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Les héros et super-héros dans la formation aux médias en L2

Publié le par Luc Renaud

Analyse de contenu et scénario pédagogique

 

Jeu électronique, télé, cinéma, etc. ; chacun exerce un attrait sur des milliers ou des millions d’amateurs beaucoup grâce à des héros ou des super héros qui permettent de rêver ou de se projeter dans une vie idéalisée. Dans ce contexte, un pan entier d’une formation aux médias comprend deux grands axes : une analyse de contenu portant entre autres sur la nature de personnages hors du commun et la création d’un scénario d’apprentissage qui permet de mieux en comprendre les valeurs et le sens des actions d’un point de vue politique, économique et social. Cet exercice peut aussi servir de prétexte à une réflexion sur soi dans la perspective de changements personnels, qu’il est même possible de réaliser dans le cadre d’une formation en langue seconde (L2).

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Premier axe : vers une analyse de contenus impliquant les héros et super héros

 

Peu importe le média qui présente le héros ou le super héros, il importe de se doter d’une vision claire de l’éventail de ceux-ci et de leur impact sur la personnalité et les comportements.

 

- Les réactions excessives et un cadre de réflexion sur les médias

Des réactions jugées excessives dans la population peuvent traduire des malaises et soulever des questionnements relatifs à la santé mentale et à des facteurs d’influence de nature socioéconomique. Il en va ainsi de la récente tuerie au Colorado (1) lors du lancement de L’ascension du chevalier noir (2) ou encore de ces gens qui déambulent dans les quartiers malfamés de certaines villes du monde en se prenant pour de réels justiciers. Bien que se situant dans une portion extrême et nettement minoritaire de la courbe normale, ces types de comportements pourraient guider la création de questionnaires sur les valeurs, la pauvreté, la psychologie, l’état de la civilisation, etc.

 

À l’opposé de la violence mentionnée ci-dessus, d’autres amateurs de héros et de super héros se laissent plutôt bercer par une atmosphère fantaisiste et sympathique, et remplissent les files d’attente des congrès Comiccon (3 et 4), Otacuthon (5), etc., vêtus des attributs de leurs personnages préférés. Plusieurs constituent en fait des encyclopédies vivantes sur les bandes dessinées (6) et les dessins animés. Il y aurait lieu dans ce cas de questionner sérieusement l’étendue et la précision de ce savoir, sachant que des fans font preuve d’ingéniosité dans la confection d’accessoires susceptibles de rendre jaloux les Spielberg, Lucas ou Stan Lee.

 

- Vers un usage éducatif des héros et super héros

Ces quelques exemples illustrent bien des besoins de rêver et de se transposer dans un monde idéalisé (7) ; à défaut, diront certains, de savoir apprécier sa propre vie, ou, plus positivement, afin de cultiver une passion. Les travaux de Benjamin Devienne (8) sur les jeux vidéos et le comportement humain vont plus loin encore. Le chercheur affirme que le monde virtuel peut contribuer de façon positive au développement de la personnalité, de rapports interpersonnels et à la prise de bonnes décisions en contexte d’urgence ou de catastrophes humanitaires. De tels résultats alimentent bien des argumentaires militant en faveur du jeu sérieux en éducation.

 

Convaincus d’un impact positif des médias sur les gens, des protagonistes de la télé éducative comme monsieur Marc Grenier de Fondation Lory (9) cherchent à développer des héros présentant des modèles de vie saine à des enfants. Rappelons que Fondation Lory est à la recherche de collaborateurs dans la poursuite de cette œuvre amorcée il y a une dizaine d’années. Avis aux experts en éducation intéressés. En ce qui concerne les adultes, des penseurs et des artistes comme la conférencière Ariane Cloutier (10) invitent les gens à réfléchir sur les qualités de leurs héros personnels dans une perspective de cheminement de vie. Si certains amateurs s’intéressent à des pouvoirs surnaturels, d’autres s’inspirent plutôt de héros de la vie quotidienne. Ainsi existe-t-il une multiplicité de personnages pour répondre à un éventail considérable de clientèles, à la grande joie sans doute de l’industrie cinématographique ou des concepteurs de jeux électroniques.

Certains se considèrent peut-être comme leur propre héros…

 

Deuxième axe : quelques paramètres d’un scénario pédagogique sur le héros et le super héros

 

Vu l’ampleur du phénomène, deux questions se posent alors. Doit-on contrôler l’accès aux médias pour éviter d’éventuelles tueries ? Et plus pratiquement pédagogique : De quelle façon peut-on exploiter le concept de héros et de super héros en apprentissage ? Sans entrer dans le détail, je crois bien que ces deux questions de base peuvent alimenter une activité de communication dans le cadre d’une formation aux médias. Celle-ci peut viser le développement d’un sens critique chez de jeunes apprenants, contribuer à une réflexion sur soi dans une perspective de changement personnel et s’inscrire ou non dans le cadre d’une formation en langue seconde (L2).

- Quelques paramètres de base du scénario pédagogique

Dans ce contexte, il me semble important d’appliquer une grille d’analyse qualitative des personnages et des actions posées par des héros ou super héros de jeux électroniques, d’émissions de télé et de films avant même l’élaboration d’un scénario pédagogique. À moins d’éduquer un apprenant à l’usage d’une telle grille d’analyse en vue de lui permettre d’opter pour le document de son choix dans le cadre d’une démarche davantage en autoformation.

 

Peu importe que l’on inscrive le scénario pédagogique dans une formule pédagogique ouverte, hybride ou directive (11), l’apprenant sera invité à formuler un compte-rendu de son étude.

 

Personnellement, je privilégie une approche comprenant les étapes suivantes :

  • choisir un média et des héros à partir d’une grille d’analyse ontologique ou socioéconomique ;
  • faire une réflexion personnelle à l’aide d’un questionnaire dont le contenu varie selon la finalité du projet éducatif. Formation aux médias : Quelles sont les valeurs socioéconomiques et culturelles véhiculées ? Qui finance le produit ? Quel comportement est attendu du spectateur-consommateur ? Que symbolisent les gestes ou les situations exagérées ? etc. Croissance personnelle : Pourquoi avoir fait ce choix de média et de personnages ? Quelles sont les qualités appréciées chez le héros ? Quelle est la part de réel et d’imaginaire ?, etc.
  • partager cette réflexion dans une équipe dont les membres sont réunis en présentiel ou à distance par le biais d’une plateforme collaborative ou de logiciels sociaux.

Une fois ce travail d’analyse, de réflexion et de discussion réalisé, il me semble intéressant de demander aux apprenants de procéder à une étape de création collective qui peut prendre la forme d’un vidéoclip : inventer un scénario, y incluant des héros à jouer en suivant des règles théâtrales (12), filmer le tout et en faire un montage en vue d’une diffusion sur Internet (13). Pour conclure, l’apprenant est encouragé à tenir un journal de bord l’amenant à réfléchir, entre autres, sur les écarts entre la fiction et la réalité pour ainsi cultiver son esprit critique.

 

Conclusion

 

Je crois que l’on peut affirmer sans trop se tromper que les héros et super héros présentés dans les médias ont un impact sur le spectateur, mais que le comportement en cause revêt globalement des formes extrêmement variées. Si, dans de rares cas, la résultante en est une tragédie ou une marque de maladie mentale, comme le montre la triste tuerie dans le Colorado, de nombreuses dimensions des personnages extraordinaires font de ces derniers d’excellents instruments d’une formation aux médias pouvant s’inscrire dans un contexte de croissance personnelle ou d’activités de communication en L2.

 

Il me semble conséquemment beaucoup plus opportun d’exploiter le concept de héros et de super héros à l’intérieur de scénarios d’apprentissage constructifs plutôt que d’en exercer un contrôle coercitif (14). Après tout, ils sont le fruit d’une imagination qui peut traduire des désirs nobles ou à tout le moins nous éclairer sur l’état de la civilisation humaine.

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation

Dessin : Julie Renaud

 

Références

  1. La tuerie au Colorado
  2. La suite de Batman
  3. Renaud, L. (2011) Comiccon 2011 : entre la fête collective et la fantaisie
  4. Renaud, L. (2011) Le Comiccon 2011, vraiment du show-business
  5. Otakuthon2012
  6. Renaud, L. (2011) Gribeault : un jeune bédéiste se construit un avenir
  7. Renaud, L. (2011) La dualité identitaire payante de Buffy à Batman
  8. Renaud, L. (2012) Le jeu éducatif en langues secondes
  9. Renaud, L. (2012) Fondation Lory : La télé et la webtélé pour le sain développement dès le bas âge
  10. Renaud, L. (2012) Des projets éducatifs et le livre numérique en langue seconde
  11. Renaud, L. (2012) Baladodiffusion, réalité augmentée, etc : la mort des salles de classe ?
  12. Renaud, L. (2012) Cinéma et théâtre : Les TIC et l’apprentissage en autoformation
  13. Renaud, L. (2012) Le gala Clip ton 514 démontre que la relève du 7e art se porte bien, dans Le blogue de Luc R
  14. Renaud, L. (2012) Du petit écran au multimédia interactif dès le bas âge ? Bien sûr !

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Le jeu sérieux et la déscolarisation de l’apprentissage

Publié le par Luc Renaud

Dans le présent article, je me questionne sur le rôle du jeu sérieux dans la déscolarisation, ou encore sur l’arrimage des ressources éducatives aux pratiques naturelles d’apprentissage, particulièrement en langue seconde. Il sera notamment question de SpeakyPlanet.fr (1), actuellement conçu pour favoriser la découverte de l’anglais dans un contexte ludique chez les enfants du primaire. Je ne compte pas faire particulièrement la promotion de ce produit, mais plutôt en employer ma compréhension afin d’illustrer un bon exemple de suite de jeux sérieux utilisable dans une forme de déscolarisation de l’apprentissage.

1. Les pratiques naturelles d’apprentissage

En contexte bilingue, les enfants d’âge préscolaire pourraient accuser du retard dans la maîtrise de leur langue maternelle, dû à la nécessité de comprendre deux systèmes linguistiques simultanément. (2) En revanche, ils se montreraient beaucoup mieux articulés que leurs camarades de classe une fois en cinquième année du primaire, après avoir surmonté cet obstacle (3). Par le biais de la langue, l’enfant acquière aussi une meilleure compréhension des expressions culturelles comme les styles musicaux. À ce sujet, la chanteuse brésilienne Julia Pessoa (4), me racontait récemment qu’il lui était possible de puiser dans une gamme de rythmes incroyablement étendue grâce à la richesse du multiculturalisme brésilien.

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Si les enfants sont des éponges innées, l’apprentissage s’effectue chez eux essentiellement dans un contexte ludique et par leur exploration naturelle de l’environnement. Sur le plan linguistique, on assiste au passage des simples cris suivant la naissance aux gazouillis un peu plus élaborés jusqu’à une compréhension des structures complexes de la langue orale (5) avant même le début de l’école primaire. Une grande part de ce prodige provient de l’imprégnation et de nombreuses répétitions des énoncés entendus, ou des scènes observées, un point de vue que semble partager le psychologue allemand C. Ebbinghans (6), intéressé aux liens entre les répétitions et la rétention des savoirs. Monsieur Marc Grenier, s’est aussi beaucoup inspiré de ce principe dans le cadre du projet Lory, une série de vidéoclips (7) destinés au développement de bonnes attitudes dès l’âge préscolaire. Dans cette aventure de nature interculturelle et à portée internationale, beaucoup d’efforts sont consacrés au travail sur le subconscient et la mémoire des enfants.

