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education

Pour un regard moderne sur l’autoformation en langues secondes

Publié le par Luc Renaud

 

educavox Cet article est aussi publié sur EducaVox.fr à l'adresse suivante: http://www.educavox.fr/Pour-un-regard-moderne-sur-l

La virtualité au service de l’authenticité des situations d'apprentissage et de l’immersion en autoformation

Les TIC ont modernisé l’apprentissage des langues secondes en offrant une batterie de moyens efficaces à l’école et aux étudiants autodidactes. Je me propose ici de vous montrer de quelle manière les innovations facilitent l’application pédagogique de quelques principes d’apprentissage de base, soit: l’authenticité des situations d’apprentissage et l’immersion; et l’autoformation, incluant l’autodidaxie et la communication. Un bref recul historique nous permettra de constater l’ampleur du changement.

1-      Perspective historique

Au cours des années précédant le nouveau millénaire, l’apprentissage d’une langue seconde se faisait principalement par le biais de cours, de méthodes audiovisuelles, de stages d’immersion ou d’autres formes de plongées dans la vraie vie. Je me rappelle, entre autres, avoir personnellement entretenu une correspondance avec plus d’une centaine d’amis répartis principalement en Amérique latine et en Europe afin de me créer un contexte signifiant pour apprendre l’espagnol et des rudiments de l’allemand et, surtout, attribuer une finalité à mon acte de correspondance : apprendre une langue pour communiquer.

L’authenticité dans une situation d’apprentissage constituait pour moi une source de motivation fondamentale.

Pourtant, la gestion de cette activité d’échange nécessitait un budget relativement élevé pour l’achat de fourniture variée : méthode de langue, papier, enveloppes, timbre-poste, cartes postales et album photo. Bien entendu, la correspondance demeurait un mode de communication asynchrone, avec d’importants délais, et reposait exclusivement sur l’écrit, ce qui réservait l’activité aux seules personnes voyantes. Il était peu probable que mes correspondants se connaissent entre eux, limitant ainsi l’échange à une dimension bidirectionnelle.

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2 -      La révolution numérique et l’apprentissage des langues 

D’un coup, l’ère numérique fait exploser ce système, qui s’ouvre et s’enrichit grâce à la mise en œuvre d’une multitude de cours de langues ou de banques d’exercices en ligne, des logiciels sociaux comme Facebook, ou Skype et, bien entendu, l’avènement de l’appareil-photo numérique qui permet de diversifier les modes de communication. Ce progrès contribue à mieux opérationnaliser les principes d’apprentissage mentionnés, soit: l’authenticité des situations d’apprentissage et l’immersion; et l’autoformation, incluant l’autodidaxie et la communication.

2.1   L’authenticité des situations d’apprentissage et l’immersion

Paradoxalement, le règne du monde virtuel se traduit par le renforcement et la diversification des situations d’apprentissage authentiques. Internet redéfinit le rôle des laboratoires de langues plongeant les étudiants dans des univers culturels réels (REAL, 2011). En 2004, Magali Lemeunier-Quéré élaborait une typologie en six e-documents authentiques provenant du Web: 1) purement authentique ou moment de vie courante, 2) d'origine médiatique, 3)  interpersonnel simultané, 4)  interpersonnel différé, 5) personnel voire intime mais ouvert et différé et 6) vécu par simulation globale.

Les modes de transmission de ces e-documents sont : les vidéos en ligne ou sous forme de podcasts, les clavardages, les forums, les blogues et les mondes d’immersion ou de réalité virtuelle. Au cours des dernières années, la réalité augmentée (Mathias Ervyn, 2011) formule de nouvelles promesses au monde de l’éducation, offrant éventuellement la possibilité de quérir des informations culturelles sur un lieu visité en y pointant un simple téléphone…

Cette diversification de moyens couvre l’ensemble des besoins en matière d’habiletés langagières. Aux efforts de compréhensions et de productions écrites de la correspondance traditionnelle, l’étudiant bénéficie d’outils performants pour l’acquisition de compétences en interactions écrites, et surtout en interaction orale. Bref, la table est mise pour quiconque souhaite se créer un milieu d’apprentissage immersif.

Si les TIC libèrent l’étudiant de contraintes d’espace et de temps, elles jouent aussi un rôle essentiel à l’inclusion des personnes handicapées. Les personnes malvoyantes disposent de logiciels de lecture d’écran, comme Jaws, qui leur donnent accès aux textes du Web en .PDF ou en .HTML, moyennant le respect de règles d’accessibilité de la part des créateurs des sites, alors que les personnes tétraplégiques disposent d’une licorne leur donnant droit aux mêmes ressources éducatives qu’à tous. Une banque de livres audio s’enrichit de jour en jour et se consulte aussi bien à l’ordinateur qu’en baladodiffusion (Renaud, L. 2012). Ainsi, une simple attente dans une file se transforme en activité d’apprentissage.

2.1   L’autoformation, incluant l’autodidaxie et la communication

La création d’un milieu immersif virtuel efficace nécessite des stratégies d’autoformation et des dispositifs éducatifs qui tiennent aussi compte des besoins individuels que sociaux de la personne. Il est bien entendu possible de se procurer des logiciels éducatifs dédiés à l’apprentissage d’une langue étrangère et de rassembler une multitude d’outils d’aide comme des dictionnaires et des conjugueurs en ligne dans le cadre d’un apprentissage purement autodidacte. Des stratégies comme la recherche d’informations et l’accomplissement d’exercices sont alors mises à contribution.

Ce modèle d’apprentissage correspond à dupliquer les tâches souvent accomplies dans un laboratoire de langues ou pendant la période des devoirs à la maison et risque d’en décourager plus d’un. À mon avis, il lui manque la valeur de l’authenticité et de l’immersion présentée précédemment; le sens de l’apprentissage d’une langue, soit le plaisir de communiquer et d’œuvrer sur des projets en collaboration.

