflux de clients et que d’autres se réunissent pour faire la fête sans trop se soucier de la question du multiculturalisme. Par ailleurs, les jeunes de la loi 101 établissent souvent des liens d’amitié sans nécessairement attacher d’importance aux valeurs culturelles des générations antérieures. S’ensuit souvent un certain malaise à l’intérieur des familles.

Dans ce contexte, comment assurer l’harmonie tant sur l’axe horizontal de l’interculturel que l’axe vertical de l’intergénérationnel, particulièrement dans une société mue par des habitudes issues de l’individualisme, lui-même grandement tributaire du libéralisme économique?

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a)      Cohabitation des cultures ou multiculturalisme

L’an dernier nous avions assisté au carnaval d’été brésilien au parc Jean-Drapeau, en ressentant beaucoup de surprise à la vue de supporters colombiens, présents pratiquement au même endroit dans un contexte qui rappelait beaucoup plus une double solitude que le multiculturalisme: les Colombiens avaient leur propre fête, ailleurs dans le parc; ce que nous ignorions.

Cette année, nous avons été témoin d’un phénomène de cohabitation culturelle pacifique beaucoup plus vaste, alors que d’autres cultures attiraient leurs tenants à l’écart du carnaval d’été brésilien  et de la fête de l’indépendance colombienne. Les Mexicains se regroupaient autour de leurs mariachis et des boutiques d’artisanat pendant que Cuba, les Caraïbes et quelques pays africains tenaient des kiosques à l'écart. La piazza italienne offrait des activités aux côtés de l’Iran et d’un kiosque alimentaire affichant une touche d’exotisme québécois avec des saucisses de bison et de sanglier au menu.

Lors de notre passage, des gens circulaient ici et là, curieux de découvrir ces manifestations culturelles; mais la plupart se rendait aux activités de leurs pays respectifs sans trop poser de questions aux autres. Qui étaient les intéressés, les personnes ouvertes? Des visiteurs à tendance touristique? Des curieux et quelques personnes qui perçoivent la vitalité culturelle comme une richesse humaine? Ou d'autres, plutôt animées par des valeurs universelles, voyant chez les gens de l’extérieur des personnes à part entière avec qui il fait plaisir d’échanger?

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Mais au final, qui peut affirmer que les Week-ends du monde ont réellement amélioré la qualité des rapports interculturels en général? À la suite de mon article sur le carnaval d’été brésilien, par exemple, un restaurant du Vieux-Port m’écrivait pour m’offrir une entrevue cherchant, de toute évidence, à tirer profit de mes services de blogueur à des fins de promotion commerciale; alors que, de mon côté, j’essayais plutôt de valoriser la richesse culturelle du week-end et de donner un coup de pouce à des artistes qui tentent de se frayer un chemin dans un métier hautement compétitif.

2) La nécessité de la communication interculturelle

En contrepartie, des enfants de la loi 101 se lient entre eux de manière naturelle sans pour autant attacher trop d’importance aux différences culturelles. Ils se considèrent comme des amis et ça leur suffit, apparemment. Pourtant, le psychosociologue Jacques Salomé a déjà identifié comme besoin relationnel l’importance pour les interlocuteurs de se sentir sur la même longueur d’onde. En ignorant des aspects importants de l’éducation culturelle en provenance des parents, je me demande si ces jeunes ne se coupent pas l’herbe sous le pied tant du point de vue horizontal que vertical. Ils se priveraient d’occasions d’être mieux compris de leurs pairs d’autres cultures et contribueraient à accroître le fossé entre les générations.

Malgré les lacunes soulevées précédemment sur le déroulement des Week-ends du monde, force est de constater que les spectacles offerts, les boutiques d’artisanat et les kiosques alimentaires donnent plusieurs exemples de manifestations culturelles, au même titre d’ailleurs que certaines fêtes de quartier, souvent organisées dans des parcs de la ville ou les sous-sols d’églises. Plus stable, une visite des quartiers ethniques répond aux mêmes impératifs. C’est d’ailleurs cette image d’une mosaïque multiculturelle montréalaise qui m’avait séduit il y a plus d’une vingtaine d’années et décidé à m’établir dans la métropole du Québec.

Mais voilà. La communication interculturelle et, par le fait même, l’intégration des cultures, n’est réalisable que si les gens témoignent de leur intérêt pour toutes ces manifestations et si les dispositifs mettent réellement en place des moyens d’échange entre les gens. L’intérêt doit être accompagné d’un réflexe simple : s’interroger et interroger au lieu de commettre l’erreur fréquente d’opiner ou de juger, avec la stigmatisation comme conséquence.

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Comment amener les jeunes de la loi 101 à se demander d’où viennent les mariachis mexicains, et pourquoi on les invite sur les scènes d’événements importants; ou encore leur faire comprendre les liens qui unissent l’Angola et le Brésil grâce, entre autres, à une pièce de Samba? De fil en aiguille, comment faire en sorte qu’ils découvrent des enjeux historiques, politiques, sociaux, économiques et même moraux reliés aux manifestations culturelles? Comment également les aider à ressentir des émotions similaires à celles vécues par les connaisseurs? Et comment développer en eux suffisamment de curiosité pour qu’on n’ait plus besoin éventuellement d’organiser des événements interculturels collectifs pour en arriver tout de même à cultiver un bon niveau de communication interculturelle? Le succès des Week-ends du monde est au prix de se faire hara kiri, un jour.

Conclusion

Nous sommes plusieurs à croire que la richesse humaine provient d’une meilleure communication interculturelle aussi bien entre gens de la même génération que dans un contexte de communication intergénérationnelle. Les efforts déployés par les organisateurs d’événements collectifs comme les Week-ends du monde, et les rapports d’amitié qui se construisent entre les jeunes de la loi 101 au nom de valeurs universelles constituent des pas dans la bonne direction. Nos observations nous amènent toutefois à croire que des efforts additionnels en matière de communication doivent être réalisés pour en arriver à un véritable pluralisme ou multiculturalisme, ou encore à une meilleure intégration culturelle.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 17 août 2012

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Pierre Chatillon et la vitalité culturelle de Nicolet

Publié le par Luc Renaud

Un adieu aux guerres des clochers

Nicolet (1), municipalité du Centre-du-Québec d’environ 8 000 habitants peut compter sur un patrimoine religieux et historique à l’origine d’une grande vitalité culturelle. À titre d’exemple, la ville peut compter sur le regroupement d’une cinquantaine d’artistes, des écrivains connus comme Louis Caron (2), romancier, auteur de Canard de bois et de la télésérie Les Fils de la liberté. L’ancien professeur d’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR),  compositeur, romancier et poète Pierre Chatillon (3), un autre illustre auteur nicolétain nous a accordé une entrevue en marge du récital de la Clé des Chants le 22 avril dernier (4 et 5) pour mieux nous faire connaître son œuvre. Cet article lui sera consacré, à lui et à la vitalité culturelle de Nicolet.

1-      Cas d’artiste complet : Pierre Chatillon

Pierre Chatillon  est auteur de plus d’une quarantaine de livres, incluant des romans comme Île était une fois et La Mort rousse; des nouvelles comme L’Atlantidien et La vie en fleurs et des recueils de poèmes, comme Le violon soleil et Amoureuse. Il a même publié son autobiographie, Le Château de sable et une sélection de poèmes en anglais, Facing The Sea . Son œuvre a franchi la frontière l’an dernier, alors qu’il publiait dans l’État de Floride aux États-Unis. Ses livres traitent souvent de l’environnement, de l’amour, de la musique et de l’humour en passant du drame à la comédie jusqu’à des aventures pittoresques. Il a aussi collaboré à plusieurs revues comme Châtelaine, Québec français, Voix et images du pays, etc.

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À droite, Pierre Chatillon répondant aux questions du blogue de Luc R

L’auteur nous expliquera que le Séminaire de Nicolet a permis l’émergence d’une trentaine d’écrivains dont le souvenir demeure vivant grâce à une autre initiative de Pierre Chatillon, le parc littéraire L’arbre de mots, situé à deux pas du Musée des religions du monde (6). Le philanthrope a voulu y faire un legs à son patelin, ouvert à tous, constitué de six structures en acier réalisées par Pierre Brassard et son fils Sébastien. Monsieur Chatillon étend aussi ce savoir populaire dans l’ensemble de la région par la réalisation d’un second parc de même nature, cette fois-ci à Bécancour.

Appréciés du grand public, ses textes sont lus à la radio de Radio-Canada ou encore par lui-même lors de ses présentations publiques. Son poème, L’enfance a récemment été arrangé avec brio par Manon Asselin, chef de chœur de la Clé des Chants, et merveilleusement interprété par les choristes de cet ensemble vocal.