Que l’on soit béhavioriste, cognitiviste ou socioconstructiviste, un fait demeure. Des psychopédagogues et des technopédagogues en tous genres cherchent à développer des ressources éducatives qui collent aux pratiques d’apprentissage naturelles des apprenants au lieu de définir un moule scolaire uniforme et incassable. En un sens, nous assistons à une forme de déscolarisation, à l’intérieur de laquelle des qualités reliées au plaisir d’apprendre et à la spontanéité seraient mises de l’avant par des techniques comme le jeu sérieux.

 

2. Du jeu grand public au jeu éducatif : jeux.fr et SpeakyPlanet.fr

Des sites comme jeux.fr (8) offrent gratuitement une gamme étendue de jeux sur des thèmes populaires comme l’amour, l’action, la course, ou encore des jeux de cartes ou de société. De nombreux apprentissages, difficilement mesurables, y sont réalisés de manière naturelle et captivante.

 

De fait, les jeux en ligne sont à ce point populaire, que des problèmes de cyberdépendance peuvent entraîner des microdéchirures musculaires (9) dans les mains ou un peu partout dans le haut du corps, etc. Il est également commun de voir des groupes d’enfants jouant du pouce sur le miniclavier d’une console portative ou d’un téléphone mobile, se sentant plutôt rébarbatifs au milieu environnant proposé par les adultes. Au lieu de combattre cette attitude, et de mettre les jeunes au pas, certains se demandent plutôt de quelle manière tenir compte des nouveaux réflexes des joueurs dans la conception de ressources éducatives qui collent réellement aux pratiques des jeunes.

 

SpeakyPlanet.fr, par exemple, est une suite de jeux éducatifs destinés à des enfants de 7 à 13 ans, impliqués dans l’apprentissage de l’anglais et d’autres langues, éventuellement. L’ensemble, a été conçu en tenant compte des programmes scolaires du primaire, visant principalement la compréhension orale du vocabulaire courant : objets, famille et maison, corps humain, sports et activités, émotions, goûts, etc. Des sous-titres sont toutefois disponibles pour répondre à des besoins en compréhension écrite. De plus, en absence de système de reconnaissance vocale, les élèves sont encouragés à répéter à voix haute les énoncés appris en vue d’améliorer leur performance en expression orale.

 

La suite comprend une gamme variée de jeux selon les goûts de la jeune clientèle ; ainsi retrouve-t-on une trentaine de ressources composées de puzzles, ou d’autres jeux comme les arcades, la course, l’exploration, la mémoire, etc. De nouveaux jeux exclusifs s’ajoutent régulièrement à la banque disponible. Chaque produit est développé selon une approche hyperintuitive, d’après Monsieur Franck Fievet (10), l’un des responsables de l’entreprise, et tient compte de trois niveaux ou rythmes d’apprentissage : débutant, moyen et avancé. Alors que les mots de vocabulaire seuls sont présentés aux débutants, les élèves du niveau moyen les entendront plutôt dans des phrases courtes, alors que les plus avancés auront droit à des phrases plus élaborées. Ces différences peuvent se révéler pertinentes pour les enfants dont la langue maternelle est relativement éloignée de la langue cible.

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Contrairement à jeux.fr, conçu exclusivement à des fins de divertissement et offert gratuitement au public, la suite éducative Speakyplanet.fr pour l’apprentissage de l’anglais comprend quelques démos gratuites, mais l’accès à l’ensemble des ressources implique des frais d’abonnement mensuels.

 

3. La déscolarisation de l’apprentissage

 

Sur le plan de l’évaluation des apprentissages, un système de compte permet à un enseignant ou à un parent de suivre les progrès réalisés par un enfant. Bien qu’il soit possible d’employer les ressources de SpeakyPlanet.fr dans un labo informatique, il semble paradoxalement plutôt recommandé de laisser un enfant jouer librement une dizaine de minutes par jour à la maison ou par temps maussade au moment des récréations, et de le laisser passer d’un niveau à l’autre de manière naturelle. Des développements ultérieurs devraient permettre d’offrir ces ressources sur tablette numérique, de manière à augmenter l’autonomie des élèves dans une démarche nomade.

 

Au lieu de rédiger des textos ou de faire tournoyer des mygales sur un écran de verre miniature, les jeunes exerceraient les mêmes gestes en apprenant une langue seconde.

Mais la déscolarisation de l’apprentissage par le jeu dépasse largement les ressources proposées sur ce site de jeux sérieux. Pour y arriver, il faudrait d’une part inclure l’usage de produits ludiques plus variés, inspirés d’approches pédagogiques cognitives et socioconstructivistes, offrant par exemple des études de cas ou des simulations plus détaillées et des moyens de communication pour favoriser le travail collaboratif. D’autre part, il faudrait permettre aux jeunes élèves de développer leur autonomie et leur sens critique en faisant les transferts nécessaires de l’univers ludique virtuel au monde réel et vice versa.

 

Conclusion

 

La déscolarisation est un terme rebelle employé dans cet article pour amener le lecteur à focaliser son attention sur les aspects naturels et ludiques de l’apprentissage, souvent mal servis par la rigidité de la structure scolaire. L’expression désigne aussi l’étude des potentialités éducatives offertes par les différentes attitudes et comportements des jeunes, particulièrement en matière d’emploi des technologies. Les propositions formulées par SpeakyPlanet.fr pour l’apprentissage des langues semblent s’en inspirer beaucoup ; c’est pourquoi, je m’en suis servi pour illustrer mon propos. Par ailleurs, j’ai tenté de mettre de l’avant le fait que les diverses approches éducatives, qu’elles soient de nature béhavioriste, cognitiviste ou socioconstructiviste, naissent toutes du même souci de comprendre les mécanismes naturels de l’apprentissage humain en vue de développer des programmes et des ressources éducatives efficaces. À trop en privilégier une, je me demande parfois jusqu’à quel point nous n’avons pas tendance à jeter le bébé avec l’eau du bain, et à faire passer (sans le vouloir ?) des impératifs idéologiques ou financiers devant le bien-être de l’élève et la passion d’apprendre.

 

Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation

 

Références

1.       Site SpeakyPlanet.fr

2.      L’apprentissage de plusieurs langues, dans Naître et grandir

3.      Comment votre enfant apprend-il à parler, dans Au féminin.ca

4.      Julia Pessoa et une fête de la Saint-Jean brésilienne remplie de fraîcheur

5.      Le développement du langage, dans Doctissimo.ca

6.      Ariel (2008, Extrait de "Comment améliorer votre attention et votre mémoire"du Professeur Tocquet

7.      Renaud, L. (2012) Fondation Lory : La télé et la webtélé pour le sain développement dès le bas âge

8.      Site Jeux.fr

9.      L’ordinateur sans douleur, dans Doctissimo.ca

10.   Entrevue réalisée par L. Renaud le 2 juillet 2012

 

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Fondation Lory : La télé et la webtélé pour le sain développement dès le bas âge

Publié le par Luc Renaud

 (…) Lorsqu’un enfant débute à la maternelle, il a gobé près de 250 heures de messages publicitaires sur la malbouffe et à son entrée au secondaire, il a vu environ 100 000  actes d’agressions et plus de  8 000 meurtres. (Association américaine de psychologie). Ainsi, plusieurs enfants arrivent à la maternelle ou au primaire avec un cerveau contaminé par l’écran.

Régulièrement dans les journaux ou à l’école, il est question d’obésité, d’intimidation, de violence, de décrochage, etc. et les enseignants doivent composer avec un nombre important d’enfants déviants. Des spécialistes et des organismes se mobilisent dans le but de contrer ces problèmes sociaux dans les communautés  et préconisent l’éducation en bas âge comme mesures préventives. Or, la télévision et le web se positionnent comme des agents de transmission de comportements et d’attitudes au même titre que le parent ou l’éducatrice, ce qui recentre notre réflexion et nos actions sur l’idée d’une coresponsabilité entre la famille, les garderies, l’école, les médias et la construction sociale de l’enfant.

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C’est du moins ce que croit fermement Monsieur Marc Grenier, président et initiateur de Fondation Lory, un organisme à but non lucratif et parrain du Projet Lory, qui offre une série de vidéoclips éducatifs destinés à la formation des enfants des garderies, des Centres de la Petite Enfance  et des écoles primaires du Québec. Cet article lui est consacré.

1)      Fondation Lory et son coffret éducatif

Marc Grenier ne se décrit pas comme un expert en éducation, mais plutôt comme un père de famille et un grand-père qui a choisi de faire du développement de l’enfance l’une des grandes priorités de sa vie. Pour atteindre son but, il forme alors une équipe pluridisciplinaire comprenant des pédagogues, des enseignants et des psychologues. Son approche éducative s’appuie abondamment sur la recherche d’institutions renommées comme le Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants (CEDJE) ou encore le Centre de transfert pour la réussite éducative au Québec (CTREQ). Le président de Fondation Lory tient également  un registre exhaustif de tous les projets éducatifs comparables au sien.

Son équipe a produit une série de dix vidéoclips éducatifs d’une durée approximative de trois minutes par épisode et un guide d’accompagnement destinés principalement aux intervenants en garderie et  aux enseignants dans les écoles primaires.  Pour les intervenants, le coffret est disponible gratuitement sur DVD, mais aussi sous forme de webtélé à partir de YouTube ou du site même de la Fondation.

Dans les six vidéoclips de base, Lory et ses amis démontrent par l’exemple les vertus du conditionnement physique et de la bonne alimentation pour prévenir l’obésité, mais aussi des attitudes de protection de l’environnement et des marques de respect envers les pairs comme stratégie de prévention de la violence et de l’intimidation. Une version courte sans paroles, et une version longue comprenant des interventions de la jeune héroïne sont offertes aux enfants.  Un guide pédagogique est inclus sur le site et des images à colorier, rappelant les messages de Lory, peuvent être téléchargées sur demande. Le tout est également disponible en anglais.

Le Projet Lory sollicite les enfants autochtones depuis plus de cinq ans et le succès est tel que la Régie de Santé du Nunavik  du Gouvernement du Québec et le Gouvernement du Kativik ont fait la demande        d’une version adaptée des épisodes déjà existants pour répondre aux besoins spécifiques des enfants inuit. Dans les prochains épisodes, Lory  fait équipe avec  un harfang des neiges, espèce qui habite ces régions depuis des milliers d’années et qui est en mesure d’enseigner les bons comportements à qui veut l’entendre.  À la demande des intervenants, il est à noter que Monsieur Grenier et son équipe prévoient faire vieillir les personnages  au fil du temps afin de traiter de thèmes plus matures et ainsi offrir un accompagnement éducatif et une vision holistique qui favorise un arrimage d’éléments positifs nécessaire à une croissance pragmatique de la jeune clientèle.

Le concept télévisuel du projet intéresse également la communauté internationale partageant le même objectif de combattre par la prévention des problèmes de santé ou de comportements sociaux délinquants.

2)      Un projet lié à la recherche

Les épisodes de la série télé sont conçus selon un processus de Recherche-Action-Développement systématique de longue haleine. D’abord, l’intérêt des enfants pour les scénarios est testé par la conception d’histoires sous forme de cahiers à colorier. Par la suite, l’auteur propose une démarche éducative impliquant le visionnement au quotidien d’un premier clip sur une base hebdomadaire, suivi d’une séance de discussion animée par l’intervenant au dernier jour de la semaine. Bien que la démarche s’inspire du conditionnement et de répétitions visant l’enregistrement d’images positives dans le subconscient et la mémoire des enfants, ces derniers sont fortement encouragés à discuter entre eux et avec les adultes les plus proches des thèmes abordés. L’objectif consiste à capter l’attention des jeunes téléspectateurs et à vérifier leur niveau de compréhension et de rétention des messages véhiculés dans les divers épisodes.