En plus des logiciels sociaux de type grand public comme Facebook, Twitter ou les blogues; trois types d’environnement collaboratif répondent à ce besoin : 1) les logiciels de jumelage linguistique, 2) les communautés d’apprentissage et 3) les environnements de soutien à l’apprentissage; en voici quelques exemples : 

 

  1. Les logiciels de jumelage linguistique. Certains comme MyExchangeLanguage.com offrent la possibilité de trouver un correspondant; d’autres comme Polyglotclub.com iront jusqu’à procéder à l’organisation de soirées de rencontres réelles dans un bar de Paris sur une base hebdomadaire; Lexxing.com offre les mêmes outils que Facebook, mais s’adresse spécifiquement aux personnes intéressées par l’apprentissage d’une langue seconde;
  2. Les communautés d’apprentissage. Des logiciels de communication sont conçus de telle façon que des étudiants assument le rôle de professeur en y déposant du matériel pédagogique de leur cru, qui servira à d’autres. C’est le cas notamment de Livemocha.com; d’un fonctionnement différent, 12speak.com s’apparente davantage à une formation en ligne offrant des exercices et des jeux et l’encadrement pédagogique d’un tuteur;
  3. Les environnements de soutien à l’apprentissage. Beebac.com est une communauté qui vise à accompagner des élèves tout au long de leur vie scolaire dès l’âge du secondaire. Des enseignants peuvent y déposer du contenu de cours, les élèves des travaux, des références, des conseils, etc. Les parents et tout professionnel de l’éducation peuvent y apporter du soutien par la création de groupes de travail.

 Conclusion

Je crois que le succès dans l’apprentissage d’une langue seconde repose sur de bonnes stratégies d’apprentissage découlant de l’autoformation et de la collaboration. Le progrès technologique nous donne les moyens de réaliser ces ambitions. Mais toutes les ressources du Web ne me paraissent pas forcément des plus heureuses sur le plan pédagogique.

 

Par exemple, Duolingo.com (Renaud, L. 2012) est un environnement d’apprentissage de langues secondes visant la traduction du Web par des étudiants en langues. Sur le plan didactique, la méthode s’inscrit carrément à contre-courant des approches communicatives et par compétences  (Beacco, J., 2007)  largement répandues aussi bien dans la formation en classe qu’à distance, en plus de couvrir uniquement et partiellement l’habileté de compréhension écrite. Je suggère à cette équipe la formation d’une alliance tripartite avec des enseignants et des informaticiens qui, dans l’esprit de l’Open Source, pourraient transformer le Web en formations complexes incluant des périodes de jumelage linguistique. En échange de ce solide encadrement pédagogique gratuit, les étudiants se verraient par contrat moral dans l’obligation de procéder à divers exercices de traduction de pages Web.

 

Ainsi inscririons-nous l’apprentissage des langues non seulement dans une perspective de communication, mais aussi dans la création d’un projet socioconstructiviste planétaire. Je me sens bien loin de mes lettres à la poste.

 

Texte: Luc Renaud, M.A. Sciences de l'éducation, le 30 mars 2012

 

Référence

 

Logiciels et livres audio :

 

 

 

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De l’apprentissage d’une langue à la traduction du Web

Publié le par Luc Renaud

Monsieur Luis Von Ahn caresse le rêve de rendre le Web accessible à l’ensemble de l’humanité en le traduisant dans la majorité des langues existantes. Or, la traduction du site Wikipedia en espagnol coûterait 15 millions de dollars selon lui, si confiée aux services d’interprètes professionnels, ce qui est hors de prix; alors que les traducteurs automatisés actuellement utilisés offrent des performances souvent désolantes. Cette tâche colossale de traduction du Web n’est donc réalisable que par les internautes eux-mêmes. 100 000 usagers la réaliseraient en 5 semaines, un délai réduit à seulement 80 heures si le nombre de contributeurs devait s’élever à 1 million.

Pour convaincre autant de personnes à prendre part au projet, Monsieur Von Ahn vise le 1 200 000 000 d'étudiants actuellement impliqués dans l’apprentissage d’une langue seconde (Luis Von Ahn, 2011). L’idée semble intéressante, mais nous éprouvons de sérieux doutes quant à son efficience sur le plan de pédagogique.

 

 


 

L’apprentissage d’une langue par une méthode de traduction

Plus de 5 millions d’Américains dépenseraient jusqu’à 500$ pour l’achat de logiciels de langues, tandis que d’autres prennent des cours privés plutôt dispendieux. Le site Web Duolingo.com, actuellement encore en version Bêta offre une méthode d’apprentissage gratuite. Les contenus du Web y sont découpés en segments selon les divers niveaux d’apprentissage d’une langue. Des phrases simples et courtes servent de matériel à des élèves de niveau débutant, tandis que des phrases plus complexes sont présentées à des élèves de niveau intermédiaire.

Monsieur Von Ahn estime que les élèves réussissent de bons apprentissages en suivant les principes du Learning By Doing à partir d’extraits de documents authentiques. Les contenus sont présentés aux étudiants dans la langue cible et doivent être traduits dans la langue maternelle des participants. Divers outils d’aide à la traduction proposent des mots; montre des exemples produits par les membres de la communauté d'apprentissage et génère même de la révision de vocabulaire.

En échange, un ingénieux système de compilation de phrases venant de plusieurs étudiants permet d’offrir une traduction de pages Web de qualité comparable à celles réalisées par des traducteurs professionnels.

Les limites pédagogiques de la méthode proposée

Tel que décrit, le système d’échange Apprentissage d’une langueTraduction du Web comprendrait de nombreuses limites sur le plan pédagogique. Il semblerait mettre de côté le volet entier de la compréhension, de l’expression et de l’interaction orale, considérées comme le pilier même de l’acquisition d’une langue seconde, selon les approches communicative ou par compétences actuellement privilégiées dans la majorité des situations éducatives.

Nous ignorons également de quelle manière l’étudiant investi dans une telle approche peut être amené à maîtriser les points de langues comme les règles de grammaire, les temps de verbes et autres particularités, sans être exposé à la moindre explication.

Plus grave encore, l’approche proposée met de l’avant la primauté de la traduction comme méthode d’apprentissage; et ce dans la langue maternelle de l’étudiant de surcroît. Il s’agit-là d’une vision à contre-sens des études menées en psycholinguistique qui, au contraire, préconisent d’exposer les étudiants à la langue cible en exigeant d'eux des efforts de compréhension globale et le développement de stratégies métacognitives.

Monsieur Von Ahn mentionne l’usage de documents authentiques comme une source de motivation importante et l’un des avantages de Duolingo, un point de vue qui oublie que les méthodes de langues actuelles insistent déjà sur l’importance des situations authentiques pour donner du sens aux cours.

Nous voudrions voir des preuves que des étudiants passent d’un niveau 0 à un niveau avancé en langue cible avec Duolingo et en connaître les mécanismes d'évaluation des apprentissages. Nous avons plutôt l'impression que les expériences menées ont rejoint une clientèle hétéroclite, anxieuse surtout d’enrichir son répertoire de mots de vocabulaire, de renforcer des notions déjà acquises dans des cours de langues ou juste intéressée à essayer un nouveau produit Web.