Lessive et extrait de L'enfance avec La Clé des Chants

 

Originaire de quatre générations de musiciens, Pierre Chatillon reconnaît la valeur d’une gamme variée de styles musicaux. Pourvu que ça soit beau, il y a toujours place pour de nouvelles expériences, autant dans la musique populaire que classique ajoute ce mélomane qui  aura même joué le rôle de siffleur dans un groupe musical. Actuellement à la retraite, il se consacre aux seules activités qui lui plaisent, comme la récitation de poèmes en compagnie de musiciens et la réalisation de son cinquième disque de musique classique.

Cet homme remarquable a remporté de nombreux prix dont le Prix Adagio du Salon du Livre de Trois-Rivières et le Prix Lionel-Groulx. Il est possible de consulter de bons extraits de son œuvre littéraire et musicale, et de se les  procurer à partir du site Web suivant : http://www.pierrechatillon.com

2-      Les arts et le passage du temps

La vitalité culturelle de Nicolet serait largement tributaire de la religiosité histoire de cette ville (7) du Centre-du-Québec et du rôle de celle-ci dans l’histoire du Canada français. Non loin de la célèbre École nationale de police du Québec (8), le Boisé-du-Séminaire et celui des Sœurs-de-l’Assomption constituent de dignes témoins de ce passé. À quelques pas d'eux, le Musée des religions du monde présente étonnamment Tabarnak : l’expo des jurons, une exposition sur le juron québécois, alors qu'il fournit par ailleurs de la documentation sur le deuil, la fête de Noël et, rien de moins que la démonologie. Comme son nom l’indique, le musée présente évidemment des expositions sur le christianisme (du catholicisme au protestantisme), l’islam, l’hindouisme, le judaïsme, le bouddhisme, etc.

Il semblerait que la villégiature longeant la rivière Nicolet et des observatoires du lac Saint-Pierre(9) comptent aussi comme d’importantes sources d’inspiration artistique. Sur ce dernier point, l’école d’agriculture et d’horticulture de Nicolet (10) non loin des établissements scolaires de niveau primaire et de l’école secondaire Jean-Nicolet (11, 12 et 13), de 900 élèves, constitue un autre trait de la versatilité de la ville.

Des ateliers de peinture et de dessins sont offerts au Centre des arts populaires de Nicolet (14), situé tout juste à côté de la cathédrale, une salle servant aussi à la tenue de concerts. C’est d’ailleurs là que s’est tenu le 22 avril dernier Pourquoi chanter?, le récital printanier offert par la Clé des Chants, pour commémorer le Jour de la Terre. Sur la rive sud de la rivière Nicolet, la Maison Rodolphe-Duguay (15), site ancestral du peintre-graveur Rodolphe Duguay et de sa conjointe, l’écrivaine Jeanne Duguay, sert de lieu à des expositions de peinture, mais aussi à une programmation d’activités culturelles variées : des spectacles de chansons, un pique-nique familial, des conférences, des visites muséales, etc.

Conclusion

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Récitation de Lessive par Pierre Chatillon

Chaque endroit du monde, à grande ou à faible densité de population, possède sa propre beauté intrinsèque. L’œuvre de Pierre Chatillon illustre bien la valeur importante de la culture nicolétaine, et d’une région où s’est jouée une grande partie de l’histoire du Canada français, particulièrement celle de l’apport de la religion catholique en Nouvelle-France.

L’interculturel, ça se développe autant dans un microcosme multiculturel comme Montréal qu'entre les groupes d'une même région, de la campagne et de la ville. Un lien plus large entre les diverses régions d’une même province ou d’un même pays est aussi nécessaire. L'expression artistique est sans doute une voie intéressante, qui facilite un rapprochement basé sur le partage de valeurs universelles.

Puisse ce court article faire découvrir un lieu culturellement riche et contribuer à une lutte efficace contre le chauvinisme et la sempiternelle guerre des clochers à partir de laquelle la fierté se donne souvent des airs d’inutile arrogance. Ainsi construirons-nous un monde plus inclusif pour le bien de tous.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 6 mai 2012

Références

(1) Site Web de la ville de Nicolet

(2) L’écrivain Louis Caron

(3) Site de Pierre Chatillon

(4) Pourquoi chanter le Jour de la Terre avec la Clé des Chants

(5) Jour de la terre : Concert printanier de la chorale Clé des Chants de Nicolet

(6) Musée des religions du monde

(7) Nicolet, sur Wikipédia

(8) École nationale de police du Québec

(9) Une Colombienne marche sur les eaux du Lac-Saint-Pierre

(10) École d’agriculture et d’horticulture de Nicolet

(11) École secondaire Jean-Nicolet

(12) Du journalisme étudiant au journalisme éducationnel

(13) Le récit de vie au service de l’apprentissage

(14) Centre des arts populaires de Nicolet

(15) Maison Rodolphe-Duguay

 

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L’Office national du film (ONF) contre la discrimination systémique

Publié le par Luc Renaud

Dans l’article précédent, La lutte contre la discrimination et le racisme systémique, nous avons levé le voile sur des phénomènes de discrimination systémique basée sur des différences ethniques. L’échantillon présenté par une série de courts-métrages de l’Office national du film (ONF) laisse croire qu’il s’agit d’une réalité existant dans un large éventail de milieux professionnels; et ce d’un océan à l’autre. Après avoir donné un aperçu de pratiques discriminatoires dans le domaine commercial et dans celui de la santé, nous donnerons dans le présent article des exemples supplémentaires pris dans le domaine de la mode, celui des arts de la scène et même dans les centres correctionnels.

Même si le problème soulevé par la collection de films de l’ONF touche principalement les Noirs, des Asiatiques et des Autochtones, il est envisageable de l’étendre à l’ensemble des minorités dites visibles. Est-ce de la méfiance à l’endroit des étrangers, l’expansion de stéréotypes ou de préjugés, de la xénophobie ou du racisme pur et dur? Nous ne nous sentons pas qualifiés pour apporter de telles nuances; par conséquent, nous nous abstiendrons de tout jugement. Nous n’aborderons pas non plus le phénomène sous l’angle de proportions : Tel groupe adopte-t-il davantage de pratiques discriminatoires.

Nous défendrons seulement l’importance du respect de la diversité et la recherche de dialogue dans une société inclusive, cette même société dans laquelle près de 40% de la population serait prête à vivre l’expérience d’une union maritale interethnique. Ce qui n’est pas rien, quand même et qui dénote une certaine ouverture d’esprit.

1-      La couleur de la beauté

Dans La couleur de la beauté, Elizabeth st-Phillips nous présente Renee Thompson, une jolie femme qui répond parfaitement aux critères physiques recherchées par l’industrie de la mode. Ce mannequin, originaire de Toronto, est grande et mince, et se déplace naturellement d’une manière des plus professionnelles. Afro-américaine d’origine, elle possède aussi des traits du visage qui rappellent ceux d’une femme blanche, ce qui constituerait un grand atout selon les responsables de la mode interrogés dans le film.


Malgré ces qualités, Renee doit faire face à une industrie qui n’accepterait à quelques exceptions que des femmes aux traits caucasiens. Dans un groupe de vingt mannequins, il est possible de réunir trois ou quatre femmes blanches qui ne répondraient pas intégralement aux critères de beauté établies, alors que la femme noire doit au contraire se montrer parfaite.

Certains membres plus libéraux de l’industrie de la mode reconnaissent l’importance de mettre un terme à cette forme de discrimination systémique, pour répondre particulièrement aux besoins de la clientèle florissante en Inde et en Chine qui ne se reconnaît pas dans les mannequins habituels, et pour viser l’expansion de leurs clientèles dans les pays développés. Un magazine italien aurait réalisé un numéro spécial composé exclusivement de mannequins de couleur, sans donner de suite. Ce qui malheureusement sert d’arguments aux détracteurs de l’industrie.

2 -      À quand la justice?

Si le ca présenté précédemment reflètent bien la réalité du racisme systémique, il en va bien autrement de l’histoire présentée par Nadine Valcin dans À quand la justice. Ce film raconte l’histoire d’un agent de la paix autochtone qui se bat depuis 1988 pour changer le climat de racisme vécu auprès de ses confrères. Si certains se sont limités à des insultes comme Fucking Indian, d’autres iront jusqu’à défoncer son casier. Beaucoup de pression sera exercé sur lui pour l’amener à démissionner de son poste, n’importe quel geste de sa part devenant l’objet d’une plainte. En dépit de deux victoires dans de longs combats juridiques, les autorités du centre pénitencier n’ont jamais pris sa cause au sérieux.

À l’instar de Renne Thomson, ce qui n’était à l’origine qu’une lutte personnelle devient vite une cause sociale et symbolique. La réussite personnelle servirait d’exemples à de nombreuses personnes de minorités visibles.