 

 

Cette approche offre plusieurs avantages selon Monsieur Grenier. Il note, par exemple, que les enfants s’expriment avec ferveur, preuve de leur attachement aux personnages et aux situations de vie présentées, mais surtout qu’ils fournissent une argumentation démontrant une bonne compréhension des messages transmis par les personnages des épisodes. De plus, des élèves identifiés comme de potentiels décrocheurs participent de façon positive aux discussions.

Né il y a une dizaine d’années, le Projet Lory a depuis reçu de nombreux appuis officiels, s’est développé et a connu du succès dans plus de 1 200 garderies et CPE du Québec. Des centaines de rapports provenant de ces centres de petite enfance démontrent la valeur indéniable de la méthode, qui sera évaluée par une équipe de recherche de l’Université de Sherbrooke en septembre 2012.

Conclusion

Marc Grenier a développé au cours des dix dernières années une solide Fondation qui offre un concept sans frontières et accessible à toutes les communautés. Les rapports des intervenants participants confirment  qu’il est possible de contribuer positivement au développement de la personnalité des jeunes et de contrer des problèmes comme l’obésité, le décrochage, la violence, etc., par les mêmes outils souvent associés aux effets contraires que présente la télé et les vidéoclips.

Fondation Lory,  souhaite se joindre à tout expert en éducation intéressé à faire l’expérience du concept et à y offrir sa collaboration. Depuis plusieurs années que Fondation Lory accumule les commentaires des intervenants et ces informations sont indispensables à l’avancement du concept. Fondation Lory est convaincue qu’il est préférable de se regrouper et travailler ensemble que de recommencer à zéro chacun de son côté. Pour ce faire, il suffit d’entrer en contact avec le responsable du projet aux coordonnées suivantes : mgrenier@fondationlory.org ou encore au (418) 261-1949. Pour de plus amples informations ou pour accéder gratuitement aux épisodes et à la documentation pédagogique, consultez le site de la fondation : http://www.fondationlory.org

Texte: Luc Renaud, M.A. Sciences de l'éducation

Collaboration exceptionnelle: Marc Grenier, président de Fondation Lory

Références

·         http://www.scom.ulaval.ca/Au.fil.des.evenements/2003/09.04/nutrition.html http://www.sciencepresse.qc.ca/jdm/jdm39.html

·         Fondation Lory,

·         Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants

·         Centre de transfert pour la réussite éducative au Québec

·         Renaud, L. (2012) Du petit écran au multimédia interactif dès le bas âge ? Bien sûr !, dans EducaVox

·         Quelques épisodes de Lory sur YouTube : Bouger, bien manger, Toi, qu’est-ce que tu aimes faire ?

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Une gamme variée de logiciels pour un autoapprentissage en L2

Publié le par Luc Renaud

 

Cyberprof, Destinos, Loft hanté, Polar FLE, etc. ; l’apprenant engagé dans une démarche d’apprentissage autodidacte d’une langue seconde (L2) fait face à l’embarras du choix en matière de logiciels et de ressources éducatives en ligne. De son côté, l’enseignant est plutôt invité à sélectionner ces divers produits dans une démarche déjà structurée en fonction de l’une des étapes de sa planification pédagogique : la mise en situation, l’exploration, l’appropriation, la synthèse et le transfert, et des instants consacrés à l’animation de réflexion métacognitive.

 

En absence d’une telle structure en autoformation, je propose aujourd’hui une liste de critères de sélection de logiciels éducatifs, des exemples de produits et quelques lignes directrices pour aider toute personne engagée dans une démarche d’autoapprentissage en L2.

 

1. Des critères de sélection de logiciels éducatifs et de ressources en ligne

De prime abord, cinq critères de sélection sont à considérer dans le choix d’un produit éducatif en L2 : l’intérêt du logiciel ou de la ressource en ligne, le volume et la qualité de l’exposition à la langue cible, des outils d’enseignement stratégique, des défis et la simulation d’actes communicationnels et l’offre de jumelage linguistique ou de participation à un projet réel de nature socioprofessionnelle ou culturelle.

 

- L’intérêt du logiciel ou de la ressource en ligne

Qu’est-ce qu’un produit logiciel intéressant pour un apprenant, puisqu’il s’agit là d’un critère majeur dans le choix d’outils d’apprentissage ? Martin Shamlou nous en fournit peut-être une idée quand il justifie la popularité d’un blogue par l’un ou l’autre des attributs suivants : inspirant, instructif ou divertissant. D’autres caractéristiques sont à considérer, comme les styles d’apprentissage de la clientèle, des besoins d’intégration sociale ou ... l’addiction. Je me réfère aux composantes des téléromans ou des jeux qui captivent le téléspectateur ou le joueur : une intrigue remplie de surprises ou de rebondissements, le suspense des fins d’épisodes ou de niveau et, bien entendu le charisme des personnages attachants alliant de main de maître le dramatique et le comique.

 

- L’exposition à la langue cible

Le passage de l’information de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme de nouvelles notions nécessiterait des centaines d’exercices de répétition échelonnés dans le temps ; ce qui m’amène à rétablir la question de l’exposition à la langue cible au cœur du processus d’apprentissage d’une L2, un aspect souvent relativisé dans des courants de pensée cognitiviste. N’est-ce pas pourtant ce principe qui prévaut dans les programmes d’immersion à des communautés L2 ou encore lorsque des enseignants encouragent l’usage de stratégies comme l’écoute de la télé ou la lecture régulière des périodiques pour plonger l’étudiant dans un environnement immersif virtuel ?

 

- L’enseignement stratégique

Pour répondre au principe de l’exposition à la L2, il faudra privilégier l’usage de logiciels comprenant un nombre important d’exercices et des tableaux explicatifs avec plusieurs exemples d’application de règles linguistiques. Ces produits devraient idéalement proposer des rétroactions intelligentes, qui aident l’apprenant à mieux cerner ses erreurs et le guider vers la réussite. Dans les années ’90, didacticiels comme Orthogramme incluaient une forme d’enseignement stratégique, accompagnant de nombreux exercices. Une démarche tutorielle permettait d’apprendre à observer la réponse fautive, à réfléchir sur la règle à appliquer et y comparer la réponse donnée, pour ensuite en arriver à acte d’autocorrection réussie.

 

Comme ce type de démarche se montre actuellement assez rare sur le Web, je recommande à tout le moins des rétroactions qui remplaceraient les bravos, musiques et animations en tous genres par des pistes de révision ou des informations complémentaires pertinentes. Parallèlement à cela, l’apprenant autodidacte devra se montrer alerte, entamer une réflexion métacognitive et apprendre à se doter d’un parcours d’apprentissage personnalisé.

 

- Défi et simulation d’actes communicationnels

L’apprentissage d’une L2 répond essentiellement à des besoins de communication. Dans ce contexte, l’apprenant recherche des produits qui offrent des défis et des simulations d’actes communicationnels pour le préparer à vivre des expériences de communication réelles. De telles activités exposent l’étudiant à des problèmes plus complexes et rendent l’apprentissage significatif.

 

- Communication réelle

Plus audacieux, certains voudront vivre de nouvelles situations de communication réelle que ce soit par le biais de jumelage linguistique L1-L2 ou encore par la contribution à des projets de nature socioprofessionnelle ou culturelle. Bien que ces activités s’apparentent aux étapes de synthèse et de transfert de l’approche communicative vue en introduction, il est assez fréquent qu’un apprenant autodidacte choisisse au contraire de s’impliquer dès le début de son processus d’apprentissage dans des situations de communication, en y exploitant au mieux ses connaissances en L2.

 

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2. Des produits et une démarche d’apprentissage autodidacte

Force est de constater qu’il existe peu ou pas de produits qui répondent en totalité aux critères mentionnés précédemment pour répondre aux besoins d’un apprentissage autodidacte en L2 ; c’est pourquoi je crois qu’il vaut mieux apprendre à gérer une banque d’outils éducatifs plutôt que de rechercher le didacticiel idéal.

 

- L’intérêt du logiciel ou de la ressource en ligne

Ainsi, des sites comme Polar FLE et Loft hanté inscrivent l’apprentissage du FLS dans des intrigues intéressantes ; alors que Destinos est un bel exemple de téléroman aux attributs addictifs pour l’apprentissage de l’espagnol. Polar FLE possède aussi de bonnes fiches de grammaire et de conjugaison, et des exercices d’application de notions linguistiques pour exposer efficacement l’apprenant à la langue cible.

 

- L’exposition à la langue cible

Sur ce point, des cahiers d’exercices électroniques comme Cyberprof ou celui de Réal Saint-Jacques sont de bons exerciseurs. Contrairement à ces produits davantage axés sur la structure linguistique et ses composantes, Bonjour de France contient en plus des repères culturels et touche plusieurs habiletés langagières. Carmen Vera Perez a, de son côté, conçu une impressionnante banque d’exercices à partir de Hot Potatoes sur une gamme variée de notions linguistiques, en y incluant un volet ludoculturel, par l’exploitation de chansons.

 

- L’enseignement stratégique

En matière d’enseignement stratégique, l’apprenant peut entreprendre un processus de réflexion métacognitive par le biais de microblogues ou de blogues en prenant en compte les résultats fournis par les rétroactions à ses exercices et les scores obtenus. Des sites comme belearner.com ou des plateformes collaboratives comme beebac.com peuvent aussi l’aider à se doter de parcours d’apprentissage et à assurer le suivi de ses réalisations.

 

- Défi et simulation d’actes communicationnels

Alors que tous les produits mentionnés précédemment permettent de comprendre une L2, il en existe peu qui placent l’étudiant en situation de produire des dialogues. C’est le cas, toutefois, de logiciels comme Tell Me More, doté d’un système de reconnaissance vocale suffisamment efficace pour amener l’apprenant à progresser dans des dialogues simulés. Par ailleurs, le site Phonétique offre gratuitement de nombreux exercices de phonétique, et l’usage d’un synthétiseur vocal peut encourager la lecture à voix haute de textes ou des extraits d’œuvres théâtrales.

 

- Communication réelle

Le passage de la communication virtuelle au monde réel s’effectue par la consultation abondante d’informations en provenance des médias électroniques, que ce soit la presse écrite, les livres sur Kindle, les audiolivres ou les vidéos de YouTube, etc., mais surtout par l’établissement d’un jumelage linguistique à l’aide d’outils comme MyExchangeLanguage.com ou encore par la réalisation de projets réels de communication et l’échange d’idées avec des locuteurs trouvés sur les pages Facebook d’organismes gouvernementaux ou d’entreprises privées.

 

3. Quelques lignes directrices dans le choix d’une ressource éducative en L2

Un étudiant réellement autonome en L2 pourrait choisir de se doter d’un projet éducatif détaillé, comprenant un parcours d’apprentissage personnalisé et un choix éclairé de plusieurs produits logiciels pour répondre aux besoins préalablement identifiés. Dans la perspective du Apprendre à apprendre, je privilégierai une démarche différente.

 

 15-janv-2012a

 

 

Dans un premier temps, l’apprenant peut être invité à explorer des ressources éducatives, comme Bonjour de France ou les exercices de Carmen Vera Perez. Parallèlement, il est encouragé à amorcer une réflexion métacognitive, de sorte qu’il apprenne graduellement l’art de l’autoévaluation et celui de se définir un projet éducatif personnalisé : des objectifs, des outils, un calendrier, etc. Graduellement, il est alors amené à diversifier son usage des ressources selon les besoins identifiés.