Le concept d’Open Source et la traduction du Web

Si nous ne croyons pas à l’efficience de la méthode Duolingo pour l’apprentissage des langues, il faudra à notre avis trouver d’autres sources de motivation pour convaincre 1 milliard 200 millions d’étudiants à se lancer dans la traduction du Web.

Nous proposons alors une forme d’entente tripartite.

Il y aurait d’une part l’équipe de Monsieur Von Ahn, partageant le rêve de faire traduire le Web par des étudiants; d’autre part, des enseignants et des informaticiens qui convertiraient peu à peu les contenus du Web dans un ensemble de logiciels éducatifs en ligne offerts suivant la gratuité de l’Open Source; et, finalement, des étudiants qui vivraient des échanges réels dans une formule de jumelage linguistique.

En échange de ce solide encadrement pédagogique gratuit, les étudiants se verraient par contrat moral dans l’obligation de procéder à divers exercices de traduction de pages Web.

Conclusion

Tous les chemins mènent à Rome. Il y a toutefois des routes plus rapides que d’autres; et nous avons de sérieux doutes quant à l’approche pédagogique proposée par Monsieur Luis Von Ahn en matière de didactique des langues. Par contre, nous saluons son désir de rendre le Web et l’apprentissage des langues accessibles à tous dans l’esprit de gratuité qui anime les adeptes de la démocratisation des savoirs par le biais d'Internet.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 28 mars 2012

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Le microblogue éducatif sous le microscope

Publié le par Luc Renaud

educavox Cet article est aussi diffusé sur EducaVox à l'adresse suivante: http://www.educavox.fr/Pour-une-application-pedagogique

Pour une application pédagogique réussie de Twitter

À la lecture du rapport de S. Parent et de M. Deschênes (2012), Les applications pédagogiques de Twitter et de Wikis, Blogues et Web 2.0. Opportunités et impact pour la formation à distance de Lucie Audet (2010), j’ai compris que Twitter pouvait servir à l’apprentissage de l’argumentation et du débat, et aussi à des fins de créations collectives de contes ou de romans dans une approche éducative issue de la collaboration. Il est aussi possible d’y jumeler une multitude d’options, entre autres pour la réalisation de sondages.

La littérature a aussi mis en lumière des expériences menées par une poignée d’enseignants, passionnés par les innovations techniques au goût du jour. Bien que de telles initiatives méritent des encouragements, je me suis demandé quelle en était la valeur réelle sur le plan des apprentissages; et si certains passionnés ne prenaient pas souvent le moyen pour la fin.

Dans cet article, il sera question de scénarisation pédagogique et d’une grille d’utilisation du microblogue en éducation.

1-      À la recherche d’études scientifiques sur les microblogues

Se questionnant sur la valeur pédagogique réelle des nouveaux outils technologiques, Jean Loisier (2010) s’est, entre autres, intéressé à la messagerie, incluant le microblogue, en formation à distance (FAD). Aucun des huit facteurs de réussite identifiés n’aurait obtenu une note d’excellence; six d’entre eux devant se contenter d’un assez bon score : l’accessibilité (ubiquité) des formations, l’adaptation du rythme d’apprentissage, l’accessibilité aux documents, l’encadrement à temps, la socialisation entre étudiants et la simplicité des dispositifs techniques. Par ailleurs, une note moyenne serait accordée à deux facteurs de réussite pourtant considérés comme des exemples du potentiel majeur du microblogue, soit : la diversité des activités d’apprentissage et l’apprentissage collaboratif.

Il est vrai que l’étude portait sur la FAD et non sur les projets éducatifs en salle de classe. De plus, l’échantillon d’expériences éducatives avec Twitter s’est peut-être accru de façon notoire depuis la recherche de M. Loisier. Néanmoins, je crois important de considérer les résultats obtenus par le chercheur comme une mise en garde contre un trop-plein d’enthousiasme qui conduirait à de l’improvisation dans l’élaboration de projets éducatifs novateurs et à un recul réflexif biaisé par l’attachement aux TICE.  


 

2-      Les formules pédagogiques et Twitter

Avant d’employer le microblogue (ou toute autre technologie, d’ailleurs) dans un scénario pédagogique, il faut bien entendu en connaître le potentiel, mais d’abord déterminer des objectifs pédagogiques clairs en fonction du programme d’études. Pour ce faire, une réflexion sur le choix d’une ou des formules pédagogiques s’impose. Comme le mentionnait déjà J. Viens en 1998, veut-on mettre l’accent sur un projet individuel ou sociocentré?

L’Université du Québec à Trois-Rivières (2012) nous propose une typologie comprenant les formules suivantes : l’étude de cas, la résolution de problème, les groupes de discussion, le travail en équipe, le travail en coopération, le séminaire, l’exposé oral et la simulation. Pour nos besoins, je retranche d’emblée celle de l’exposé oral dans le cas de scénarios qui se limitent à l'usage exclusif du microblogue.

À l’instar de Jacques Viens avec qui j'ai collaboré au tournant du millénaire, je me permettrai de me demander si l'outil choisi, dans ce cas-ci le microblogue, sera employé comme outil de consultation ou de gestion de l’information, comme moyen de communication ou comme exerciseur.

C’est alors qu’entre en jeu l’importance d’en connaître le potentiel sur le plan éducatif.

3-      Le potentiel éducatif du microblogue

De prime abord, la limite de rédaction d’un message de 140 caractères imposée par Twitter est considérée par ses adeptes comme un véritable défi appelant à faire preuve d’ingéniosité, générant même une twittérature, selon J.-Y. Fréchette (2010), composée de maximes, de proverbes, de recherche de mots-clics précis, etc. L’Université de Montréal a même organisé un concours de twittérature se déroulant encore jusqu’au 30 mars 2012 dans le cadre de la Francofête.

Mais qu’en est-il de cette limite de caractères pour le non-amateur de littérature?

L’outil impose en soi un contexte idéal pour la formulation, l’échange et le cumul de phrases courtes, ce qui peut se révéler intéressant pour initier à l'écriture de jeunes scripteurs, des étudiants en langue seconde ou des élèves que ce type de tâches académique rebute généralement. Les échanges brefs et spontanés effectués de manière naturelle peuvent même donner à certains le goût et l’habitude d’écrire. De verbomoteurs, certains se transformeraient en scriptomoteurs.