3-      Bout d’essai

Par ailleurs, une actrice d’origine coréenne a su tiré à son avantage les marques discriminatoires, même si elle doit vivre de contrats de tournage qui perpétuent le stéréotype de femmes asiatiques destinées au bordel. Dans Bout d’essai, Linda Lee nous explique qu’on demande souvent à cette actrice de parler vietnamien ou chinois (même pas le mandarin ou le cantonnais) comme si tous les Asiatiques appartenaient à la même nation. Elle tournera cette méconnaissance des cultures à son avantage. Elle remportera un rôle en exprimant beaucoup d’émotion lors d’une audition. Pourtant, elle n’aura eu qu’à prononcer en coréen des phrases telles que : J’ai faim et Il est 13 h 30.

4-      Et si les rôles étaient inversés : Jade

Dans le court-métrage de fiction Jade, datant de 2010, Cal Garingan a voulu faire vivre une expérience-choc de racisme systémique à la communauté majoritaire en inversant les rôles. Les Blancs deviennent pendant quelques minutes les membres d’une minorité visible… invisible dans une entreprise dirigée par une majorité multiethnique.

L’entreprise, qui se défend bien de toute forme de préjugés, affirme que chaque entreprise devrait avoir son Blanc, et prônera l’importance de la diversité culturelle. Dans les faits, Jade, détenant une maîtrise en administration devra se contenter d’un poste de commis et se fera poser des questions sur ses origines et son accent lors des entrevues promotionnelles. On prétendra vouloir lui accorder une chance en lui confiant la préparation d’une importante présentation, mais on la mettra à l’écart, une fois la documentation élaborée, voyant son accent comme un handicap important.

Jade admettra qu’il peut être difficile de changer des pratiques pour répondre à une volonté égalitariste, mais qu’il faut bien se donner la peine de commencer quelque part.

Conclusion

Si les exemples donnés dans le premier article semblaient démontrer un écart important entre la discrimination systémique et le racisme individuel, les sujets présentés ici indiquent clairement des points de convergence entre ces diverses formes de racisme. Un sondage de Léger Marketing réalisé en 2010 révèle que le tiers des Canadiens ont été témoins de comportements racistes, et nous faisons personnellement partie de ce groupe. Il s’agit d’une situation préoccupante puisque d’ici 2031, un Canadien sur quatre serait né à l’étranger, et que les frontières entre les pays deviennent de plus en plus théoriques dans le cadre de l’internationalisation commerciale.

 

Même si de nombreuses personnes minimisent ou nient les données de tels sondages, prétendant que le racisme est beaucoup plus grave ailleurs qu’au Canada, les sondages de Léger Marketing, les enquêtes de la Commission canadienne des droits de la personne et celles, entre autres, de l’Ontario et du Québec, et les coups de sonde de l’Office national du film (ONF) montrent que la discrimination et le racisme sont des sujets suffisamment graves pour mobiliser des ressources à des campagnes de sensibilisation, de prévention et de luttes pour une société plus inclusive.

 [À suivre]

Pour en savoir davantage :

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 26 février 2012

 

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TEDx aux deux pôles de l’avancement de l’humanité

Publié le par Luc Renaud

Technology, Entertainment, Design (TED) est une organisation à but non lucratif dédié au partage des savoirs, surtout par le biais de courtes conférences de haut calibre diffusées sur Internet. L’événement né à Palm Beach en 1984 a pris de l’expansion au fil des ans, offrant deux grandes conventions annuelles, l’une aux États-Unis et l’autre en Angleterre. Le concept s’est étendu à une grande variété de disciplines, d’où la naissance des congrès TEDx  dans plusieurs universités à travers le monde. L’Université de Montréal tiendra le sien  le dimanche 11 mars 2012 prochain.
Une quinzaine de conférenciers ont été sélectionnés dans des domaines aussi variés que le génie industriel, l’architecture, la psychanalyse, la microbiologie, etc. Il y sera question de développement de pointe en matière de décontamination des sols, de laboratoires virtuels, de traitement du cancer à l’aide de la nanorobotique, etc.
Pour nous donner un avant-goût de cet événement de haut savoir, une de nos amies, Katia, nous a mis sur la piste d’une présentation TED extraordinaire qui a eu lieu en juillet 2011, démontrant que l’avenir de l’humanité appartient beaucoup plus à la bonne volonté des hommes et à l’apprentissage permanent qu’à une course effrénée de richesse matérielle. 
1-      Le Barefoot College du village Tilonia en Inde
L’un des conférenciers du TED Global 2011, Sanjit Bunker Roy, a fondé le Barefoot College, l’université des va-nu-pieds, dans le village de Tilonia à Rajasthan en Inde en s’inspirant d’une philosophie aux antipodes des standards officiels. Dans son milieu, les élèves deviennent les maîtres grâce à leur fine maîtrise d’un éventail minutieux de stratégies de survie apprises loin des bancs d’école. Sur le plan psychopédagogique, l’expérience illustre à la perfection la pertinence de l’apprentissage expérientiel et différencié, faisant ressortir le génie naturel des élèves autodidactes dans un esprit de communauté apprenante.
Dans ce système, paradoxalement, la valeur des diplômes ne peut concurrencer le savoir-faire des personnes les plus pauvres et les moins scolarisées de l’Inde.

Aux yeux de Sanjit Roy, fier disciple de Gandhi,  un professionnel  est une personne qui possède une combinaison de compétences, de confiance en soi et de foi. Dans ce contexte, l’instigateur du projet saura mettre en valeur le savoir-faire de personnes illettrées autant dans des travaux de menuiserie, ou dans les tâches de sages-femmes que dans des activités normalement réservées à des professions comme les ingénieurs ou les dentistes.
Face à l’analphabétisme, ou à l’étendue des langues et dialectes cohabitant dans les classes, ou encore à des problèmes de vieillissement, l’approche de M. Roy prévoit l’usage de méthodes de communication  employant des moyens visuels simples, mais efficaces. L’éducateur s’obstine à mettre tout en place pour que chacun puisse réussir sa formation et participer aux activités de la communauté apprenante.
-          Le projet : une communauté autosuffisante et moderne
L’objectif du projet consiste à créer une communauté autosuffisante en totale harmonie avec l’environnement physique et économique de l’Inde afin de combattre la pauvreté, de vivre en toute dignité et de développer son plein potentiel cognitif. En ce sens, le projet ne nécessite financièrement que la bonne volonté des participants, puisqu’il serait utopique de bénéficier de l’appui philanthropique des banques ou des grands donateurs dans les contextes habituels. Le cas contraire maintiendrait les habitants dans un état de dépendance, brisant par le fait même leur merveilleuse capacité d’adaptation à la rigueur de leur environnement. Le groupe pousse même l’audace jusqu’à rejeter un prix de 50 000 $, ne sachant trop pour quelle fin il leur avait été octroyé. Ainsi, démontre-t-on la parfaite inutilité des richesses matérielles.
En dépit des contraintes financières, l’œuvre se veut titanesque, moderne, porteuse d’avenir et exportable. Ainsi, un complexe immobilier entier est conçu avec minutie par des ingénieurs va-nu-pieds et sans diplôme, sur un sol originellement désertique qu’on saura transformer en véritable oasis de verdure, en dépit d’avis en provenance de l’expertise officielle. D’autres technologies du désert seront investies dans le projet, comme la récupération de l’eau de pluie et de rosée récupérée goutte à goutte de manière astucieuse de toitures, et qui assurera à la population des provisions suffisantes en eau potable. Comme source d’énergie, des femmes illettrées sauront construire un ensemble de panneaux solaires, selon une technologie qui sera même exportée dans les régions avoisinantes.
 
Considéré au départ comme une marque de folie, le concept de Sanjit Bunker Roy s’est répandu comme une traînée de poudre dans l’ensemble de l’Inde et dans des pays limitrophes comme l’Afghanistan; procurant un modèle d’espoir aux régions les plus pauvres du monde.
2 -      Mes réactions
La nécessité est la mer de la créativité affirme un adage populaire. Nous ajouterons que cela exige l’implication d’hommes et de femmes d’une volonté qui frise la dévotion. Ces personnes reconnaissent l’existence de graves problèmes, qu’ils ne prennent pas à la légère. Pour eux, les obstacles deviennent des défis, et un problème n’existe que pour nous laisser le soin d’en déployer l’éventail des solutions.

M. Sanjit ne peste vraisemblablement pas vraiment contre l’éducation formelle ou les diplômes, mais contre le snobisme de certains milieux officiels; de plus, il comprend vite qu’il incombe aux habitants des régions les plus pauvres de se prendre en main, de ne rien attendre de personne, et de faire les apprentissages requis à la fabrication des infrastructures nécessaires au développement d’une collectivité, sur mesure, bien intégrée à l’environnement naturel. Qui plus est, il fait confiance au savoir-faire de ces personnes, qui ont appris l’art de la survie dans des conditions environnementales et financières extrêmement difficiles.