 

Conclusion

 

L’étudiant est appelé un jour ou l’autre à vivre l’autoformation tout au long de la vie. Pour ce faire, il lui est conseillé de se doter d’un projet d’apprentissage détaillé, y incluant une gamme variée de ressources éducatives. Un tel projet peut se concevoir à partir d’une démarche conceptuelle initiale ou, au contraire, se développer graduellement par l’expérience et la réflexion métacognitive.

 

Un professeur de philosophie de l’éducation de Concordia University m’a dit un jour : Luc, si tous les étudiants étaient comme toi, il n’y aurait plus d’école. Convaincu que des apprentissages étonnants sont réalisables en marge des formations formelles, je préfère croire que les établissements scolaires accorderont davantage de place au Apprendre à apprendre.

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation

 

Références

Renaud, L. (2012) Se donner le mot dans un loft hanté en langues secondes, dans EducaVox

Renaud, L. (2012) Pour un regard moderne sur l’autoformation en langues secondes, dans EducaVox

Renaud, L. (2012) Le jeu d’aventure électronique de type grand public en langues secondes, dans EducaVox

Renaud, L. (2012) Pédagogie ouverte : autoformation et collaboration, dans EducaVox

Renaud, L. (2011), La telenovela mexicaine pour apprendre l’espagnol, dans Le blogue de Luc R

Renaud, L. (2011), L’apprentissage d’une langue (première partie) : de l’école à l’autoformation, dans Le blogue de Luc R

Shamlou, M. (2012), Recherche d’emploi en communication/marketing : mythes, réalités et perspectives, La Soirée des grands communicateurs, Téluq

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L’emploi du blogue comme webfolio en langue seconde

Publié le par Luc Renaud

educavox Cet article est aussi publié sur Educavox à l'adresse suivante: http://www.educavox.fr/formation/analyses-27/article/l-emploi-du-blogue-comme-webfolio

 

Croissance personnelle et intégration : du récit de vie à la réflexion sur la pratique

 

Les professeurs de langue seconde aux adultes savent parfaitement qu’ils vivent une relation pédagogique de nature singulière : leurs étudiants sont invités à parler d’eux-mêmes, de leurs rêves, de leurs ambitions, etc., et à raconter des expériences vécues signifiantes. Tout cela comme prétexte à l’acquisition de compétences associées à des intentions de communication à travers des thématiques de la vie courante. Qui plus est, ce processus de réflexion a souvent lieu dans un contexte de relations interpersonnelles qui génèrent des alliances et des amitiés dans une forme de huis clos, comme j’ai voulu le démontrer il y a plusieurs années dans mon mémoire de maîtrise.

 

Une classe de L2 devient donc un milieu de vie propice au développement d’un outil de métacognition d’une grande valeur : le webfolio. Dans le présent article, je vous en propose une définition qui vise le développement de compétences en lien avec les aspirations profondes de la personne, avant de me pencher sur une démarche de réflexion métacognitive et sur le rôle du blogue, vu comme un moyen de réseautage exemplaire.

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1. Une vision du webfolio au service de la réalisation de ses rêves

À la base, le portfolio électronique en langue constitue un répertoire des meilleures réalisations orales et écrites d’un étudiant et a pour but de susciter une réflexion sur le cheminement suivi, d’attribuer une note finale au travail accompli et de poser un verdict quant à la poursuite des études... Une vision nettement insuffisante, à mon avis, compte tenu du potentiel énorme de l’expérience humaine dont il est supposément le reflet.

 

- de l’outil d’évaluation à l’expérience de croissance personnelle

 

L’instrument électronique amène l’étudiant à prendre une part plus active à son apprentissage, à cibler ce qui a de la valeur pour lui et, éventuellement, à se doter d’objectifs de carrière en lien avec ses aspirations personnelles. Accessible sur le Web, il lui permet de se faire connaître d’employeurs intéressés à des personnes possédant le T-Shape requis pour les besoins de l’entreprise.

 

Ce simple outil d’évaluation peut en fait se révéler des plus riches s’il tient compte autant des apprentissages en situation formelle et informelle de l’étudiant que des expériences de travail rémunéré ou non de celui-ci. L’organisation du webfolio dans un tel contexte comprendra des rubriques qui tiendront compte des aspects suivants de la vie : 1) le domaine personnel et social, incluant les loisirs, 2) les stratégies d’apprentissage et les progrès scolaires et 3) le développement professionnel. Le premier point peut surprendre. À la Télé-Université (Téluq), Yanick Deschênes, par exemple, avait raconté combien la pratique du tennis de haut niveau lui avait permis de développer des savoir-être essentiels dans sa vie professionnelle. Il en va de même d’une femme au foyer qui aura acquis de grandes qualités tant en matière de gestion financière que de gestion humaine. Bref, toute expérience de vie compte réellement.

 

Pour en tirer profit en L2, je suggère une démarche de réflexion métacognitive en lien avec les intentions de communication propres à ce domaine d’études, lesquelles correspondent également à des stratégies cognitives : (s’) informer, énumérer, décrire, (se) raconter, expliquer un phénomène ou une procédure, forger et donner des opinions, constituer un argumentaire et argumenter, concevoir un projet et l’exposer de manière détaillée, etc.

 

On constatera que ces habiletés s’inscrivent dans un continuum progressif en matière de compétence en L2, ce qui me semble particulièrement utile pour passer d’un récit de vie à des exercices de réflexion sur la pratique, les deux étapes d’une démarche de réflexion métacognitive.

2. Passer de la théorie à la pratique

Le webfolio nécessite la collecte d’informations de nature qui peut être assez variée. De fait, l’étudiant est confronté à deux grandes catégories d’artefacts : ceux qui lui sont remis et le fruit de son propre labeur (des intrants et des extrants.)

 

Parmi les intrants, on compte des tâches scolaires obligatoires, des questionnaires sur la personnalité, les styles d’apprentissage, des études de cas, une photo ou une vidéo prise par un ami, une récompense inattendue, une médaille, des hommages, des lettres d’appui, etc. Chacun d’entre nous a un petit coffre de souvenirs qui nous porte à réfléchir ou à nous attendrir quelques instants à la pensée d’événements marquants. Les objets qui y sont rassemblés peuvent être reproduits dans un format accessible sur le Web. À ces signes provenant de l’externe, l’étudiant peut être appelé à produire ses propres artefacts : des photos, des vidéos, des animations, du texte, etc. En L2, il s’agit souvent de document en soutien à un exposé oral ou écrit personnel.

 

Mais pour réellement apprendre de ces objets, je propose une démarche de réflexion en deux étapes : le récit de vie et la réflexion sur la pratique.

 

Le récit de vie et la réflexion sur la pratique

 

À un niveau peu avancé en L2, un ensemble de plusieurs énoncés simples permet la création d’un discours significatif ; alors est-il opportun de proposer à l’étudiant d’améliorer ses compétences en observation de divers aspects de sa vie personnelle, sociale et professionnelle et de produire sur eux des récits aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. Cette tâche lui permettra principalement d’exercer ses habiletés à : énumérer, informer, décrire et raconter des événements, etc., et ouvrira la voie à une réflexion de deuxième niveau.

 

En effet, la constitution de tels récits devrait coïncider avec des améliorations substantielles sur le plan de l’expression personnelle et en communication. Ainsi amènera-t-on l’étudiant d’un niveau plus avancé en L2 à jeter un regard métacognitif sur ses réalisations antérieures en vue de : donner des opinions, formuler des hypothèses, développer des argumentations, etc. ; bref, de démontrer une bonne connaissance de ses aspirations et des stratégies déployées pour arriver à ses fins.

 

Ainsi l’étudiant en arrivera-t-il à la formulation de projets bien éclairés par les apprentissages tirés des expériences et à posséder de meilleurs savoirs nécessaires à leur réalisation.

3. Le rôle du blogue dans la confection du webfolio

Tout cet exercice peut prendre la forme du scrapbook, conservé bien au chaud dans un tiroir secret. Et, de fait, des éléments de réflexion demeureront certainement confidentiels. Toutefois, le webfolio sous forme de blogue comprend deux avantages indéniables, particulièment pour des étudiants adultes immigrants. D’une part, il favorise les échanges avec des gens aux prises avec des interrogations ou un vécu similaire, ce qui facilite le réseautage. D’autre part, la formulation claire des aspirations personnelles et d’objectifs de carrière précis peut permettre l’établissement de relations professionnelles de qualité, entre des gens partageant les mêmes passions et une vision du monde compatible.

 

Les rubriques du blogue devront toutefois être identifiées de manière non équivoque, chacune d’entre elles comprenant une brève introduction. Je suggère les trois catégories suivantes : vie personnelle et sociale, apprentissage formel et informel, et activité professionnelle. Le blogue devrait également comprendre au moins deux pages distinctes de façon à bien distinguer le processus de réflexion des bilans et des projets mis à la disposition d’un lecteur collaborateur ou futur employeur.

 

Conclusion

 

Une classe de L2 est un terrain propice au développement d’une relation éducative de nature pédagogique, mais aussi interpersonnelle à l’intérieur de laquelle peut se déployer un processus de croissance personnelle. C’est du moins ce que mon mémoire de maîtrise a tenté de démontrer, et ce que j’ai essayé de favoriser chez mes étudiants. Il s’agit concrètement d’un endroit où foisonnent de multiples échanges de récits de vie ou de pratique dus à la fois aux thématiques abordées dans les cours et aux intentions de communication impliquées dans les scénarios d’apprentissage.

 

Dans ce contexte, il me semble intéressant de pousser l’expérience plus loin, de permettre aux étudiants d’approfondir leur réflexion dans un webfolio par la tenue d’un blogue, de sorte qu’ils puissent faire preuve d’une autonomie réelle, c’est-à-dire qui les conduise sur la voie de la réalisation de leurs aspirations les plus profondes.

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation

 

Références

 

Berthiaume R. et Peters M. Webfolio : guide de l’étudiant, Université du Québec à Montréal

Morin A. et Renaud, L. (2002) La recherche narrative au service de la recherche-action intégrale systémique : un apprentissage adulte réussi, dans Chemins de formation. Au fil du temps… Numéro 4

Renaud, L. (2012) Des applications pédagogiques du blogue, dans Educavox

Renaud, L. (2000)Modèle de communication éducative d’un environnement pédagogique informatisé (EPI) pour faciliter le passage de l’émigration à l’immigration, Département d’études en éducation et d’administration de l’éducation. Faculté des sciences de l’éducation. En version Web

Renaud, L (2011) L’apprentissage d’une langue (première partie) : de l’école à l’autoformation, dans Le blogue de Luc R

Renaud, L (2011) L’apprentissage d’une langue (deuxième partie) : les langues secondes et l’intercompréhension, dans Le blogue de Luc R

Renaud, L. (2011) Le récit de vie au service de l’apprentissage , dans Le blogue de Luc R

Téluq (2012) Yanik Deschênes, vice-président aux communications mondiales chez Sid Lee ; L’avenir des communications : blanc ou noir ?Pour la Soirée des grands communicateurs

Université Laval (2012) Pourquoi remplir ton webfolio ?