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4-      Une grille d’utilisation pédagogique de Twitter

Notre lecture nous amène à attribuer les rôles suivants au microblogue : idéateur pour la création d’une œuvre, outil de soutien au travail collaboratif et aux jeux, moyen de communication spontanée et volontaire, en plus de constituer en soi un objet d’apprentissage.

a)      Idéateur pour une œuvre personnelle ou collective

Le microblogue me paraît génial pour la collecte de citations, d’observations et la formulation de questions ou d’idées dans le cadre d’une activité de remue-méninges. L’élève est ainsi appelé à mieux questionner la réalité à l’étude, qu’il s’agisse d’un livre, d’un film, d’un problème mathématique ou de sciences. Seul ou à l’aide des ajouts de ses abonnés, il pourra aussi se constituer un fil de presse, composé d’une banque de critiques ou d’hyperliens sur des thèmes donnés.

Toutes ces informations recueillies serviront d’un riche aide-mémoire pour la rédaction personnelle d’un article de blogue, par exemple; ou encore pour la réalisation d’une œuvre collective comme un conte ou même un roman.

b)      Soutien au travail collaboratif ou aux jeux

L’usage d’un microblogue peut se révéler utile comme outil de soutien à l’organisation d’un travail en équipe ou de relation d’aide. Les participants peuvent y annoncer la tenue d’une activité, proposer des dates de réunions, ou encore contribuer à la répartition des tâches des membres impliqués. Ils peuvent aussi se formuler des encouragements ou des conseils. Des échanges entre tweetclasses peuvent porter sur une recherche, un débat, ou encore sur un jeu.

c)       Outil de communication et d’ouverture sur le monde

Par le biais de Twitter, il est possible de rejoindre une vaste communauté d’amateurs ou de spécialistes d’une discipline donnée, répartie sur la planète entière dans le but de se tenir informés d’avancées dans un domaine d'activités et  même établir de nouvelles collaborations. Lors de sa conférence sur les changements dans les organisations par le Web 2.0, l’entrepreneure Marie-Josée Gagnon affirmait que les influenceurs sont sur Twitter.

d)      Twitter pour… Tweeter

Le médium est le message, affirmait McLuhan. Le microblogue, comme tel, soulève la passion de dizaines de millions d’utilisateurs qui, ensemble, en explorent le potentiel et lui créent du sens, participant à l’échafaudage de la culture numérique. Tweeter assouvit alors un goût d’aventure et une curiosité naturelle, deux qualités indéniables sur le plan de l’apprentissage. L'analyse des contenus abordés permettrait, par exemple, de brosser un portrait plutôt intéressant de la civilisation.

5-      La scénarisation pédagogique et la recherche

Une fois conscient des objectifs pédagogiques visés, des formules pédagogiques pertinentes et du potentiel éducatif du microblogue, il est temps de procéder à l’élaboration d’un scénario pédagogique détaillé comprenant un plan logistique (accès au matériel…) et des consignes claires inscrites dans une démarche éducative: mise en situation, exploration, appropriation, synthèse et transfert. Le scénario comprendra aussi une description des rôles des participants, un calendrier d’activités, des mesures d’évaluation et de réflexion métacognitive. Le concepteur devra prévoir du matériel complémentaire, si nécessaire.

J.Beaupré (2012) nous en donne de grandes lignes dans le cadre d’une activité d’écriture; et d'autres pédagogues partagent leurs expériences par la tenue d'un journal de bord dans un blogue. Il serait intéressant qu'ils en tirent des conclusions dans un mémoire à caractère scientifique.

Conclusion

Le microblogue est un outil passionnant qui n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Employé seul, intégré dans un logiciel social plus complexe ou associé à un blogue, il peut générer de multiples scénarios pédagogiques pour répondre à des intérêts personnels et collectifs. En ce sens, je partage l’enthousiasme des enseignants qui mènent des initiatives novatrices, en faisant souvent face aux réticences du milieu familial ou scolaire. Il me semble essentiel de bien documenter les expériences vécues de manière à proposer des stratégies pédagogiquement rentables de l'usage de Twitter, et des autres TICE, et de rendre ce savoir disponible à l'ensemble des acteurs de l'éducation.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 22 mars 2012

Référence

Beaupré, J. (2012) 1,2,3 Tweetez dans Récit Local de la Commission scolaire des Affluents. http://blogues.csaffluents.qc.ca/recit/tag/microblogage/

Coll. (2012) Twittérature 2011-2012 : un bilan dans Institut de twittérature comparée. http://www.itc-twitterature.org/ScriptorAdmin/scripto.asp?resultat=305173#777657

Educol (2012) Utiliser le micro-blogging en classe, un exemple en lycée professionnel dans Éduscol. Portail national des professionnels de l’éducation. http://eduscol.education.fr/cid50815/micro-blogging-en-classe.html

Fréchette, J.-Y.(2010) La culture des réseaux comme idéologie pédagogique dans Profweb, Le carrefour québécois pour l’intégration des TIC en enseignement collégial. http://www.profweb.qc.ca/index.php?id=3716&no_cache=1&L=0

Gagnon, M.-J. (2012), Nouvelles communications, nouvelles organisations. Les soirées des Grands Communicateurs, le 29 février 2012. http://conf.teluq.ca/p271ovhxuen/?launcher=false&fcsContent=true&pbMode=normal

Loisier, J. (2010) Mémoire, Les nouveaux outils d’apprentissage encouragent-ils réellement la performance et la réussite des élèves en FAD? Document préparé pour le Réseau d’enseignement francophone à distance du Canada (REFAD) (www.refad.ca)

Parent, S. et M. Deschênes (2012), Les applications pédagogiques de Twitter dans Profweb, Le carrefour québécois pour l’intégration des TIC en enseignement collégial. http://www.profweb.qc.ca/fr/publications/dossiers/les-applications-pedagogiques-de-twitter/etat-de-la-question/index.html

Renaud, L. (2012) Conférence de Marie-Josée Gagnon : Le Web 2.0 au service de l’entreprise sociale dans Le blogue de Luc 3. Publié le 3 mars 2012. http://www.lebloguedelucr.com/article-conference-de-marie-josee-gagnon-le-web-2-0-au-service-de-l-entreprise-sociale-100650091.html

 

UQTR (2012) Choix d'une formule pédagogique.

https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/gscw031?owa_apercu=N&owa_bottin=&owa_no_fiche=233&owa_no_fiche_dev_ajout=-1&owa_no_fiche_dev_suppr=-1&owa_no_site=47

 Visité le 21 mars 2012

Publié dans Éducation

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Des applications pédagogiques du blogue

Publié le par Luc Renaud

educavox Note: Cet article est également diffusé sur Educavox.fr à l'adresse suivante: http://www.educavox.fr/Des-applications-pedagogiques-du

La voie dorée de l’autoformation, du socioconstructivisme et de la formule hybride

Des données de Wikipedia de 2011 chiffraient le nombre de blogues, cybercarnets ou jouebs à 156 millions. Toutefois, la blogosphère comprend de nombreux blogues inactifs, ou carrément abandonnés de leurs auteurs qui, dans certains cas, choisissent d’en redémarrer un nouveau sur des bases différentes. Cette perte s’expliquerait par le faible taux de rétroaction des lecteurs, ou davantage par l’incapacité de beaucoup de blogueurs à produire des textes avec régularité, un point de vue que devrait partager L. Audet, (2010).  