Il fait preuve d’une grande confiance également en leur capacité de tirer profit de ce savoir-faire pour le transmettre à autrui dans un esprit de partage d’expertise, mais aussi d’apprentissage continu. Nous voyons dans le Barefoot College un excellent modèle de pédagogie ouverte et une formule drôlement efficace d’éducation populaire.

Conclusion

Petite goutte jetée dans l’océan au départ, l’idée de  Sanjit Roy correspond quasiment à un projet de recherche action systémique (RAIS) dans la mesure où le développement est conçu en exploitant surtout l’expérience des gens de terrain, et dans un esprit d’expansion quasiment sans limites, jetant les bases d’une société nouvelle, sérieuse alternative aux modèles commerciaux qui, à bien des égards, creuse des écarts entre les pays du Nord et ceux du Sud.

Nous souhaitons que le développement de ce contrepoids économique et culturel puisse se poursuivre. Les habitants du Sud y gagneraient tant sur le plan personnel que collectif, en se soustrayant des règles généralement établies, au lieu de participer à l’uniformisation des cultures, issue de la mondialisation. Plus en lien avec leur environnement, ils offriraient aux habitants du Nord un modèle de vie duquel s’inspirer avec fierté.

Peut-être en arriverons-nous, éventuellement, à la mise en place d’un dialogue vraiment égalitaire, et dans le respect de la diversité. Je conclus en réaffirmant ma ferme conviction en la valeur des apprentissages informels et formels, les deux devant former un tout dans une démarche d’apprentissage tout au long de la vie.  Les travaux gigantesques de Sanjit Roy sont valables; les découvertes qui nous seront présentées aux TEDx de l’Université de Montréal, le 11 mars prochain le sont aussi.

Pour plus de détails sur les TEDx, consultez : TEDx UdeM : http://tedxudem.com/Pour ceux qui voudraient y assister, la période d’inscription prend fin le 26 février 2012. Les places sont limitées et des conditions s’appliquent.

Dans la même série

-                    La fin du monde n'est pas pour demain

-                    Les grands enjeux (première partie) : la gestion de la croissance de la population mondiale

-          Les grands enjeux (deuxième partie) : Vaincre l’analphabétisme relationnel

-                    Les grands enjeux (troisième partie) : choisir la polarisation ou la solidarité

-                    Les grands enjeux (quatrième partie): l’occultation de l'essentiel

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 24 février 2012
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Le mois de l’histoire des Noirs au Canada : des modèles pour tous

Publié le par Luc Renaud

Le mois de l’histoire des Noirs au Canada est une occasion pour les Noirs de se faire les gardiens de la mémoire d’un passé difficile, de leurs luttes contre la discrimination, le racisme et même l’esclavage. L’événement permet aussi de promouvoir des modèles de réussite dans diverses sphères de la société. Après avoir levé le voile sur de tristes situations concernant l’histoire du Canada dans notre premier article, nous nous intéressons cette fois-ci à l’importance des modèles de réussite.

1-      Les signes de l’émulation

La contribution des Noirs à l’essor du Canada est palpable dans toutes les sphères de la société. Sur le plan militaire, ils contribuèrent à l’édification du monde libre nord-américain en combattant aux côtés des autres canadiens au cours de la Guerre 1914 – 1918, ainsi que dans celle de 1939 – 1945, malgré de grandes résistances des forces armées. Déjà dans le tournant des années 1860, la Nouvelle-Écosse reconnut le rôle de William Neilson Hall à Calcutta en Inde, alors qu’à l’autre bout du Canada, en Colombie britannique l’homme d’affaires Mifflin Gibbs est élu conseiller municipal en 1866. Ces percées historiques s’accomplirent non sans heurt. En 1911, la région de Winnipeg avançait même la possibilité d’exclure les immigrants noirs du pays.


La fin du vingtième siècle et le début du vingt-et-unième traduisent, semble-t-il, la réalité d’une meilleure acceptation de la présence des Noirs au Canada. Sur le plan sportif, la défunte équipe de baseball, les Expos de Montréal, habillait de nombreux joueurs afro-américains adulés de l’ensemble des amateurs de ce sport professionnel. Sur le plan artistique, les grands talents de Gregory Charles sont largement reconnus par la population. Les sopranos Marie-Josée Lord et Measha Brueggergosman connaissent aussi du succès; des auteurs comme Austin Clarke, Dany Laferrière et Laurence Hill remportent des prix littéraires. Ce dernier est l’auteur d’Aminata, un roman historique racontant les pérégrinations de la jeune Aminata Diallo, retirée de son village natal africain, pour y connaître l’enfer des négriers avant de se retrouver comme esclave sur le continent américain.

Dans cette courte liste de personnalités, il nous semble important de mentionner Madame Michaëlle Jean, journaliste, nommée Gouverneure générale du Canada en 2005, pour ensuite être nommée représentante spéciale de l’UNESCO pour Haïti en 2008. Pendant ce temps, un mouvement de changement devait conduire Barack Obama aux élections du 4 novembre 2008 aux États-Unis.

2-      L’importance de tels modèles

Vu de l’extérieur, les luttes contre la ségrégation semblent choses du passé puisque le succès des personnalités mentionnées contribue au rayonnement de l’ensemble des Canadiens et démontrent de beaux succès sur le plan du multiculturalisme. Sans nommer personne, nous savons pertinemment que ces modèles jouent un rôle d’émulation important au sein de la communauté noire.

 

Il nous semble évident, par ailleurs, qu’il s’agit là de bons exemples à suivre, non seulement par les jeunes Noirs, mais par l’ensemble de la population, dans la mesure où chacun ont fait preuve d’une belle ambition personnelle, contribuant également au développement de la collectivité. Nous aimerions qu’à travers eux se lisent non pas la clé du succès d’un peuple, mais celui d’une composante importante de l’humanité.

Par ailleurs, la nécessité même d’un événement comme le mois de l’histoire des Noirs traduit la fragilité du progrès accompli, une réalité encore imprégnée de discrimination, voire même de racisme, et démontre l’existence de chemin à parcourir avant l’avènement d’un véritable village planétaire. Ultimement, nous souhaitons que disparaissent les frontières psychologiques et sociales. Se demande-t-on, par exemple, de quelle nationalité appartenait Gandhi ou le Dalaï-Lama? Se rappelle-t-on que Lennon était britannique? Oui, nous connaissons l’origine des personnalités mentionnées; mais leurs noms évoquent des messages beaucoup plus puissants. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi des Luther King ou des Bob Marley du monde actuel? Remarquez que l’annonce des décès de Michael Jackson et, tout récemment, de Whitney Houston semble avoir rejoint le cœur de fans de toutes les cultures.

3 -      L’impact de la réussite : source d’inspiration sur la culture générale

Il est clair que le monde devrait mieux connaître les œuvres d’artistes peintres haïtiens comme Myrtha Hall, Jean-Pierre Lookens  ou Joseph Frantz, et savoir que Haïti est à l’origine de plusieurs styles artistiques. Il en va de même de l’art et des artistes africains. Il s’agirait d’une manière de mieux apprécier la valeur des gens, et d’une manière de focaliser l’attention sur les aspects constructifs de la communauté. L’art ne rejoint-il pas des cordes universelles?

L’aquarelliste Huguette Bernais semble être parvenue à une rencontre intersubjective avec l’Afrique, en s’inspirant largement des décors africains et des gens dans la réalisation de ses tableaux de la fin du XXe siècle et du début du XXIe.

Conclusion

Notre premier article sur le mois de l’histoire des Noirs a levé le voile sur de dures réalités historiques moins bien connues des Canadiens concernant l’esclavage du début de la colonisation française et anglaise au Canada. Nous y avons fait ressortir la valeur des luttes menées contre la discrimination en voyant dans le comportement social les travers de volontés individuelles. En ce sens, nous affirmions que les meilleures formes de combats reposaient sur l’établissement de rapports humains de nature multiculturelle.

 

 

Le présent article a davantage fait ressortir des exemples de réussite des Noirs qui servent de modèles à suivre et de sources d’inspiration à l’ensemble de l’humanité. Tout en se faisant les gardiens de la mémoire, les tenants de l’histoire des Noirs démontrent également la dimension intemporelle et sans frontières du génie humain.

Pour lire la première partie de notre dossier sur le mois de l'histoire des Noirs au Canada, cliquez sur ce lien.