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Des projets éducatifs et le livre numérique en langue seconde

Publié le par Luc Renaud

educavox À lire aussi sur ÉducaVox à l'adresse suivante: http://www.educavox.fr/formation/analyses-27/article/des-projets-educatifs-et-le-livre

Nous n’avons pas les moyens de nos ambitions. Voilà une phrase que j’entends souvent, sans trop en comprendre le sens, puisque j’ai commencé à concevoir des projets TIC avec des étudiants en français langue seconde (FLS) dès le début des années ’90 avec des outils, même rudimentaires pour l’époque. De plus, l’établissement scolaire qui doute ici de la qualité de ses équipements met tout de même à la disposition de ses enseignants des ordinateurs portables et des projecteurs en plus d’un accès Internet ; de leur côté les étudiants disposent de laboratoires aussi branchés, accessibles presque sur demande. Que faut-il de plus pour répondre aux aspirations de l’heure ?  

Que l’équipement du prof soit encastré au lieu d’être disponible sur des chariots à roulettes, qu’il comprenne des dispositifs de réalité augmentée (RA) et un tableau blanc interactif (TBI) ; que le laboratoire soit équipé des consoles caractéristiques aux labos de langues multimédias ; ou encore que l’établissement se procure les mallettes de labos nomades (1). Il faudrait aussi que les étudiants eux-mêmes possèdent des téléphones intelligents (ou qu’on cesse de les leur confisquer) et que, plus tard, des murs de téléprésence, des systèmes de communication holographique et des environnements virtuels facilitent la communication dans une formule de formation à distance (FAD), etc. (2)  

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Je me questionne aujourd’hui sur l’état actuel du regard technopédagogique jeté par certains éducateurs, croyant y voir le balancier pencher du côté d’une surenchère technologique qui, d’une certaine manière, réduit injustement (et parfois scandaleusement) la valeur des initiatives de nombreux enseignants.  

1.Voir les projets dans une perspective historique

La focalisation de l’attention sur des gadgets informatiques traduit peut-être pour plusieurs le désir de suivre des courants progressistes sans nécessairement prendre conscience des réalités éducatives impliquées. Il est clair, par exemple, que mes expériences initiales se limitaient souvent à des séances sporadiques de formation dans un labo pour la réalisation, par exemple, d’un simple journal de classe, mais qu’il suivait des étapes de création finement élaborées. Les expériences suivantes m’ont permis de créer avec les étudiants des projets de sites Internet malgré les ressources limitées du milieu communautaire de l’époque, pour finalement mettre en place une structure de cours hybride, et ce dès la fin du millénaire.(3)  

Les conditions actuelles offertes par l’établissement d’enseignement de référence dans cet article permettent de réaliser des activités sur une base beaucoup plus intense aussi bien en classe qu’au labo ou à distance. En voici quelques exemples :  

En classe :  

  • Présentation de notions à l’aide de fiches de grammaire en ligne ou encore visionnement d’un extrait vidéo sur YouTube, qui pourrait servir un projet de recherche ;
  • Démonstration d’exercices en ligne et pratique de la systématisation de points de langue ;
  • Discussion à la suite d’une présentation de manchettes de l’actualité ;
  • Création d’une histoire collective, d’un article de blogue ;
  • Communication avec des élèves d’une autre classe par le biais d’une visioconférence ;
  • Etc.  

Au labo :  

  • Recherche d’informations pour un travail pratique (du bulletin de météo du niveau débutant à la planification de voyage par les étudiants de niveau plus avancé) ;
  • Discussion sur la préparation d’un projet à l’aide de Twitter ;
  • Création d’une séquence d’activité collaborative : un vidéoclip, un article, une présentation d’équipe, une leçon, un site Internet, etc.  

Et à distance… :  

À défaut de posséder un TBI, un labo nomade ou toutes les merveilles de la réalité virtuelle (RV), il reste que les étudiants peuvent très bien employer leurs ressources personnelles pour accéder au Web et y pratiquer des points de langue à partir d’un vaste éventail de ressources informatisées. Qui plus est, une grande partie des projets mentionnés précédemment peut être menée à distance par des communautés apprenantes.  

Bref, que signifie réellement Ne pas avoir les moyens de nos ambitions en projets TIC ?

 2. L’arbre qui cache… une forêt peuplée de livres numériques ?  

À première vue, l’expression traduit l’importance accordée à une surenchère inutile dans l’achat de produits informatiques et une méconnaissance de la typologie des projets réalisables, souvent réduits à de simples recherches individuelles d’informations sur le Web, complétées par une présentation écrite ou orale. Pourtant les possibilités sont considérables !  

En plus de projets de classe ou même de jumelage de classes, maintes fois donnés en exemple, des activités d’envergure pourraient tisser des liens étroits entre la réalité scolaire et le monde du travail. À la rigueur, des étudiants pourraient même s’unir pour se lancer dans la création d’une entreprise, forcés d’en réaliser toutes les étapes en langue cible (4) dans une multitude de médias sociaux ; ou élaborer tout autre projet bien connecté à leurs rêves. Encore faudrait-il les aider à prendre conscience de ceux-ci.  

À trop focaliser son attention sur le technologique, il est facile de perdre de vue le pédagogique. Ce faisant, le socioconstructivisme est réduit à la notion d’un simple travail en équipe, sans vraiment que l’on tienne compte de mécanismes de réflexion métacognitive et de coconstruction des savoirs. Cette mise en garde faite, je persiste à croire qu’il est approprié de mettre en place des structures pédagogiques nouvelles, basées sur l’autoformation et la collaboration impliquant les trois macroformules éducatives connues : le présentiel, le distanciel et la formule hybride. Ainsi ramenons-nous le pendule du côté du pédagogique.  

Dans ce processus, nous devrions tout de même faire une place importante aux technologies émergentes, question d’en découvrir le potentiel éducatif. Le livre numérique ou Epub (5) fait partie de cet éventail d’outils éducatifs modernes.  

- Un exemple de technologie émergente : le livre numérique

 

Ariane Cloutier

 

La nouvelle édition de Un coup de pied bien placé (6) d’Ariane Cloutier (au centre sur la photo) contient par exemple des codes-barres qui donnent accès à un site Web comprenant des  vidéos dans lesquelles l'auteure donne des informations supplémentaires sur les symboles-objets illustrant ses concepts. De plus, l’ouvrage présente une quinzaine de personnalités du Québec, ce qui procure au lecteur étranger une base du référentiel culturel de cette province canadienne. Pour y accéder, l’utilisateur doit pointer son téléphone intelligent sur les codes répartis dans les divers chapitres.

Ce genre de livre numérique constitue sans l’ombre d’un doute un outil d’avenir en didactique des langues puisqu’il permet bien sûr l’apprentissage en contexte authentique, exploitant des ressources nomades comme un téléphone intelligent et Internet. De plus, l’ensemble permet le développement de compétences linguistiques aussi bien en compréhension écrite qu’en compréhension orale, deux habiletés langagières fondamentales. Il s’agirait à mon sens d’une troisième génération de produits de nature audioscriptovisuelle (7) après les livres-cassettes et l’écoute d’un livre audio en combinaison avec la lecture du même ouvrage en version imprimée. Au cours de mon apprentissage autodidacte de l’espagnol, j’ai déjà écouté les 19 CD de El Código Da Vinci de Dan Brown tout en lisant le roman imprimé. (8)  

L’expérimentation d’autres technologies émergentes est aussi nécessaire dans le cadre de projets TIC en L2, en s’inspirant des principes de la recherche-action intégrale et systémique, RAIS. (9)  

Conclusion  

Tel que montré dans cet article, le monde de la technopédagogie oscille entre le technologique et le pédagogique au gré des développements technologiques. La base pédagogique reste sensiblement la même, reposant parfois sur la pratique du socioconstructivisme, l’autoformation ou la collaboration. Dans ce contexte, il me semble que le développement de projets TIC de qualité peut se réaliser dans des conditions raisonnables, et qu’il serait absurde d’attendre l’acquisition d’outils de pointe pour se lancer dans cette belle aventure éducative.  

Dans le cadre d’un projet TIC en L2, il me semble tout de même important de faire une place à l’expérimentation de technologies émergentes comme la RA, les livres numériques, les TBI ou des environnements plus sophistiqués encore, dans le but de mieux en découvrir leur potentiel éducatif et ainsi contribuer à l’avancement de la science de l’éducation.  

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation  

Note: Nous avons assisté à la conférence donnée par Ariane Cloutier, le 12 juin dernier et vous en parlerons prochainement.  

Référence

 

1.       Kalysta, la mallette Ipod

2.      Renaud, L. (2012), Baladodiffusion, réalité augmentée, etc. : la mort des salles de classe ? dans EducaVox

3.      Renaud, L. (2003), D’un modèle pédagogique systémique de communication à la réalisation par des immigrants de sites Internet en milieu communautaire, dans Questions Vives No 3, pp 99-110

4.      Renaud, L. (2012) Des idées pour une formation en ligne d’une communauté apprenante, dans EducaVox

5.      EPUBsur Wikipédia

6.      Cloutier, A et Raymond, E (2012) Un coup de pied bien placé. Choisissez-vous et agissez !

7.      Cloutier, J. (1975). L’ère d’Émerec ou la communication audio-scripto-visuelle à l’ère du self media

8.      Brown, D, (2010) El Código Da Vinci. (Versión Completa)

9.      Morin, A. (2010) Cheminer ensemble dans la réalité complexe. La recherche-action intégrale et systémique (RAIS) L’Harmattan

 

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Est-ce la mort des salles de classe?

Publié le par Luc Renaud

Distanciel ou présentiel; jeu sérieux, baladodiffusion, réalité augmentée… et inclusion sociale

Le président de la célèbre Université Stanford, John L. Hennessy, prédisait récemment rien de moins que la mort éventuelle des salles de classe (1), faisant en fait l’apologie des TICÉ et de la formation à distance enrichie par les dispositifs de la baladodiffusion.(2) Il se dit convaincu que des étudiants se sentent très bien servis en consultant par eux-mêmes des vidéos en ligne, entre autres par le biais d’un iPhone, sans vraiment de contact avec un professeur ou un assistant de cours. Il reconnaît néanmoins que l’usage du web pose d’importants défis en termes d’accès à des informations de qualité dans la mesure où les auteurs possèdent des compétences de niveau variable. Malgré cela, il perçoit peu l’utilité du cours magistral, croit ferme au rôle éducatif des technologies (3) et prône une plus grande responsabilisation des élèves dans le cadre des situations d’apprentissage.

Cette vision de l’avenir plaît sans aucun doute à de nombreux pédagogues intéressés à l’intégration éducative des TIC et aux technopédagogues (4); mais je me demande dans quelle mesure cet élan d’enthousiasme ne dissimule pas un changement beaucoup plus profond de l’ensemble de la réalité scolaire.