Pourtant, le blogging est une aventure des plus instructives.

Chaque article exige de la recherche d’informations et des efforts de réflexion apparentée au rôle de praticien chercheur de la méthode de recherche action systémique (RAIS) du professeur André Morin (2010). De texte en texte, le rédacteur acquiert une expertise dans un ou plusieurs domaines d’activités, suivant en cela une approche constructiviste. Du point de vue social, et même professionnel, il établit généralement de beaux échanges avec d’autres passionnés; et ce, tant sur le plan national qu’international.

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Bloguer est donc la clé dorée qui ouvre les portes de la pensée, mais aussi celles de rencontres sociales insoupçonnées dans une démarche axée sur l’autoformation. Mais de quelle manière peut-on inviter les élèves sur ce sentier de l’apprentissage et de l’autonomie? Pour y voir plus clair, nous aurons besoin d’une typologie des blogues et d’une réflexion de données de nature technopédagogique.

1-       Vers une typologie des blogues

Cardon, D. et H. Delaunay-Téterel (2006) ont établi une typologie de blogues comprenant les quatre catégories suivantes : 1) Ego et le monde : le partage des intériorités ; 2) la conversation continue : un entre-soi devant les autres ; 3) le recrutement des pairs : amateurisme, réputation, professionnalisme et 4) L’énonciation citoyenne : distanciation, discussion et critique. Chacune de ces catégories se différencie par un rapport au social allant de l’expression de l’univers intime de l’auteur à des thématiques citoyennes.

1- Ego et le monde, le partage des intériorités : dans cette catégorie, le blogueur agit plutôt en solitaire, empruntant un style littéraire des plus personnels pour exprimer son intériorité et considérant le blogue comme une forme de journal intime.

2- La conversation continue, un entre-soi devant les autres : populaire chez les adolescents et les jeunes adultes, ce deuxième type de blogues serait surtout une manière de maintenir le contact avec des proches. Le rédacteur éviterait volontiers certains thèmes et des formulations qui froisseraient les autres membres de la petite communauté. Il y dresserait ses expériences de voyages ou ses démarches de recherche d’emploi, etc. et établirait une communication écrite avec ses lecteurs.

3- Le recrutement des pairs,  amateurisme, réputation, professionnalisme : d’un ton beaucoup moins intime ou personnel que dans les deux premières catégories, le blogueur cultive ici une passion pour un sport ou un artiste, etc., publie des textes et des documents dans l’espoir de faire des échanges avec des inconnus qui partagent ses intérêts. 

4- L’énonciation citoyenne : distanciation, discussion et critique : Cette quatrième catégorie  de blogueurs caractérise ceux qui emploient le blogue comme outil de transmission de savoirs, ou de propositions d’éditoriaux ; ou encore, nous ajouterons, à des fins promotionnelles. Les textes y sont travaillés avec un effort de professionnalisme, tout en conservant une dimension subjective propre au domaine du blogue. Ce travail ne constitue pas pour autant le gagne-pain de l’auteur. C’est le cas des blogues d’experts comme ceux des professeurs d’université, des directeurs de banque, des psychiatres, etc. L. Audet (2010) ajoute à cette liste ceux des journalistes et autres spécialistes des médias et des technologies.

 

Grilo, M. R. et N. Pélissier (2006) ont identifié un type de blogue citoyen, par lequel des intellectuels vont même jusqu’à former des communautés assumant un rôle de chien de garde de la société plus fort que celui de la presse traditionnelle. Très populaire au Portugal, cette pratique existerait déjà du côté des États-Unis, où des journalistes feraient preuve d’une sévère autocritique.

 

2-       Le blogue éducatif

Cette ébauche de typologie des blogues nous semble utile pour établir les paramètres d’une activité éducative. Par exemple, il est clair que les deux premières catégories répondent mieux aux intérêts des élèves les plus jeunes, comme le laisse entendre Cédric Fluckiger (2006) dans son étude sur l’appropriation des blogues par des groupes de collégiens. L’outil répondrait également à des besoins éducatifs reliés à la rédaction de textes en langues ou en poésie. Avec des élèves moins à l’aise avec le programme scolaire, les durs, le troisième type de blogue pourrait constituer une source de motivation en les amenant à exploiter des passions personnelles.

En revanche, nous imaginons facilement la tenue d’un blogue citoyen avec des élèves plus âgés dans le cadre de cours de philosophie ou de sciences sociales.

Mais pourquoi faire la promotion du blogue et non d’une autre technologie ? L’enquête de Brigitte Vandal (2006) apporte à cette question quelques éléments de réponses de nature technopédagogique.

-  Sur le plan technique

Pour le professeur et pour l’élève, il s’agit de l’outil par excellence d’initiation à l’usage pédagogique des technologies de l’information et de l’éducation en éducation (TICE) du fait de certaines caractéristiques appréciables : simplicité, rapidité, interactivité, interconnectivité et gratuité.

-  Sur le plan pédagogique

Selon L. Audet (2010) et B. Vandal (2006), le blogue favorise particulièrement l’expression personnelle et la socialisation ; en combinant les informations des deux auteures, nous en arrivons au descriptif suivant :

  • même les élèves les plus timides sont encouragés à écrire sur une base régulière : la tenue d’un carnet de voyage ou de journal de bord, par exemple;
  • la collaboration et l’entraide dans des projets, même de nature interculturelle et internationale, et la diffusion des travaux scolaires; 
  • l’engagement dans une réflexion métacognitive et l’organisation de l’information;
  • la croissance personnelle : l’élève apprend à mieux se connaître, développe sa force de caractère et son sens de l’argumentation en réagissant aux commentaires des lecteurs, notamment.

 

La diffusion régulière de textes sur le Web procurerait aussi à l’élève le sentiment de pouvoir influencer le monde.

 

3-       L’utilisation pédagogique du blogue

Madame Vandal énumère trois types d’usage pédagogique du blogue : 1) le blogue professeur ; 2) le blogue classe et 3) le blogue élève.