 

Dans la même série:

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 14 février 2012

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Le mois de l’histoire des Noirs : du macrocosme au microcosme

Publié le par Luc Renaud

Du 1 au 29 février se tient les activités du mois de l’histoire des Noirs au Canada. Des conférences et des activités muséales y seront organisées; un guide pédagogique met en valeur de grandes personnalités comme Jackie Robinson, le premier joueur de couleur dans le baseball professionnel, et le jazzman Oscar Peterson, plusieurs fois récipiendaires de prix Grammy. D’autres personnalités, démontrant l’importance des Noirs dans le développement du Canada moderne, seront aussi mises à l’honneur. Malgré ces progrès, l’événement nous rappelle l’existence de préjugés, même si l’abolition de l’esclavage a été décrétée au cours du 19e siècle.

De fait, le regard que nous porterons sur ces gens ouvre une véritable boîte de Pandore sur les travers de l’humanité, et nous rappelle que le comportement social n’est que le prolongement des attitudes individuelles, le lieu de rendez-vous du macrocosme et du microcosme.

1-      Quelques mots sur l’esclavage

C’est avec la télésérie Racines, puis rétrospectivement avec le roman éponyme que j’ai été sensibilisé à la question de la traite d’êtres humains, puis à l’esclavage des Noirs africains en Amérique. Dans ma tête d’enfant âgé de 11 ans, le problème impliquait surtout de méchants Américains du sud allant à l’encontre des ordres du bon Président Lincoln (qui ne voulait pourtant rien savoir d'une magistrature noire), de la sensibilité des habitants du Nord et des Canadiens toujours accueillants.

Quelle naïveté!

 


 

Aucun manuel d’histoire de mon adolescence ne faisait référence à Olivier LeJeune, arrivé d’Afrique au Canada à l’âge de 6 ans en 1628 pour être vendu comme esclave à la famille Couillard. Sera aussi ignoré le cas de Marie-Joséphe Angélique, torturée et pendue en 1734 après avoir été soupçonnée d’avoir mis le feu à la demeure de ses propriétaires à Montréal. Sous le Régime français, le Canada aurait compris plus d'un millier d’esclaves noirs et amérindiens, alors que des esclaves étaient vendus aux enchères à Montréal, Québec et Trois-Rivières sous les Régimes français et anglais.

Il aura fallu attendre 1834 pour que l’esclavage soit officiellement aboli au Canada, un an après le Jour de l’Émancipation né de l’abolition de l’esclavage par le Parlement britannique le 28 août 1833. Pendant toutes ces années, comment expliquer par ailleurs la complaisance du clergé canadien à l’endroit de l’esclavage, contrevenant par le fait même aux ordres du Pape Paul III qui, au nom de la primauté de la liberté, s’opposait avec véhémence à de telles pratiques dès 1537?

 

 

Si la lutte des Noirs pour la liberté et leur émancipation a gagné du terrain depuis cette époque lointaine, l’Afrique noire, à quelques exceptions près, compte toujours parmi les régions du monde les plus pauvres, et Haïti demeure un pays perpétuellement à reconstruire. Bref, l’ampleur du défi à relever est énorme. Mais veut-on réellement se retrousser les manches et se mettre à la tâche? Plusieurs en doutent. Les principaux intéressés sont souvent laissés à eux-mêmes, comme l'a démontré l'indifférence de la communauté internationale lors du génocide rwandais.

2 -      L’arbre qui cache la forêt

Malheureusement, la traite d’êtres humains et l’esclavage constituent des sujets encore d’actualité, sous des formes variées. En plus des cas classiques, pensons entre autres à la pornographie juvénile et aux réseaux de prostitution, et même à des sans papiers aux prises avec des maîtres cruels et assoiffés de pouvoir. La privation de liberté prend aussi la forme de kidnappings visant la demande de rançons ou encore dans le cadre de lucratifs trafics d’organes. Des téléséries abreuvent leurs téléspectateurs de tels spectacles, transformant des pratiques criminelles en divertissants spectacles.

Face à ces dures réalités, la plupart d’entre nous sommes saisis de frayeur, peut-être à l’instar de ceux de nos ancêtres qui s'opposaient à l’esclavagisme. En dépit de cela, des gains historiques démontrent que des hommes et des femmes ont su faire pression sur l’État et le mener aux décrets de 1833 et de 1834, ce qui constitue un signe d’espoir en faveur des luttes sociales. Dans ce contexte, nous croyons justifiés de faire preuve de solidarité envers le mouvement des Noirs, et même de nous en inspirer dans notre recherche de la liberté et de l’égalité. Encore faut-il connaître le sens de ces termes et les traduire en priorités personnelles.

3 -       Le changement social passe par le changement personnel

Tel un art, le comportement humain est une expression fidèle de volontés, de désirs, d’un état d’âme, d’une extase ou d’une folie, etc. De façon systémique, nous dirions que le changement social est la résultante de l'ensemble de changements personnels. Une grande partie de cette transformation découle directement de l’expérience provenant de notre contact avec les gens par le biais des médias ou dans des rapports humains directs.

 


Plus jeune, je n’avais pas conscience de la difficile histoire des Noirs, jusqu’à ce que Racines, télésérie et roman, ne provoque en moi un raz-de-marée émotif chargé de tristesse, de compassion et de révolte, en voyant le mal fait à de bonnes personnes, à des amis, à des frères. Le seul habitant d’origine haïtienne de mon village natal me faisait des signes d’encouragement en me voyant pratiquer mon jogging matinal, alors qu’à l’école secondaire, un autre Haïtien me trouvait bon au soccer. À l’Université d’Ottawa, la communauté africaine m’accueillait comme un des leurs, etc. Ces gens ont fait montre à mon égard d’un sens exemplaire de fraternité, qui a renversé mon rapport au monde. Ne m'appelle pas Étranger, chantait Alberto Cortés; car si tu regardes au-delà de ton égoïsme, tu verras alors que je suis un homme. Que je ne peux pas être un étranger. (Rf No Me llames Extranjero). 

 

 

 

4 -      Vers une culture du mieux-être

Ainsi y a-t-il un lien étroit entre le rapport social et l’univers intrapersonnel. D’une certaine manière la liberté individuelle n’a de sens que dans notre contribution à la vie sociale. Le psychiatre français Christophe André associe facilement, par exemple, les exercices de pleine conscience à la fois à une libération personnelle et à l’émergence d’une forme de gratitude et de compassion à l'égard d'autrui. Par ailleurs, le psychiatre et sociologue colombien Luis Carlos Restrepo parle de l'émergence d'une culture de la paix par la transformation intérieure de chaque personne pour contrer la culture de la violence, du préjugé et du racisme, ce qui rappelle le discours du crucifié il y a 2000 ans. C’est donc en chacun de nous et de notre relation au monde que se trouve la source des changements salutaires.     

Conclusion

L’histoire des Noirs rappelle à tous d’importants travers humains comme l’esclavagisme, une réalité encore bien présente, ici comme ailleurs. En contrepartie, nous y découvrons d’importantes luttes menées au nom de la liberté et de l’égalité, et de beaux modèles de réussite dans toutes les sphères sociales. La victoire n'est possible que par l’établissement de rapports humains solidaires, puisque la force sociale est le prolongement des volontés individuelles. Dans ce contexte, la recherche d'un mieux-être personnel, animé de sérénité, d’humilité, de gratitude et de compassion, devient le moteur de la recherche du bien commun et du partage des ressources sur la base de valeurs universelles. En définitive, parlons donc d'amour.

Pour lire la deuxième partie de notre dossier sur le mois de l'histoire des Noirs, cliquez sur ce lien.      

              

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 12 février 2012

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La samba brésilienne : pour voir au-delà du Showgirl

Publié le par Luc Renaud

Elles sont belles, jeunes, fines, remplies d’énergie, et elles affichent un look sexy dans leur costume et leur coiffe de plumes inspirés du Carnaval de Rio. Il leur arrive même de danser la samba dans des spectacles cubains mettant l’accent sur le Showgirl à l’image des cabarets de Las Vegas. Pourtant, il suffit de discuter quelques instants avec elles pour se rendre compte de la soif de savoir historique et culturel qui anime chacun de leurs pas de danse et de la fierté qu’elles éprouvent à représenter leur Brésil, de sang ou de cœur.

Au festival brésilien du parc Jean-Drapeau à Montréal, Kay Millien reconnait son amour de ces rassemblements qui permettent de nombreux échanges entre gens de diverses cultures du monde. L’expérience lui permet aussi de danser devant des publics variés, comme dans des bateaux de croisière de Trois-Rivières, dans d’autres festivals du monde en province, ou encore lors de fêtes organisées par des amis. Bien qu’elle soit haïtienne de naissance, elle prend plaisir à faire connaître un tronçon de la culture brésilienne.