 

17-01-12b

1)      Le mouvement du pendule : du distanciel au présentiel

L’abolition des salles de classe; ou, dit plus pédagogiquement, le développement de la formation à distance gagne certainement ses lettres de noblesse, compte tenu de la popularité grandissante des formations en ligne. Les contenus développés s’apparentent à des cahiers d’exercices électroniques, remplacent dans une large mesure les tâches d’enseignement magistral et font souvent peu appel au travail collaboratif. Si ce type de services répond bien aux besoins d’un étudiant totalement autonome, la FAD se présente aussi sous des modes diversifiés visant à rejoindre des clientèles différentes. Certaines formules ont recours à un encadrement tutoriel relativement intense. (5)

Si le distanciel prend une place de plus en plus grande en formation, force est de constater que le présentiel est loin de lui céder sa place. On pense ici à l’usage du tableau blanc numérique employé en appui à des présentations ou à des explosés en classe ou encore à l’usage de labos nomades composés de tablettes numériques et de ressources en ligne sous forme d’exercices ou de jeux, qui viennent diversifier les modes de transmission des savoirs en institution. Des pans entiers de projets collaboratifs de jumelage de classes exploitent les médias sociaux, aussi en contexte de laboratoire informatique à l’intérieur des établissements d’enseignement. (6)

Entre les formules de formation à distance et la salle de classe, des modules d’apprentissage en autoformation forment aussi des composantes de formule hybride, ayant le mérite de bien soupeser les besoins de démarches individuelles à ceux de rapports sociaux et de développement de relations interpersonnelles dans un contexte de proximité physique. La relation interpersonnelle en éducation est à ce point importante que même l’avenir technologique propose au distanciel l’ajout de murs de téléprésence ou des rencontres à distance par hologrammes. (7) Au présentiel, des malades en convalescence pourront être remplacés en classe par des robots téléguidés à partir du domicile, en attendant de retourner auprès de leurs copains à l’école. (8 et 9)

2)      Des tendances actuelles et réelles

Les TIC transforment le monde de l’éducation par une diversification des modes de transmission ou d’acquisition des savoirs que ce soit en mode distanciel, présentiel ou en formule hybride, (10) et encore par l’enrichissement des outils d’expression personnelle et de projets socioconstructivistes. (11 et 12) Cette diversification des moyens n’est pas neutre; au contraire, elle consacre l’autoformation et la collaboration comme valeurs éducatives essentielles (13) et propose des teintes particulières, suffisamment intéressantes pour l’industrie : le plaisir dans l’apprentissage et le renforcement de l’expérience réelle. Je note, et me réjouis également, d’une tendance vers une école mieux outillée pour desservir les personnes handicapées, malades ou en convalescence.

-          Le jeu sérieux et le plaisir en éducation

À tort ou à raison, les programmes de formation misent beaucoup sur le fonctionnalisme ou l’utilité des contenus sans donner l’impression de trop questionner la notion de plaisir associé à l’apprentissage. Il s’agit là d’une brèche importante qui favorise l’ajout de méthodes axées sur le jeu sérieux. Par exemple, le Site : SpeakyPlanet  (14) comprend des puzzles, des jeux de mémoire et même des jeux d’arcades, etc. sur des thèmes de la vie courante, destinés à l’apprentissage de l’anglais. En dépit de la croissance fulgurante des consoles de jeux sur le marché, nous percevons aussi un relent de nostalgie pour les films interactifs de la fin du vingtième siècle et début des années 2000, comme Les Chevaliers de Baphomet mettant en vedette des personnages colorés comme Georges Stubbart et Nico Colart. M. Patrick Mpondo Dicka (15) semble même croire à une valeur ludique intrinsèque rattachée à des interfaces conçues de manière attrayante et agréable.  

Même si le plaisir d’apprendre transcende le simple usage du jeu électronique, l’intérêt porté à cette technologie nous offre le mérite de questionner nos approches éducatives.

-          Le monde virtuel et la réalité augmentée (RA)

Curieusement, les accessoires de réalité augmentée, RA (16) que l’on voyait avec admiration dans Star Trek ou dans La machine à voyager dans le temps nous semblent quasi ordinaires dans Les Avengers et nous encouragent à attendre dans un avenir rapproché la commercialisation des lunettes RA (17) de Google. En contexte ludoéducatif, des expériences avec la RA (18) ont été menées avec succès pour aider des enfants à comprendre le fonctionnement du cycle de l’eau ou celui du corps humain.

 

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Au congrès TEDx de l’UdeM le 11 mars dernier, M. Luc Courchesne de la Société des arts technologiques (SAT) de Montréal, et récipiendaire de plusieurs prix dans le domaine des arts médiatiques et numériques nous a présenté un étonnant environnement virtuel immersif de RA (19), devant rétablir chez les participants réunis les dimensions du non verbal qui échappent aux autres médias. Un tel univers ouvre la voie à d’innombrables applications pédagogiques.

-          Pédagogie de l’inclusion sociale

L’usage des TIC ne règle pas en soi les problèmes d’intimidation, de taxage, (20) de drogue, de dysthymie (21), de décrochage, etc. vécus par les jeunes à l’école, ou propres à l’adolescence. Toutefois, des projets de vidéoclips du genre Clip ton 514 (22) donnent la parole aux ados, génère de nouvelles formes d’entraide et constituent de puissants organes de sensibilisation publique et d’enseignement stratégique au service d’une école plus inclusive. Sur le plan préventif, la Fondation Lory (23) œuvre dans le développement de la télé éducative visant à cultiver des attitudes positives dès le jeune âge. Je vous en reparlerai.

De grands efforts d’inclusion par le biais de technologies sont aussi destinés aux personnes handicapées ou aux personnes malades. Par exemple, des règles techniques sont de plus en appliquées  en vue d’améliorer l’accès au Web (24) des personnes malvoyantes. D’autres outils, comme une licorne relie au monde des personnes tétraplégiques.  

Des malades établissent des ponts et se font davantage connaître par le biais de blogues ou de communautés… comme la communauté des amis de Coralie. (25) Mais les progrès techniques ne s’arrêtent pas là.

Au TEDx de l’UdeM le 11 mars dernier, des étudiants de la polytechnique présentaient leurs efforts  de développement d’un gant sensoriel (26) qui permettrait l’automatisation d’une transcription écrite simultanée du langage des signes employé par les personnes malentendantes. On envisage éventuellement de jumeler ces transcriptions à des traducteurs électroniques… Le langage des signes deviendrait-il la nouvelle langue universelle? Il ne s’agirait pas de la première révolution provenant des personnes handicapées. (26)

Conclusion

Les salles de classe sont-elles vouées à la mort, comme le croit le président de l’Université Stanford? Il est vrai que la FAD sous ses diverses formes contribue à répondre aux besoins d’une clientèle variée de mieux en mieux définie. Mais les changements imposés au monde de l’éducation sont multiples. En clair, nous disposons d’une batterie de moyens nous permettant de mettre à profit une véritable pédagogie différenciée (28); à la condition de bien repenser à nos modèles éducatifs et de se rappeler que les TIC sont des outils et non une fin en soi.

Reprenant la vision des années 1980 de John Naisbitt, je conclurai en affirmant que nous nous situons actuellement à la croisée des chemins du High Tech High Touch (29), et je souhaite que l’avenir se poursuive sur cette voie.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 9 juin 2012

Références                                                                                                                      

(1)    Éducation: le président de l'Université Stanford prédit la mort des salles de classe

(2)    Vers une intégration éducative efficace de la baladodiffusion

(3)    John L. Hennessy: Risk Taker

(4)    Le triomphe de l’apprentissage expérientiel à l’ère du numérique

(5)    Site du REFAD : http://www.refad.ca/

(6)    Des idées pour une formation en ligne d’une communauté apprenante

(7)    Renaud, L. (2011) Le monde virtuel ou réel de la présence et de la téléprésence

(8)    Vidéo sur un robot téléguidé par un élève en convalescence

(9)    Le réseautage social : un besoin de communiquer en pleine expansion

(10)L’enseignement en ligne : un complément efficace à l’éducation traditionnelle

(11)Situation des TICE et quelques tendances internationales d’évolution

(12)Mémoire sur la situation des TICE et quelques tendances internationales d’évolution

(13)Pédagogie ouverte : autoformation et collaboration

(14)Site : SpeakyPlanet

(15)Le numérique pour les apprenants : une approche centrée sur l'envie et le plaisir ?

(16)La valeur ajoutée de la réalité augmentée (RA) en éducation

(17) Project Glass : les lunettes à réalité augmentée de Google

(18) Réalité augmentée: Découvrir le cycle de l’eau en jouant

(19)Renaud, L. (2012) TEDx-UdeM : l’art de communiquer à la planète

(20)L’éradication de l’intimidation en milieu scolaire

(21)Se former pour aider les ados dysthymiques

(22)Le gala Clip ton 514 démontre que la relève du 7e art se porte bien

(23) Fondation Lory

(24)L’accessibilité du web

(25)Association Les amis de Coralie

(26)Renaud, L. (2012) TEDx de l’UdeM- Pour la communication humaine et le développement technologique

(27)La force de vivre et l’expression de mille talents

(28)La différenciation pédagogique

(29)Du High Tech au High Touch et John Naisbitt

     

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L’école 2.0 et l’humanisation du monde du travail

Publié le par Luc Renaud

educavox Cet article est aussi publié sur EducaVox à l'adresse suivante: http://www.educavox.fr/actualite/debats/article/l-ecole-2-0-et-l-humanisation-du

À plusieurs égards, le milieu scolaire peut être considéré comme une entreprise sociale. Le duo direction / enseignants y assumerait un rôle au niveau des ressources humaines, des communications et du marketing ; tandis que les enseignants se chargeraient aussi de la production des cours et des relations avec la clientèle étudiante. Toutefois, le rapport avec le client est d’une telle intensité que ce dernier fait partie des rouages mêmes de l’entreprise scolaire, contrairement à la structure commerciale habituelle.

Nous pourrions alors affirmer que, comme entreprise sociale, l’école disposerait intrinsèquement des éléments culturels nécessaires à la réussite de l’intégration du web 2.0. Les jeunes apprennent à prendre la parole et à communiquer à l’aide d’une technologie qui marquerait plus tard le monde du travail au fer rouge. En ce sens, la véritable révolution technologique au sein des entreprises ne serait pas de nature technique, mais humaine, et proviendrait des habitudes socioconstructivistes prises à l’école.

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1) Le monde du travail qui s’inspire de l’école

Dans le cadre de la Soirée des grands communicateurs de la Téléuniversité (TÉLUQ) le 28 février dernier, Marie-Josée Gagnon (1 et 2) se disait d’avis que de nombreuses entreprises prennent la voie de l’humanisation en intégrant les outils du Web 2.0, comme Facebook, Twitter ou les blogues. Selon la présidente de CASACOM, il y aurait eu davantage de transformations majeures au cours des quatre dernières années que lors des vingt précédentes. Sur la même tribune universitaire, Monsieur Yanik Deschênes (3), V.-P. chez Sid Lee, affirmait un mois plus tard que les organisations étaient condamnées à faire preuve d’honnêteté et de transparence à l’endroit du public grâce, entre autres, aux médias sociaux.

 

Mais ce processus d’humanisation reposerait sur l’existence au préalable de valeurs fondamentales comme la participation, la démocratisation et le dialogue. Madame Gagnon plaide alors en faveur d’une plus grande qualité d’échange entre l’organisation et sa clientèle, de même qu’à un appui de la direction au personnel qui prend l’initiative de jouer un rôle d’ambassadeur en organisation des activités de communication qui sortent du cadre habituel.

 

À entendre Madame Gagnon et Monsieur Deschênes, nous avons le sentiment que le secteur commercial intègre, délibérément ou non, des valeurs et des pratiques de nature socioconstructiviste existantes à l’école depuis belle lurette ; alors que, paradoxalement, nous sommes plutôt habitués à voir nos établissements scolaires se plier aux règles de l’économie : promotion et valorisation des domaines en demande sur le marché du travail, implication diverse du secteur privé, etc.

 

D’ailleurs, ces changements ne s’arrêtent pas à la mise en place d’un meilleur réseau de communication interne et aux relations avec la clientèle, mais aussi à l’émergence d’organisations apprenantes pour faire face au défi considérable que posent les départs à la retraite et la mondialisation.

 

Est-ce dire que le milieu scolaire actuel peut réellement transformer les règles du jeu du monde du travail de demain ?

 

2) L’expansion de la pédagogie de projet

 

Les propos de Madame Gagnon et de Monsieur Deschênes reflètent peut-être les premiers impacts professionnels des projets socioconstructivistes menés aussi bien dans les activités scolaires régulières que dans le monde parascolaire.