-          Le blogue professeur

Le blogue professeur peut être de nature personnelle ou collaborative, et faire partie d’une blogosphère institutionnelle ou interinstitutionnelle en devenant un membre actif d’une communauté de pratique. Le professeur y est amené à proposer des ressources pédagogiques, à assurer une veille pédagogique et à suivre des projets de recherche, et même à réfléchir sur sa pratique professionnelle tout en améliorant ses propres habiletés d’écriture. Audet (2010) y voit aussi des avantages sur le plan de l’humanisation et de la personnalisation : le professeur se fait mieux connaître, comme personne à part entière, de ses pairs ou de ses élèves.

Il peut aussi y commenter les travaux de ses élèves, les évaluer, et fournir à ceux-ci des activités complémentaires, intégrant, souvent sans le savoir, des modes de formation en présentiel et à distance dans une formule hybride.

-          Le blogue classe

Par ailleurs, le blogue classe sert à soutenir le travail collaboratif des élèves ou le projet de la classe, comme dans le cas d’une correspondance entre des écoles. Ce type de blogue peut aussi servir de prétexte à l’enseignement des TICE aux élèves, ou juste offrir à ceux-ci l’occasion de vivre une expérience sociale, cimentant ainsi un climat d’équipe au sein du groupe. Dans des cours de langues, des billets peuvent être présentés sous forme de jeux ou de défis à relever en classe ou à distance.

-          Le blogue élève

L’élève peut être encouragé à tenir un blogue uniquement par plaisir d’écrire, sachant que la recherche de commentaires est loin de constituer l’unique source de rétroaction sur ses écrits. L’auteur peut recevoir des commentaires verbaux des proches, ou des clins d’œil sur Facebook ; voir ses permaliens circuler sur Twitter, ou découvrir qu’on le cite sur un autre site Web. À moins qu’il ne change radicalement de paradigme et qu’il ne décide de se créer un réseau de blogueurs dans une approche beaucoup plus sociale, dans lequel cas il devra se plier aux règles d’écriture de sa communauté, perdant ainsi en termes de liberté : sujets de la vie quotidienne, phrases courtes, etc.

D’une manière ou d’une autre, la pratique du blogue permet au blogueur de se constituer graduellement un portfolio facilement accessible par d’éventuels collaborateurs ou employeurs, un point de vue que partage surement l'entrepreneure Kim Auclair qui insistait le 15 mars dernier,  dans le journal Les affaires.com, sur l’importance pour les entrepreneurs de se faire connaître par le biais des activités du Web 2.0.

En contexte strictement scolaire, il s’agit aussi d’une méthode pour la réalisation de travaux d’équipe ou de devoirs individuels, qui pourront servir à la constitution d’un portfolio électronique à des fins évaluatives. Puisqu’il permet de conserver une trace de tous les écrits, le blogue est l’outil par excellence pour la réflexion qui mène l’élève sur la voie de l’autoévaluation et de l’autoformation.

Conclusion

La tenue d’un blogue est une activité exigeante, puisqu’il s’agit d’un acte d’écriture, qui peut être complexe et qui doit être reproduit avec régularité pendant des mois, voire des années. A la longue, les apprentissages réalisés transforment l’écrivaillon d’un jour en véritable expert, recherché et apprécié d’un public donné. À l’école, il s’agit d’un exercice qui initie l’élève aux règles de base de l’autoformation, de la collaboration et de la coconstruction de savoirs, et l’enseignant ou le professeur à celles d’une formule pédagogique hybride intégrant avec facilité des TICE dans un contexte plus naturel.

Je conclurai en affirmant avec Brigitte Vandal que l’emploi éducatif du blogue est voué à un grand avenir ; mais, j’ajouterai, à la condition de passer à l’action et de lui accorder une place de choix dans le dispositif éducatif.

Références :

Auclair, K (2012), 5 avantages pour un entrepreneur d'être sur les médias sociaux. les affaires.com 

Audet, L (2010) Wikis, blogues et Web 2.0 Opportunités et impacts pour la formation à distance, Document préparé pour le Réseau d’enseignement francophone à distance du Canada (REFAD)

 

Cardon, D. et H. Delaunay-Téterel (2006) La production de soi comme technique relationnelle. Un essai de typologie des blogs par leurs publics, La Découverte | Réseaux 4 - no 138, pages 15 à 71

 

Fluckiger, C.(2006), La sociabilité juvénile réinventée. L'appropriation des blogs dans un groupe de collégiens,  La Découverte | Réseaux, 4 - no 138, pages 109 à 138

 

Grilo M. R. et N. Pélissier (2006), La blogosphère, un cinquième pouvoir ? Critique du journalisme et reconfiguration de l'espace public au Portugal, La Découverte | Réseaux, 4 - no 138, pages 159 à 184

 

Morin, A (2010). Cheminer ensemble dans la réalité complexe. La recherche-action intégrale et systémique (RAIS). L'Harmattan, collection Recherche-action en pratiques sociales. 

Renaud, L. (en cours depuis 2010) Le blogue de Luc R ; http://lebloguedelucr.com

 

   

Vandal B (2006). Blogues et éducation – Tour d’horizon. Clic Bulletin collégial des technologies de l’information et de la communication, Numéro 61, http://clic.ntic.org/cgi-bin/aff.pl?page=article&id=1001

 

Wikipedia, Blogue : http://fr.wikipedia.org/wiki/Blog.Visité le 15 mars 2012

 

Texte: Luc Renaud, M.A. Sciences de l'éducation, le 16 mars 2012

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TEDx de l’UdeM : vers l’émergence d’une société apprenante

Publié le par Luc Renaud

Un dispositif de pédagogie ouverte au service de la démocratisation des savoirs

 

educavox Note: le présent article est aussi publié sur Educavox.fr à l'adresse suivante: http://www.educavox.fr/TEDx-de-l-UdeM-vers-l-emergence-d

le Web 2.0 pour le rapprochement entre les sommités et la masse

Dans le hall de la Société des arts et des technologies (SAT), des invités de marque de la journée TEDx de l’Université de Montréal (UdeM) ne me cacheront pas leur surprise face à un certain nombre de réalités inhabituelles : 1) une programmation éclatée en une gamme hétéroclite de disciplines, 2) une formule imposée par un courant de pensée, largement influencé par le Web 2.0, 3) un public composé surtout de jeunes et 4) un lieu de rassemblement éloigné de la cité universitaire, plus près de l’ensemble de la population.

Les organisateurs cherchaient-ils l’établissement d’un dialogue intergénérationnel et la réduction de l’élitisme dans un esprit d’inclusion sociale ? Dans le présent article, je considèrerai l’évènement TEDx comme un dispositif pédagogique ouvert, accessible au plus grand nombre, en me questionnant toutefois sur son rôle en matière de démocratisation des savoirs.