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Il sera possible de la voir à l’œuvre, elle et les membres de sa troupe, au défilé du centre-ville de Montréal le 23 juillet et au parc Émilie-Gamelin le 30 juillet lors du festival cubain près de l’Université du Québec à Montréal. Par la suite, ce sont les gens de la ville de Québec qui les accueilleront le 14 août dans le cadre d’un festival d’été.

1- La formation en danse

Kay dispose d'une solide formation universitaire et occupe un bon emploi exigeant beaucoup de jugement, mais pratique la samba à Montréal depuis près de 5 ans, ajoutant ainsi une dimension artistique à son esprit plus intellectuel. Grâce à la défunte troupe de danse Carnaval de Rio, de Montréal, elle a acquis les bases de cette danse difficile qui nécessite d’intenses heures de pratique. Dans sa démarche autodidacte, elle éprouve le sentiment d’avoir atteint les limites de ses compétences et souhaite avoir la possibilité de suivre des cours d’une durée de six mois dans l’une des célèbres écoles brésiliennes. L’expérience répondrait aussi à son besoin de mieux connaître les dimensions culturelles rattachées à son art, faisant largement partie de l’enseignement de la samba.

 

 

 

Au Brésil, les écoles de samba comptent parmi les plus exigeantes, demandant des efforts considérables aux élèves en préparation au légendaire Carnaval d’hiver de Rio de Janeiro, considéré par plusieurs comme le plus important du monde. Des thèmes annuels y sont abordés, comme Avatar, la France, la nature et même la mort dans une compétition farouche, où des centaines de danseurs, guidés par une reine, défilent en danse et en chant tonitruants. Au-devant défile aussi un porteur de drapeau ayant l’obligation de le maintenir continuellement bien à plat par une incroyable maîtrise du souffle du vent.

À ceux qui s’inquiètent de la tenue vestimentaire osée des danseuses et des danseurs de Montréal, Kay rappelle que ceux de Rio en sont rendus à la pratique de Body Painting et de la pose de quelques bijoux pour dissimuler les parties génitales. Elle ajoute que les représentants de la ville de Montréal n’auraient pas imposé de contraintes, préférant y voir une démonstration culturelle des plus authentiques.

2- Une carrière de danseuse

Comme pour bien des artistes, il est difficile de faire carrière en danse de samba à Montréal; de plus, les artistes doivent défrayer les coûts plutôt élevés des costumes. Ils peuvent toutefois faire des économies en les confectionnant eux-mêmes. Cantelli, le chorégraphe principal de la troupe, est décrit comme un bon couturier et un maître dans l’art d’allier les bijoux aux vêtements, aux collants, aux hauts et aux chaussures.

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Une carrière nécessite aussi la maîtrise de plusieurs genres de danse et de nombreuses chorégraphies de type africain, afro-brésilien, etc. Malgré cela, les occasions de spectacles sont généralement insuffisantes pour se mériter un revenu décent. Les festivals constituent alors de bonnes occasions de réseautage et procurent la fierté de démontrer son savoir-faire devant des milliers de personnes. L’artiste se prêtera aussi volontiers à des prises de photos en compagnie d’amateurs.

Vu les circonstances, ces universitaires amoureux de la danse occuperont généralement d’autres postes de nature technique ou professionnelle pour gagner leur vie.

3- Le pourquoi des plumes

Côté pratique, la légèreté des plumes permet le port de costumes grandioses, sans nuire aux efforts intenses que nécessite la pratique de la danse de carnaval. Il est également facile d’y coller du brillant et de faire des ajustements, selon Kay.

Toutefois, à l’origine, la danse de carnaval revêtait une dimension spirituelle, en lien avec la joie des esclaves libérés de la région de Bahia au sud du Brésil. Ceux-ci voulaient apparemment y louanger la nature par le port de couleurs éclatantes et variées. La confection des déguisements comprenait des plumes, mais aussi des ossements et des coquillages, bref un ensemble d’accessoires disparates empruntés à la nature.

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Dans un autre ordre d’idée, la Feijoada, un mets composé de haricots et d’autres ingrédients jetés pêle-mêle dans une casserole servait de nourriture de base à ces mêmes esclaves avant de devenir un plat très prisé de la haute société brésilienne.

Force est d’admettre que de nos jours la dimension spirituelle du Carnaval de Rio a laissé sa place aux goûts du tourisme et aux besoins commerciaux.

 

 

 

4- Le mélange bizarre de la culture et du commerce

Au festival brésilien de Montréal, il est clair que la présence de danseuses de carnaval constituait un élément stratégique sur le plan du marketing : les affiches publicitaires misaient clairement sur elles. Toutefois, la programmation comprenait aussi diverses formes de samba moderne, aux costumes beaucoup plus sobres et de la musique rythmée, invitant le public à danser. L’un des chanteurs se mêlera même au public, animant une sorte de farandole pendant quelques minutes. Un peu plus loin, un groupe portant fièrement le t-shirt Abada conduira aussi des pas de danse au milieu de la foule.

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Malgré l’ardeur et les douleurs, les artistes se défoncent sur scène, en s’efforçant de maintenir leur plus beau sourire, afin de maintenir l’esprit de la fête. Cependant, j’en ai vu quelques-uns se reposer les pieds, d’autres se masser les joues pour ramollir les muscles du sourire, et d’autres totalement exténués à la fin de leur prestation.

Aux alentours, des kiosques de nourriture faisaient la promotion de divers restaurants brésiliens de la ville, tirant profit des milliers de spectateurs rassemblés.

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Plus loin, à l’écart, les Colombiens célébraient leur fête nationale, avec aussi des danses folkloriques, la consommation de mets traditionnels et la vente de productions artisanales. S’y jouaient des Mariachis, un orchestre de salsa et un groupe de Vallenato. De l’avis de spectateurs rencontrés à la fin de la fête, le site était inconfortable et les services offerts dispendieux, reflétant les aspects financiers de la gratuité.

 

À titre d'exemple du style de musique qui s'écoutait ailleurs au même moment sur l'île, un extrait de Vallenato, tiré celui-ci du disque Soñador de Gerardo Rincones. 

 

 

Conclusion

La samba brésilienne reflète une richesse culturelle et historique bien au-delà du simple Showgirl de Cuba ou de Las Vegas. En ce sens, Hamilton Cidade a raison de dire que le Brésil est constitué de métissage et d’une grande variété d’ethnies et, tout comme Kay, de rêver à de nombreux échanges culturels. Le festival regorgeait de rythme, de jeunesse et de joie de vivre, tout à l’image du peuple représenté. En marchant au milieu des milliers de participants, il me paraissait toutefois évident que la fête avait rejoint quasi exclusivement des… Brésiliens; alors que quelques centaines de mètres plus loin des Colombiens, présents sur l’île, se prêtaient aussi au jeu d’une célébration.

L’intégration des cultures devrait, il me semble, dépasser le simple côtoiement de gens venant d’un peu partout. Peut-être conviendrait-il de revoir la formule des Week-ends du monde, de sorte à y inclure des festivités mixtes, comme la rencontre Brésil – Mexique que nous avions organisée en 2008, question de forcer les gens à apprendre les un des autres. Peut-être que les Brésiliens, de leur côté, sont allés voir les spectacles des autres; d’où l’impression d’avoir vécu de beaux moments interculturels durant le festival des Week-ends du monde. Connaissant leur sens de l’accueil, cela ne me surprendrait pas.

Autre article sur le festival brésilien

Texte : Luc Renaud. M.A. Sciences de l’éducation, le 22 juillet 2011

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Rendez-vous au festival brésilien de Montréal

Publié le par Luc Renaud

Le Carnaval d’été brésilien de Montréal se tiendra dimanche, le 17 juillet au Parc Jean-Drapeau entre 17 h 30 et 23 h. Environ 10 000 amateurs de toutes les cultures sont attendus, soit 40% de plus que l’an dernier, ce qui laisse présager un grand succès.

Au-delà de la manifestation culturelle se joue tout un processus d’acculturation, avec comme but final une meilleure compréhension entre les hommes et l’avènement d’un monde meilleur.

1-      La vitalité culturelle

Concrètement, le public pourra savourer des mets typiques, mais simples du Brésil, comprenant diverses gourmandises et des brochettes, et assister à de nombreux spectacles de chants, de musique et de danse.

Hormis la samba, le programme mettra l’accent sur une variété de genres musicaux allant du nord-est du Brésil jusqu’aux influences afro-brésiliennes. Des artistes en provenance de Toronto prendront également part à l’événement.  

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 L’organisateur Monsieur Hamilton Cidade

 

L’organisateur, Monsieur Hamilton Cidade est animateur de Programa Sexta Brasil à 17 h 30 le vendredi à Radio Centre-Ville au 102,3 FM et cultive une véritable passion des échanges humains et de l’intégration culturelle. En plus d’avoir contribué à la tenue du même événement l’an dernier, il a aussi fait jaillir la vitalité de son pays natal dans des réveillons et à la Saint-Jean-Baptiste.