 

Nombre de projets éducatifs intègrent la transmission de connaissances dans une approche qui donne la parole aux jeunes. Il peut s’agir de la rédaction individuelle de récits, de réflexions ou d’opinions, etc., présentée à un public à des fins de révision ; ou encore de la création en équipe d’une œuvre littéraire, d’un rapport de recherche, d’un kiosque scientifique, d’un parcours de formation, etc. D’autres encore impliquent l’ensemble d’un groupe ou préconisent un jumelage de classes propice à l’élaboration d’histoires croisées. (4)

 

Non seulement les élèves y acquièrent-ils des connaissances disciplinaires de manière active et signifiante, mais ils se familiarisent avec une banque phénoménale de moyens de communication aussi bien en présentiel qu’en distanciel.

 

Voici une brève illustration de divers types de prises de parole et de technologies associées :

  • Production de documents en appui à des présentations ou d’échange avec Overblog, Prezi ;
  • Création collective avec Madmagz,Comic Life, La ligne du temps , Wikipedia, Wordthread, ;
  • Formation de parcours d’autoformation avec My Icourse, Belearner, éditeurs de tests comme Hotpotatoes ou Netquiz ;
  • Communautés et communication avec Beebac, Ning et Facebook, Skype ou Twitter ;
  • Etc.

Des élèves s’impliquent dans des activités parascolaires et extrascolaires des plus instructives, comme le démontre l’exemple du projet cinématographique Clip ton 514 (5 et 6), qui s’est tenu à Montréal récemment. Des groupes de jeunes de la région montréalaise provenant d’écoles secondaires, de Maisons des Jeunes et de YMCA ont créé des vidéoclips exprimant leur vision de la vie et de la diversité culturelle dans le cadre d’un concours artistique. L’ensemble des oeuvres a été diffusé sur le site Clip to 514 afin de favoriser les échanges entre les participants et permettre au grand public de décerner l’un des prix offerts lors du gala annuel. De l’avis des organisateurs interrogés, l’expérience a permis aux jeunes d’exprimer leurs talents, de mieux se faire connaître de la population et d’acquérir des compétences en techniques cinématographiques.

 

Conclusion

 

En donnant libre cours à leur pensée à l’intérieur de projets éducatifs socioconstructivistes signifiants, il y a fort à parier que les élèves développent des qualités personnelles et sociales d’une nature qui nous échappe encore. Toutefois, les discours de spécialistes en communication et médias sociaux comme Marie-Josée Gagnon et Yanick Deschênes nous permettent de croire que certains réussissent à imposer au monde du travail des valeurs sociales et humaines par leur usage du Web 2.0. Il se passe tout de même de belles choses dans nos écoles ; soyons-en fiers.

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation

 

Référence

(1) Conférence de Marie-Josée Gagnon (le web 2.0 et les affaires) : http://conf.teluq.ca/p271ovhxuen/?launcher=false&fcsContent=true&pbMode=normal

(2) Renaud, L. (2012). Conférence de Marie-Josée Gagnon : Le Web 2.0 au service de l’entreprise sociale , dans Le blogue de Luc R, le 3 mars

(3) Conférence de Yanick Deschênes, V.-P. chez Sid Lee (avenir de l’entreprise des communications au Québec) : http://conf.teluq.ca/p5n40nmf3n8/

(4) Renaud, L. (2012) Un projet de webzine en langues avec Facebook, ÉducaVox, le 16 avril

(5) Renaud, L. (2012) Le gala Clip ton 514 démontre que la relève du 7e art se porte bien, dans Le blogue de Luc R

(6) Site Web de Clip ton 514

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Partage d’expériences et de parcours d’apprentissage numériques

Publié le par Luc Renaud

educavox 

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Un accompagnement scolaire pour apprendre à apprendre

 

Pris entre l’arbre et l’écorce, nous voulons nous défaire d’un modèle scolaire qui enferme des étudiants dans un édifice, alors que toutes les activités humaines recèlent de profondes sources d’apprentissage et que les outils numériques constituent de puissants moyens d’accès aux savoirs. Les taux de décrochage scolaire relativement élevé et la non-poursuite d’études postsecondaires refléteraient souvent davantage une préférence envers les ressources éducatives de l’école de la vie [1] qu’une pause temporaire ou définitive dans une démarche d’apprentissage.

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Dans ce contexte, une vieille question demeure d’actualité. Au lieu de faire marcher les élèves ou les étudiants au pas de méthodes scolaires homogènes ne vaudrait-il pas mieux les accompagner dans leur découverte des stratégies de l’autonomie, et les amener à valoriser des savoirs disciplinaires et méthodologiques vus comme un tout indissociable dans une perspective d’autoformation permanente ? Et pour convaincre des autorités scolaires, des parents, des éducateurs ou une partie de la population, prêchant souvent le retour aux sources, le concept doit engendrer des expériences concrètes et fructueuses.

 

1. Communautés de pratique et apprenante en parallèle

C’est ainsi que l’idée d’un projet de recherche intégrale et systémique (RAIS) [2] visant le développement d’une démarche d’accompagnement pédagogique axée sur l’autoformation et la collaboration me semble nécessaire [3]. Pour établir une base de communication plus égalitaire avec les étudiants, des enseignants, des tuteurs et des animateurs formeraient une communauté de pratique d’un style singulier dans une perspective de formation continue.

 

Des étudiants seraient au même moment invités à établir une communauté apprenante, et les deux groupes appelés à communiquer entre eux. Ainsi s’établirait entre les enseignants et les étudiants un rapport de type apprenant-apprenant, les deux groupes se distinguant essentiellement en termes de niveau d’expérience et de connaissances disciplinaires.

 

Voici quelques exemples de thématiques qui pourraient être considérées du côté des enseignants-apprenants :

 

 

  • Les passions des élèves et le plaisir d’apprendre ;
  • Les résistances du milieu scolaire à un usage ouvert du numérique (parfois même des résistances face au numérique tout court) ;
  • La communauté de pratique comme exemple de groupe de réflexion métacognitive ;
  • La veille technopédagogique : concepts, stratégies, outils ;
  • La scénarisation pédagogique impliquant les TIC
  • La création d’une banque de ressources technoéducatives ;
  • Etc.

Du côté des étudiants, les contenus abordés proviendraient des disciplines officielles, en lien avec les spécialités des membres de la communauté de pratique, mais largement inspirés de questionnements personnels.

 

2. L’accompagnement dialogal : Ne faites pas ce que je dis, mais faites ce que je fais.

Les membres des deux communautés pourraient alors échanger tant sur la dimension méthodologique de l’expérience que sur les contenus disciplinaires. Ainsi enseignants, tuteurs, moniteurs, etc., et étudiants élaboreraient conjointement un discours expérientiel sur l’art d’apprendre… à apprendre : faire un inventaire des besoins et des contenus à étudier, se définir des objectifs, prendre les moyens appropriés pour une étude efficace, se doter de grilles d’autoévaluation...

 

La pertinence des contenus choisis et étudiés par les étudiants ferait l’objet de validation de la part des personnes disposant d’une plus grande expérience du domaine, soit les professeurs.

 

Une grande part de l’apprentissage s’exercerait par le biais de collaborations à l’intérieur de la communauté apprenante à qui il reviendrait même de concevoir et de répertorier du matériel éducatif relié aux thèmes abordés, d’explorer cette documentation, de créer des exercices et de disposer le tout dans un parcours d’apprentissage numérique.

 

  • La création de parcours d’apprentissage numérique

Belearner, par exemple, est un outil en ligne à mi chemin entre le cumul dispersé d’objets d’apprentissage et les plateformes de formation en ligne. Le produit permet de définir des unités éducatives et d’y intégrer de façon séquentielle des médias comme des images, du texte, des vidéos et du son. Des éditeurs de tests permettent même de concevoir des questionnaires de compréhension à partir des documents choisis, en ciblant par exemple des aspects spécifiques des vidéos.

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Les parcours d’apprentissage ainsi créés peuvent servir à des fins d’enseignement ; mais aussi à des projets d’apprentissage autodidacte, ce qui correspond davantage au besoin exprimé dans le présent article. L’usage des parcours peut être réservé à un seul usager, à des groupes précis ou ouvert à l’ensemble de la communauté du système, dans un contexte de mutualisation des compétences, selon les auteurs du produit. [4]

 

Notez que j’ai présenté Belearner à titre illustratif, et non à des fins promotionnelles. My Icourse [5] est un autre produit en ligne offrant des options qui répondent assez bien à notre besoin.

 

  • Un effet boule de neige pour une société apprenante

Trois composantes importantes de ce projet d’accompagnement pédagogique constitueraient des centres d’attraction majeurs : le dialogue et le partage d’expériences communautaires ; la maîtrise de contenus disciplinaires par le biais de l’autoformation et de la collaboration, et la production de parcours d’apprentissage que l’on ouvrirait éventuellement à l’ensemble de la population.

 

En effet, il y a fort à parier que les participants au projet seraient appelés à jouer un rôle d’agent multiplicateur auprès de leur entourage et à contribuer graduellement à la transformation de l’école, à l’établissement d’un mode de communication interinstitutionnelle et à un effacement graduel des murs des institutions au profit d’une meilleure exploitation éducative des ressources de l’école de la vie.

 

Conclusion

 

Cet article a proposé une méthode de rapprochement entre des enseignants, vus ici comme des personnes d’expérience ; et des étudiants aussi considérés comme des personnes d’expérience. Par le biais de communautés apprenantes, j’ai décrit brièvement une démarche d’accompagnement visant à aider des étudiants à acquérir des stratégies d’autoformation utiles pour exploiter l’abondance des sources d’apprentissage formel et informel présentes à l’école, en présence de la famille et des amis, au travail, dans les loisirs, etc. La réalisation de ce projet d’accompagnement pédagogique impliquerait la création par les étudiants de parcours d’apprentissage à l’aide des TIC. C’est par des gens qui conservent leur plaisir d’apprendre et qui posent des gestes en conséquence que le rêve de société apprenante devient réalité.

 

Texte : Luc Renaud M.A. Sciences de l’éducation

 

Références

 

[1] Renaud, L. (2012) Le Web 2.0 au service de la société apprenante

[2] Renaud, L. (2012) La recherche-action intégrale systémique (RAIS) au service de la personne et de la communauté humaine

[3] Renaud, L. (2012) Pédagogie ouverte : autoformation et collaboration

 

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La nécessaire leçon 0 et les TIC en langues secondes (L2)

Publié le par Luc Renaud

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Un système éducatif à ouverture graduelle

 

Face à une classe d’adultes en langues secondes (L2) ayant, pour certains, l’habitude des formations de type centré sur les contenus, l’implantation d’une approche éducative socioconstructiviste avec les TIC peut se heurter à des résistances individuelles de nature philosophique, expérientielle et même organisationnelle. Ajoutons à cela une conception de l’apprentissage des langues reniant la valeur de la culture et de la communication et nous voilà en plein dialogue de sourds.

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Pour arriver à implanter d’une manière harmonieuse une méthode TIC ouverte, il nous faudra vraisemblablement faire preuve d’un recul stratégique, en mettant en place une structure plutôt fermée au départ, mais que l’on prendra soin d’ouvrir graduellement. La stratégie que je propose prend deux orientations : 1) permettre à chacun de bonifier son style d’apprentissage en tenant compte des exigences rattachées aux habiletés langagières en L2, et 2) assurer une mise à niveau des compétences linguistiques des étudiants et de leurs compétences en technoapprentissage. Ce processus débutera dès les premières heures de cours.