  1)      Quelques paramètres de l’événement  

-          Une programmation éclatée

Les conférences traitaient autant la nanorobotique dans les soins de santé, que l’agriculture sur les toits des immeubles ; ou encore, la psychanalyse pour venir en aide aux personnes vivant des psychoses à la cyberjustice, la téléprésence immersive, etc ; ce qui pouvait effectivement surprendre le chercheur habitué aux grands congrès internationaux portant sur une seule discipline. Par ce choix de thèmes, il nous semble évident que les organisateurs Renaud Philippe Naubert et Carlos Patino Descovich et leur quinzaine de bénévoles ont exprimé les préoccupations de leur génération comme la santé, l’environnement et la technologie. Chacun des sujets abordés constituait un élément de cette mosaïque de savoirs.

 

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 Messieurs Renaud Philippe Naubert et Carlos Patino Descovich 

-          La formule largement axée sur le Web 2.0

Les réseaux sociaux seront largement mis à contribution tant du point de vue de l’organisation de l’évènement que de sa diffusion avec le souhait avoué non seulement de faire connaître à la planète entière d’importants projets de recherches menées au Québec, mais également celui de favoriser de nouvelles formes de collaborations. La webdiffusion et la mise en ligne éventuelle des vidéos des conférences rapprocheraient des sommités d’une grande variété de disciplines et des publics de tous genres dans un contexte de démocratisation des savoirs. Rêve ou utopie ?

- L’âge moyen du public sur place

En présentiel, nous avons surtout constaté la présence d’une grande majorité d’étudiants, auxquels se sont greffés quelques chercheurs, directeurs de laboratoires de recherches et professeurs d’université. Les jeunes, qui prenaient probablement part pour la première fois de leur vie à de telles activités, bénéficiaient de l’opportunité de discuter de vive voix avec les spécialistes qui se mettaient généreusement à leur disposition dans une approche éducative dialogale. 

 

-  Le lieu de l’évènement

Loin d’un auditorium universitaire, les organisateurs ont tenu leur évènement à la Société des arts et des technologies (SAT)de Montréal, l’un des quartiers généraux de l’art numérique de la métropole du Québec ; qui, de plus, se situe en plein cœur de la Main. Sans doute posait-on un geste symbolique sortant le monde savant de son milieu officiel pour le rapprocher du monde de la rue. A cette scène physique visible s’ajoutent toutefois des espaces virtuels créés par la rediffusion en direct et la webdiffusion.

 

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2- La démocratisation des savoirs par le biais du Web 2.0

En dépit de cet immense dispositif éducatif ouvert, TEDx de l’UdeM atteint-il réellement un objectif de démocratisation des savoirs par le biais de la culture émergente du Web 2.0 ? De fait visait-on l’accès au savoir par le plus grand nombre ou posait-on un geste social visant l’éducation populaire ?Si la tableest mise, de quelle manière le repas se déroule-t-il ?

 -          L’accès au savoir par le plus grand nombre

Force est d’admettre que la formule TED permet effectivement de nombreux échanges entre les participants, et que le Web 2.0 constitue un puissant relais de transmission des idées à en juger par l’expérience vécue le 11 mars dernier à Montréal. Plus de 300 projets ont été proposés à l’équipe de messieurs Naubert et Patino Descovich, ce qui a constitué un beau problème de sélection de conférenciers.

 L’événement a aussi connu un franc succès populaire. Des 200 participants réunis sur place, s’ajoutaient quelques centaines d’autres par le biais de la rediffusion en direct et par la Webdiffusion, sans compter ceux qui visionneront les vidéos sur le Web. Ainsi l’audience rejointe dépasse largement celle d’une journée dans un cours à l’université.

Mais est-ce suffisant pour que l’on puisse parler de démocratisation des savoirs?

Il faudrait pour cela connaître l’impact de ce système d’apprentissage collaboratif sur la population en général et savoir dans quelle mesure, par exemple, des gens n’ayant jamais mis les pieds à l’université prendront connaissance des projets présentés. Nous pourrions aussi nous demander ce qui restera en mémoire des conférences synthèses proposées lors des journées-marathon. 

-          Le geste social et le développement de projets

TEDx de l’UdeM n’est qu’un maillon d’un courant éducatif global ; en ce sens, chacun des acteurs joue un important rôle social à l’édification d’un système éducatif ouvert et planétaire. Au-delà des échanges d’idées, nous aimerions savoir combien de collaborations professionnelles ont pu être établies. Les conférenciers avaient-ils plutôt l’impression de donner un cours à un vaste public ou bien de participer à une expérience nouvelle de communication éducative ?

Conclusion

TEDx de l’UdeM traduit à notre avis le souhait éprouvé par plusieurs de contribuer à la mise en œuvre d’un dispositif éducatif ouvert, moins formel, qui encourage le rapprochement entre ceux qui savent et ceux qui veulent apprendre, peu importe leur milieu. Cela me rappelle l’École mini-Psy de l’Institut universitaire de santé mentale Douglasqui permet au grand public de faire la rencontre de sommités du monde médical, plus habituées à s’adresser aux dirigeants qu’à la masse, en employant aussi les techniques du Web 2.0.

Dans ce contexte, il s’agit d’un pas dans le développement d’une société apprenante.

Reste à voir de quelle manière l’enthousiasme et l’esprit de renouvellement émergeant des TEDx sauront créer un pont entre l’école et les personnes exclues du milieu scolaire. Il est à tout le moins rafraîchissant de constater qu’il s’agit là de dimensions dans la mire des pédagogues actuels et d’une approche pleine de promesses.

 Au cours des prochains articles, nous vous ferons part des détails des projets présentés. À la prochaine!

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 13 mars 2012

Dans la même série:

Des Jeux olympiques aux TEDx

TEDx aux deux pôles de l’avancement de l’humanité

 

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Pédagogie ouverte: autoformation et collaboration au cœur d’une formule éducative hybride

Publié le par Luc Renaud

educavox Note: Cet article est aussi diffusé sur Educavox.fr à l'adresse suivante: http://www.educavox.fr/Pedagogie-ouverte-autoformation-et 

Quel genre de citoyens la société recherche-t-elle? Des personnes conformistes ou des maîtres de la créativité? Et le monde adulte qui exerce son influence sur les jeunes vise-t-il par son enseignement le développement d’employés qui répondent aveuglément aux règles dictées par les grands financiers, ou des personnes capables de mordre à pleines dents dans la vie? L’école doit-elle exclusivement assurer le développement cognitif des élèves et l’obtention de résultats scolaires, ou bien devenir surtout un milieu de vie qui permette de grandir, et d’apprendre autant de la socialisation et du partage des expériences vécues partout que des situations formelles?