À ses yeux, l’expérience de dimanche s’inscrit pleinement dans le contexte d’une grande fête interculturelle, permettant à chacun de vivre une expérience de croissance au contact des autres cultures. De fait, de nombreuses nationalités ont exploité la tribune des Week-ends du Monde, attirant près de 100 000 visiteurs, soit 40 000 de plus que l’an dernier.

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Dans ce contexte, il souhaite la participation de tous à l`événement, et non seulement de Brésiliens, particulièrement au défilé qui aura lieu au début de la fête. L’entrée est gratuite, mais il faut prévoir quelques dollars si l’on veut déguster des plats brésiliens dans l’un des quatre kiosques ouverts à cet effet ou encore se procurer le Abada, le T-Shirt officiel, vendu à 20$.

2-      Le dialogue interculturel

Le blogue de Luc R est sensible à ce type de démarches et d`échanges, ayant fait du dialogue interculturel l’un de ses principaux chevaux de bataille. En mai 2008, nous avions même collaboré à l’organisation d’un rendez-vous entre le Mexique et le Brésil, en présentant une programmation, relativement simple, s’adressant à plusieurs générations. Voici un petit rappel vidéo de l’événement d’alors.

 

Archive: Rendez-vous Mexique-Brésil, 2008

Nous sommes effectivement d’avis que le dialogue réel est le fruit d’une volonté commune de construction d’un monde plus harmonieux par le biais de deux processus communicatifs: 1) le tissage de liens à partir d’intérêts communs et 2) l’apprivoisement de la différence. Et souvent ce dernier point révèle l’existence de besoins fondamentaux relationnels communs au-delà des apparences : l’importance d’aimer et de se sentir aimé, mais aussi celle de valoriser et de se sentir valorisé, et encore la valeur de comprendre et d’être compris, etc.

Nous pourrions même affirmer que ce type de contact permet de prendre conscience de valeurs universelles qui unissent l’ensemble des êtres humains en veillant à la construction d'un être d’un nouveau genre, davantage ouvert au métissage culturel.

À voir l’énergie déployée par les différents artisans des événements culturels, il est clair que chacun cherche à transmettre aux autres ce qu’il y a de plus beau et de plus riche dans l’âme collective et au fond de soi. Un tel don de soi mérite beaucoup d'ouverture d'esprit et, par le fait même, une attitude réceptive du public.

3-      Un clin d’œil au Brésil

En terminant, j’aimerais avouer avoir découvert chez de nombreux Brésiliens une soif de connaissance d’autrui et de rapprochement interpersonnel qui les rend d’agréable compagnie. Ils font preuve de fierté, mais sans les désagréments de l’arrogance ou du nombrilisme que l’on voit parfois ailleurs. Le groupe est de grande importance pour eux: par exemple, des parents d’un jeune Brésilien, en visite à Montréal, avaient organisé une fête de plus d’une cinquantaine d’invités juste pour célébrer la joie de revoir leur fils, sorte de parabole de l’enfant prodigue à l’envers. Ce sont des gens attachants qu’il est facile d’aimer.  

Donc, dimanche 17 juillet au parc Jean-Drapeau dès 17 h 30, tout juste à la sortie du métro. C’est un rendez-vous.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 16 juillet 2011 

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Les grands enjeux (troisième partie) : choisir la polarisation ou la solidarité

Publié le par Luc Renaud

Nous avons vu que la gestion de la croissance de la population mondiale constitue un défi pour l’avenir de l’humanité; par ailleurs, l’établissement d’un dialogue authentique nécessite des compétences en lecture cognitive et affective des évènements, des qualités de toute évidence peu répandues compte tenu de l’ampleur des rivalités interpersonnelles et internationales. De fait, la complexification du monde et la croissance des écarts Nord-Sud entraînent un sentiment de solidarité ou, au contraire, une polarisation des prises de positions ouvrant la voie aux révolutions, aux coups d'État ou à toutes les formes d’extrémisme.

Sans cautionner la monstruosité, l’ex-Premier ministre du Canada Jean Chrétien, aux Nations Unies en septembre 2002, établissait clairement des liens entre la pauvreté et le terrorisme : Regardez la réalité. [...] Cela [le terrorisme] émane de la pauvreté. C'est une réalité qui doit être comprise. [...] On sera considérés comme arrogants, suffisants, cupides et sans limites. Par ailleurs, le pape Jean-Paul II, désapprouvant l’invasion de l’Afghanistan par les États-Unis, reconnaissait le droit à l’autodéfense; du même souffle, il considérait le terrorisme organisé comme un crime contre l’humanité. De fait, le Saint-Père en appelait au dialogue craignant la polarisation des prises de positions et que l’expression de la haine entre les religions et les cultures n’entraîne l’escalade de la violence.

1. L’esprit communautaire

Les difficultés à venir tant sur les plans économiques et environnementaux pourraient facilement créer des conditions propices à la lutte pour la survie. Dans ce cas, l’homme se comporte comme un animal et applique d’emblée la loi du plus fort. Si le libéralisme économique a pu mettre l’individu au-dessus de l’État, mettant de l’avant des valeurs comme l’autonomie et l’individualisation, l’appât égoïste du gain et le goût du pouvoir créent d’importantes inégalités sociales conduisant à la polarisation entre les classes sociales et à l'éclatement de conflits. Le système procure une certaine satisfaction à court terme au gagnant; à long terme cela dégénère en une explosion de la misère. Les conflits actuels au Moyen-Orient ne s'y retrouvent-ils pas un peu?

 

La vraie solution repose peut-être sur la valeur de la solidarité sociale, une forme de stratégie gagnant-gagnant, comme elle se vit dans le secteur communautaire et non dans le libéralisme économique. Déjà, le milieu agricole pratique des modèles communautaires efficaces comme la Coopérative de travail Les jardins de l’oie, à Nicolet. Par ailleurs, le Mouvement pour l’Économie solidaire (MES) promeut une forme d’économie mettant en valeur le sens de l’initiative et de la solidarité dans un esprit d’inclusion sociale. L’économie solidaire y est décrite comme une démarche de développement durable construite à partir des pratiques de terrain. Dans ce même esprit de partage des ressources, une ex-coopérative de consommateurs a donné naissance à une entreprise d’auto-partage, Communauto.

Dans le domaine des coopératives d’habitation et des jardins communautaires, l’esprit communautaire répond au même souci de revalorisation du collectivisme au sein de sociétés. Que ce soit pour des motifs religieux ou laïcs, la vie communautaire est, pour la majorité, un modèle extrémiste de solidarité et pour d’autres l’une des meilleures façons de cultiver de belles interactions sociales autour d’une idéologie commune.

La plupart des gens de ma génération a vécu son premier modèle communautaire au sein de l’environnement familial; une situation qui nous distingue vraisemblablement de la réalité des enfants-rois, davantage attirés par la facilité et le plaisir. Quoiqu’il en soit, la famille et, oserais-je affirmer, le clan familial demeurent le premier contact social des enfants; comment alors y ramener les apprentissages de la vie communautaire et de préparation à la vie citoyenne?

2. La famille : un modèle communautaire

La création de situations de communication entre les divers partis devient une condition essentielle à la recomposition d’un clan familial.

Déjà dans Les fossés de générations et le dialogue intergénérationnel, j’affirmais que les sociétés modernes ne peuvent plus se payer le luxe des fossés de générations. Le dialogue intergénérationnel me semble indispensable dans un contexte de vieillissement de la population en vue de favoriser un meilleur échange des savoirs et de redonner vie à la notion de clan familial. Ma femme et moi, n’ayant plus nos parents, nous sentons particulièrement touchés par l’existence des conflits intergénérationnels dont nous sommes témoins et par la situation des personnes âgées, victimes d’agression, de violence psychologique ou carrément laissés à l’abandon… L’agresseur est un animal! Au Mexique et en Colombie, je me rappelle avoir vu des gens de toutes les générations et de toutes les classes sociales partager la même piste de danse.

À l’opposé, les plus vieux auraient peut-être aussi intérêt à se souvenir de leur propre enfance en vue de créer des ponts avec les plus jeunes. L’amour qu’un jeune porte à Justin Bieber a autant de valeur que celui que nous portions à l’endroit de nos propres idoles de jeunesse. Justin Bieber était là pour vrai , vous diront vos enfants encore impressionnés par le réalisme offert par son spectacle. Dans Les apprentissages: de la manière forte à la manière douce, j’ai tenté d’illustrer l’importance d’une éducation familiale qui respecte les passions des enfants; alors que dans L’apprentissage : d’hier à demain, je montrais clairement l’importance de faire preuve d’une ouverture absolue puisque tout peut être source d’apprentissage.