 

1- La bonification du style d’apprentissage de chacun

Les styles d’apprentissage se définissent comme des manières ou des préférences naturelles et individuelles d’apprendre. Plusieurs typologies ont vu le jour au fil des dernières décennies ; parmi lesquelles nous retrouvons, par exemple, les 4 styles de Kolb : accommodateur, divergent, assimilateur ou divergent (1). De leur côté, B. A. Soloman et de R. M. Felder (2) ont élaboré une grille de 8 styles placés en opposition : les actifs vs les réflexifs, les sensoriels vs les intuitifs, les visuels vs les verbaux ou encore les séquentiels vs les globaux.

 

D’autres typologies sont inventoriées et le sujet soulève de nombreuses questions (3, 4 et 5). Peu importe ; il n’en demeure pas moins que la fixation personnelle sur une manière d’apprendre pourrait théoriquement limiter le pouvoir d’apprendre une L2, compte tenu des particularités propres aux habiletés langagières et à la compréhension des règles linguistiques. Par exemple, un étudiant de style verbal aurait plus de facilité en production ou en interaction orale, alors que son camarade de style visuel ou réflexif comprendrait mieux les schémas explicatifs qui abondent dans les méthodes en autoformation. Comme la maîtrise d’une langue constitue un tout complexe, il y a alors intérêt pour un étudiant de se plier à un exercice de bonification de son style d’apprentissage.

 

Pour ce faire, je considère que la pédagogie par projet (6) de nature socioconstructiviste peut théoriquement répondre à ce besoin. L’approche offre à chacun la possibilité d’exercer ses forces et de se laisser influencer positivement au contact de manières de faire différentes des siennes. Encore faut-il pour cela être en mesure de communiquer minimalement en L2 avec ses pairs et comprendre les avantages de la pédagogie ouverte.

Par conséquent, je propose un déploiement graduel d’une pédagogie de projet qui prend la forme d’un système plutôt fermé au départ, mais qui fera preuve d’une constante ouverture menant à l’autonomie totale de l’étudiant.

2- La leçon 0 et la mise à niveau

Trois grandes formules éducatives forment la structure initiale du cours : la présentation, les exercices d’entraînement et la réalisation de projets. Les premières heures d’une formation respectera cet ordre pour faciliter l’acquisition des connaissances suivantes : identité des étudiants, mots de vocabulaire courant et quelques verbes et expressions utiles. Si les deux premières formules forment un duo plutôt traditionnel, c’est surtout la troisième qui prendra de l’expansion au fil des semaines, et qui puisera beaucoup dans les savoirs expérientiels des participants en les amenant aussi à exploiter des ressources extérieures à la classe.

a) La présentation des notions de base

La présentation des notions de base peut se faire à l’aide de projection d’images, de vidéos et de sons pris dans le Web selon les règles de l’approche communicative. Le tableau blanc numérique et même un dispositif de réalité augmentée (7 et 8) peuvent aussi être mis à profit. La présentation des personnages d’un jeu en ligne (House, M.D.) ou d’un logiciel L2 introduirait bien des notions comme les présentatifs et le vocabulaire de base décrivant la situation d’une personne.

b) Les exercices d’entraînement

En classe, les étudiants sont amenés à interroger leurs pairs à partir des notions apprises à l’étape précédente.

 

En laboratoire de langue, à la maison, à la bibliothèque, etc., ils pratiqueront ces données à l’aide d’exercices disponibles dans des logiciels ou dans une banque d’exercices en ligne, comme Bonjour de France. Un synthétiseur vocal les aidera à atteindre de meilleures performances en compréhension orale de mots de vocabulaire. Des exercices de phonétique pourront se compléter par l’enregistrement d’énoncés à l’aide d’un enregistreur numérique.

 

Un retour en classe permettra de vivre diverses expériences de théâtralisation ou de production libre, conformément à l’approche communicative habituelle.

Jusque-là rien de bien différent. Mais…

c) Les projets

… Il importe dès le début du cours d’initier les étudiants à la pédagogie par projet. Pour ce faire, voici quelques exemples possibles reliés aux compétences linguistiques, thématiques et socioculturels à réaliser pendant les dix premières heures de la formation, approximativement.

 

- Projets de type linguistique

  • À l’oral, les meilleurs exercices écrits et sonores réalisés à l’entraînement peuvent constituer une banque d’énoncés partagée aux autres étudiants par le biais d’un site Internet, offrant ainsi les premiers contenus en L2 d’une communauté apprenante naissante. Avec des débutants, il s’agit ici d’un répertoire de phrases simples ou de courts dialogues à rendre disponible dans un site Web ; j’y vois là les prémisses de projets collaboratifs beaucoup plus élaborés ;
  • dans ce même esprit d’entraide et de réalisation d’une œuvre collective, des étudiants peuvent construire une fiche de grammaire ou des planches de vocabulaire et d’exercices interactifs avec un éditeur de quiz comme Hotpotatoes ou Netquiz ;
  • un recueil de présentations de soi et de phrases courtes tirées d’échanges sur un microblogue comme Twitter (9) est aussi envisageable à ce niveau ;
  • etc.

Mais l’apprentissage d’une L2 déborde largement le domaine linguistique.

 

- Projets de type thématique ou socioculturel

  • Sur le plan thématique ou socioculturel, un album photo commenté pourrait aussi faire l’objet d’un miniprojet TIC d’un groupe de débutants en L2 à l’aide de Flickr ou de Facebook, ou même de PowerPoint à défaut d’accès à des ressources en ligne. Chacun y inscrit des informations de base sur un pair : l’identité de celui-ci, son pays d’origine, sa profession, etc., bref des contenus abordés au cours des premières heures de la formation. Si des étudiants refusent d’être pris en photo, celles-ci pourraient être remplacées par un avatar ;
  • dans le même esprit, une photo de famille, fictive ou réelle, avec VoiceThread comprendrait des commentaires écrits ou oraux. Comme cela a été fait dans un cours d’espagnol, ce projet peut s’inscrire dans un contexte de jumelage de classe ;
  • un autre projet consisterait à concevoir une carte géographique électronique intelligente des pays d’origine des étudiants à partir d’une option d’association images et mots d’un éditeur d’exercices comme NetQuiz ;
  • des élèves plus autonomes pourraient concevoir leur arbre généalogique à l’aide du logiciel en ligne La ligne du temps.

Graduellement, le pôle d’attention bifurquerait du côté de ces projets, des capsules de présentation et des exercices d’entraînement devenant des outils à leur service. Le succès d’une telle évolution systémique nécessite des périodes de réflexion métacognitive et d’échanges entre les acteurs impliqués dans le cours.

3- La réflexion sur la pratique et la collaboration

Il est relativement courant de demander aux étudiants de passer un test visant l’identification de leur style d’apprentissage avant d’entreprendre une formation en ligne ; ce qui permet, entre autres, d’identifier avec plus de précision le mode de formation qui leur convient : les travaux asynchrones, les exercices en autoformation ou les dialogues en synchrone par le biais d’un outil de Webconférence (VIA, Adobe Connect Pro) ou de chat (Skype, MSN). Dans certains cas, le test donnerait aux candidats de bons indices quant au réalisme de leur réussite scolaire , compte tenu des difficultés inhérentes à ce type de formation.

 

Ce qui est vrai pour le distanciel devrait l’être aussi pour le présentiel. En fait, la bonification d’un style d’apprentissage devrait débuter dès les premières séances de cours pour répondre aux impératifs de l’ensemble des habiletés langagières et des connaissances linguistiques à maîtriser en L2. Dans le cas d’étudiants de niveau débutant, cet exercice de réflexion portera plutôt sur leur vécu dans divers miniprojets, une fois qu’ils auront acquis la capacité de s’exprimer minimalement, vers la dixième ou la vingtième heure de formation.

 

Question de poursuivre la mise en place d’un contexte d’apprentissage hybride, les étudiants pourraient devoir répondre à un questionnaire élaboré à l’aide d’un outil de sondage en ligne comme Survey Monkey et être amenés à commenter leurs choix, une fois en classe.

 

Conclusion

 

Croyant à la pertinence de l’apprentissage expérientiel (10) et aux liens étroits entre la langue et la communication, j’ai tout de même proposé dans cet article une structure de cours accordant la place initiale à des formules éducatives comme la présentation et les exercices d’entraînement. Pourtant, je sais que les bases de communication nécessaires à la réussite de projets peuvent très bien s’acquérir en autoformation par le biais, entre autres, d’exercices et de formation en ligne, contrairement à l’approche présentée ici. Il faudra voir mon geste comme une forme de repli stratégique destiné aux formations en classe.

 

J’ai surtout voulu faire preuve de sens pratique en vue d’assurer le déploiement d’un système éducatif appelé à s’ouvrir graduellement mais sûrement, en tenant compte des heurts que peut occasionner une pédagogie ouverte à contresens des habitudes scolaires d’une clientèle adulte et des règles de fonctionnement de certains établissements d’enseignement. Pour ce faire, j’ai insisté sur la nécessité d’initier les étudiants à la réalisation de projets dès les premières heures de leur formation, et à l’échafaudage des bases d’une communauté apprenante. De plus, je prévois attentivement des moments de réflexion métacognitive visant, entre autres, la bonification de styles d’apprentissage.

 

Si cette réflexion concerne les débutants, je m’attaquerai aux niveaux subséquents dans d’autres articles, sous l’angle d’un système déjà plus ouvert. Qu’il me suffise pour le moment de référer le lecteur aux textes déjà publiés dans ÉducaVox et dans mon blogue (Le blogue de Luc R) s’il souhaite un aperçu de projets destinés à des étudiants des niveaux intermédiaire et avancé (12).

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 24 mai 2012

(1) Collège Frontière (2012), Les styles d’apprentissage

(2) C@D Bloc 1 - Mieux se connaître comme apprenant, En route vers la réussite !Passeport pour l’avenir…

(3) Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF), Les styles d’apprentissage

(4) Chevrier, J.(2000),Université du Québec à Hull, Québec, Canada Problématique de la nature du style d’apprentissage

(5) Portail de ressources éducatives, psychosociales et d’exercices scolaires, Styles d’apprentissage

(6) Dugal, M. (2008) La pédagogie de projet (Notes de cours)

(7) Renaud, L. (2012) La valeur ajoutée de la réalité augmentée (RA) en éducation

(8) Renaud, L. (2012), TIC, Web 2.0 et réalité augmentée dans un scénario d’apprentissage, dans EducaVox, le 8 avril

(9) Renaud, L. (2012), Pour une application pédagogique réussie de Twitter, dans ÉducaVox, le 23 mars

(10) Renaud, L. (2012) Le Web 2.0 au service de la société apprenante

(11) Ressources informatiques mentionnées dans cet article :

·         Tableau blanc numérique, enregistreur numérique, synthétiseur vocal, PowerPoint, Twitter, Facebook, Skype MSN, Twitter

·         Dispositif de réalité augmentée, House, M.D. (Le jeu) Bonjour de France Hotpotatoes, Netquiz, Flickr La ligne du temps VIA Adobe Connect Pro Survey Monkey VoiceThread

(12) Exemples d’activitésou de projets destinés à des étudiants des niveaux intermédiaires et avancés en L2. (Articles de Luc Renaud)

·         Le jeu d’aventure électronique de type grand public en langues secondes

·         Se donner le mot dans un loft hanté en langues secondes

·         Un projet de webzine en langues avec Facebook

·         Des idées pour une formation en ligne d’une communauté apprenante

Etc.

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