Cette ouverture me semble nécessaire dans le but de faire face aux moments les plus difficiles; le soutien doit être inconditionnel. Rappelez-vous que les chiots, tout mignons, qui mâchonnent finissent par ronger de gros os… L’adolescence peut constituer des moments de grands bouleversements et d’inquiétude dans la mesure où, malheureusement, le danger guette les jeunes, parfois tentés de quitter leurs parents. Montréal enregistrerait un taux de 4 500 fugues par année.  Dans ce contexte le dialogue devient une question de sécurité et la famille un terrain d’exercices à la gestion des conflits interpersonnels.

En résumé

Il est de mon avis que la confrontation, quoique nécessaire par moments, crée aussi de la distanciation et un fossé entre les gens. La polarisation qui s’ensuit peut conduire à l’extrémisme, voire même au terrorisme. Afin d’éviter ce genre de problématique, j’ai proposé de mettre l’accent sur le développement de solidarités à l’image de l’action communautaire. Le dialogue de nature constructiviste, au cœur de la collaboration, peut et devrait idéalement se développer au sein de l’environnement familial, lieu de toutes les premières expériences dans la vie humaine.

Texte : Luc Renaud M.A. Sciences de l’éducation 16 février 2011

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Les grands enjeux (deuxième partie) : Vaincre l’analphabétisme relationnel

Publié le par Luc Renaud

Dans l’article précédent, j’ai présenté une image chaotique des défis qui attendent l’humanité. La croissance de la population mondiale, les mésententes et la violence, les graves problèmes de l’environnement constituent des bâtons de dynamites susceptibles, paraphrasant Albert Eisntein cité dans The Day After, de nous plonger au cœur de l’âge de pierre. Peut-on espérer que la recherche spatiale, les développements scientifiques et les découvertes médicales remplissent leur mission salvatrice et nous protègent du pire? Pour cela, les êtres humains de tous les milieux et de toutes les classes sociales devront apprendre l’art du dialogue, une tâche quasi-impossible, compte tenu des écarts de référentiels culturels.

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1. Le dialogue : être entier et en interrelation

La vie moderne semble générer des maux à sa mesure comme le cancer, le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA) et, bien sûr, … l’anxiété. Le discours du roi, un film relatant l’apprentissage du discours du roi bègue Georges VI, père de la reine Elizabeth II d’Angleterre, est un beau témoignage de l’art de vaincre le stress, grâce à l’appui indéfectible d’une épouse faisant preuve d’un amour inconditionnel, qui me rappelle celui que me porte ma femme (Ma femme est une sainte! et Le mariage de Luc et d’Omaira). Ce film, touchant à plus d’un égard, illustre bien l’importance de l’amitié d’un simple orthophoniste au milieu de la royauté, de la qualité de dialogue de cette personne plus sensible à la grandeur humaine qu’à des techniques d’apprentissage, comme tel.

 

La notion de dialogue implique la présence entière de deux personnes en interrelation : culturelle, professionnelle, religieuse, générationnelle, etc. L’efficacité de l’interaction exige des interlocuteurs des habiletés d’écoute et d’expression. Ces deux qualités reposent sur une forme d’ouverture psychologique, une sorte de naïveté, à l’image de la malléabilité du cerveau des enfants.
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2. L’ouverture, l’écoute et l’expression

L’ouverture à l’autre s’exprime par de la curiosité, le sens de l’écoute, le questionnement, la capacité de reformuler correctement et la validation par l’autre de cette reformulation. Par exemple, dans les entrevues que mon accordées l’aquarelliste Huguette Bernais et le frère Jean-Jacques Campagna, je me suis donné la peine d’élaborer un questionnaire, d’enregistrer la rencontre, de procéder à la rédaction des articles et de les leur présenter avant leur publication dans le blogue. Si, de mon côté, j’ai pu poser les bonnes questions, mes invités ont su de leur côté formuler les bonnes réponses. L’art oratoire est certes une discipline, tout comme l’écriture, mais la qualité de l’argumentation découle aussi de l’observation et de la recherche de réponses à des questions.

L’entrevue permet de mieux connaître… la personne interrogée. Toutefois, l’intercompréhension n’est possible que si les deux interlocuteurs disposent de bonnes qualités d’écoute et d’expression. J’ai bien dit les deux personnes. Sans cela, nous assistons à un monologue ou au reportage d’un monologue. Entrent alors en scène l’imaginaire et la fausse impression de comprendre l’autre. À l’opposé, si deux personnes réussissent le tour de force de l’intersubjectivité, la relation devient fructueuse sur le plan de la croissance personnelle et de l’apprentissage d’habiletés sociales. En contexte social, ce rapport s’inscrit sous le signe de la multiculturalité, et le multilinguisme constitue un puissant instrument au service d’une meilleure compréhension entre les humains.

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3. De la relation interpersonnelle à la relation sociale

Qui dit relations humaines parle aussi de malentendus, de conflits et de sérieux désaccords sur les plans cognitif et émotif : des crises de valeurs peuvent engendrer des guerres. Si de la confrontation des idées, sous formes de thèse ou d’antithèse, émerge souvent la solution inattendue à un problème, ce mode de communication n’est-il pas comme tel un exutoire à la compétition, par moments bien exploitée par de vils profiteurs? De mon côté, j’y préfère la maïeutique socratique dans une perspective socioconstructiviste, une approche qui reconnaît l’existence de parcelles de vérité en chacun d’entre nous.

Sur le plan émotif, que penser du rôle l’empathie dans le rapport humain? La chaleur humaine est sans doute une qualité essentielle à la compréhension du vécu de l’autre. Toutefois, l’expérience me porte à croire qu’il s’agit souvent d’un beau prétexte employé par nombre de psychologues du dimanche, dépourvus des qualités d’écoute et d’expression, tel que présentées précédemment. Ces empathistes comprennent l’émotif sans tenir compte du cognitif… Ils ne comprennent qu’à moitié, pourrait-on dire.

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Ainsi, le simple geste de bien dialoguer requiert des exigences considérables. Dans ce contexte, la paix sociale, constituée de multi-dialogues, est un tour de force. Vous connaissez sans doute le proverbe familial : enfant petit, petits problèmes; enfant grand, grands problèmes… Appliquez-le à l’ampleur des réseaux humains : réseau petit… et voyez la complexité de la gestion de petits réseaux, sociaux et professionnels, de l’enchevêtrement harmonieux des visions entre citadins, villageois et campagnards, de l’expérience de la vallée et de la montagne, etc. Le dialogue des classes sociales et des générations constituent aussi un défi de taille.

D’un point de vue systémique, les guerres de clochers entre de simples municipalités séparées d’une rivière est symptomatique des difficultés des rapports Nord-Sud et du village planétaire. L’humanité dispose en chacun d’entre nous de tous les ingrédients à la concoction d’une sauce de confusion.

4. Le village planétaire

Les pays individualisés peuvent-ils comprendre cognitivement et émotivement les aspirations des personnes vivant dans les pays en développement? Au-delà des rapports commerciaux et diplomatiques, sur le plan relationnel, le village planétaire ne serait-il qu’une lubie?

Le dialogue Nord-Sud, visant la justice et l’égalité, fait face à de nombreux obstacles. L’analphabétisme, par exemple, ou l’incapacité de lire et d’écrire touche près de 20% de la population mondiale, selon les Nations Unies. À cela s’ajoutent les cas d’analphabétisme fonctionnel de gens ayant des connaissances minimales des codes écrits et des opérations d’arithmétique de base, mais insuffisantes pour réaliser des tâches courantes. Par ailleurs, les taux de pénétration du réseau Internet en Afrique est d’environ 3%, comparativement à près de 70% en Amérique du Nord. La littératie numérique, des compétences minimales de l’usage d’un ordinateur, devient un creuset entre le Nord et le Sud… Au Québec, 800 000 personnes âgées de 15 à 65 ans seraient concernées…

 

Conclusion

En cette fin de semaine de la Saint-Valentin, il serait tentant de conclure en disant que l’amour représente une force suprême, la seule en mesure de créer l’harmonie et la paix sociale au sein de l’humanité; ce qui est probablement vrai. Par ailleurs, les médias sociaux constituent de beaux instruments au service des petits, moyens et grands réseaux de communication. Toutefois, le dialogue requiert des savoirs-faires importants et non-négligeables sur le plan de la relation interpersonnelle. À l’heure actuelle, il conviendrait peut-être de mener une lutte à l’alnalphabétisme relationnel… Que la Saint-Valentin devienne une commémoration du dialogue… amoureux!

Bonne Saint-Valentin!

enjeu-000006 Texte : Luc Renaud M.A. Sciences de l’éducation 13 février 2011

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