Dans un contexte où les jeunes emploient les ressources du Web 2.0 dans leurs pratiques habituelles, quelle place devrait-on accorder à ces techniques dans l’organisation scolaire? Dans le présent article, nous défendrons les valeurs de l’autoformation et de la collaboration dans l’élaboration de dispositifs éducatifs hybrides qui mettent l'accent sur l'autoformation et la socialisation.

1-      Des fondements philosophiques

Nous croyons que la personne doit être maître des systèmes sociopolitiques et économiques et non l’inverse. Nous les avons conçus en vue de nous doter d’un espace nous permettant d’exercer nos libertés individuelles tout en respectant le bien collectif. Il nous apparaît dès lors tout à fait normal que le jeune puisse exercer son droit de parole et participer à l’élaboration des mécanismes de démocratie., comme dans le cas des manifestations étudiantes actuelles. Il s’agit pour lui d’une occasion en or de procéder à l’étude des mécanismes politicoéconomiques mis de l’avant par le monde adulte.

 


 

Dans cet esprit de droit à l’expression personnelle, le jeune devrait être encouragé à découvrir des passions et à les mettre à l’épreuve durant ses emplois d’été ou d’autres travaux d’appoint, en ayant dans la mire une meilleure connaissance de soi et de ses attentes face à la vie. Il s’agit d’un effort de réflexion nécessaire pour permettre aux gens de faire des choix de carrière éclairés, qui tiennent compte à la fois de valeurs personnelles et des opportunités réelles du marché du travail.

Dans le modèle éducatif qui se dégage de ces fondements, les expériences vécues à l’extérieur de l’école deviennent donc des matières scolaires fondamentales, que le milieu académique se doit de récupérer pour répondre aux besoins des jeunes, en visant l’intégration de l’apprentissage informel et formel. Le bien-fondé de cette approche repose sur le principe que toute situation de vie est une source d’apprentissage, et que nous apprenons toute notre vie.

1-      Des principes psychopédagogiques

Notre approche met donc l’accent sur deux principes psychopédagogiques fondamentaux : l’autoformation et la collaboration. Si toute personne est appelée à vivre sa vie selon ses valeurs et ses attentes, les autres jouent un rôle majeur dans notre épanouissement personnel. Notre besoin fondamental de socialisation se manifestera par de la compassion et des gestes essentiels de solidarité, mais aussi par le partage de bons coups dans nos relations amicales ou amoureuses.

Dans son approche pédagogique centrée sur l’apprenant, le professeur d’anglais François Guité s’est entre autres inspiré de quatorze principes psychopédagogiques répartis dans les quatre noyaux de facteurs suivants : cognitifs et métacognitifs, affectifs et émotionnels, sociaux et développementaux, et des facteurs de différences individuelles. Pour répondre à ces besoins, il mettra l’accent sur une organisation de classe qui responsabilise l’élève, créant un minimilieu d’immersion, en permettant aux élèves plus rapides de travailler sur d’autres matières à la condition de le faire en anglais. Il augmentera le degré d’authenticité de son approche en disposant de Facebook et de Twitter pour prodiguer des leçons d’anglais à ses élèves à partir de vraies situations de communication, comme il l’expliquera à Daphnée Poirier dans Vie pédagogique.

2-      Des moyens de communication

Si l’expérience de Monsieur Guité nous semble intéressante du point de vue de l’intégration de principes d’autoformation et de collaboration en milieu scolaire, des plateformes éducatives permettent de faciliter ce travail en-dehors de l’école, brisant carrément le cadre habituel. Educavox.fr, par exemple, est une communauté de pédagogues chevronnés, de parents ou d’autres passionnés de l’éducation qui tentent d’alimenter la réflexion pédagogique entre leurs membres et le grand public. Nous avons, par ailleurs, découvert Beebac, un site collaboratif gratuit, qui permet aux élèves de créer des communautés d’apprentissage, les soutenant des études primaires jusqu’aux études supérieures; le site permet aussi la création de communautés de pratique dans lesquelles des enseignants diffusent et partagent des contenus de cours.

3-      La place du monde réel

Des logiciels sociaux comme Facebook et Twitter, et des plateformes collaboratives comme Beebac ou Educavox nous offrent la possibilité de créer des environnements d’apprentissage indépendants du milieu scolaire traditionnel, ou hybride, que nous décrirons grossièrement comme suit : un mixte de cours en salle de classe et de formation à distance. Dans ce contexte de décloisonnement, il est clair qu’une réflexion majeure s’impose pour redéfinir le rôle de la salle de classe. De plus, ce genre d’approche nécessite un tel degré d’autonomie de la part des élèves que nous doutons nous-mêmes de la pertinence de l’appliquer auprès des élèves les plus jeunes. Pour eux, on pourrait surtout envisager la mise en place d’un dispositif d’aide aux devoirs à l'aide des environnements Web 2.0.

 

 

Pourquoi ne pas tirer profit de ces environnements d’apprentissage collaboratifs pour amener les élèves à s’inspirer de leurs expériences de vie, de leurs relations sociales notamment, dans une perspective d’épanouissement personnel et de formation citoyenne? N’est-ce pas un peu cela qui apparaît dans leurs échanges naturels sur Facebook?

Conclusion

Nous reviendrons de façon plus détaillée sur les dispositifs de formation hybrides dans d’autres articles, car ils représentent à notre avis des moyens qui rapprochent l’apprentissage scolaire de la vraie vie. Pour le moment, nous conclurons en rappelant que nous disposons actuellement d’une technologie qui facilite la transformation de toute situation de vie en source d’apprentissage riche et féconde à la condition de faire preuve d’autonomie et de collaboration.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 9 mars 2012

Références :

·         La pédagogie centrée sur l’apprenant et le recours aux technologies de l’information et de la communication.

·         14 principes psychologiques centrés sur l’apprenant

 

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Vers une intégration éducative efficace de la baladodiffusion

Publié le par Luc Renaud

educavox Note: le présent article marque mes débuts comme rédacteur pour EducaVox.fr. Il est aussi publié à l'adresse suivante: http://www.educavox.fr/Vers-une-integration-educative

Fonolibro presenta... en espagnol des classiques comme Don Quijote De La Mancha, le deuxième livre le plus diffusé après la Bible, Los Miserables, Viaje Al Centro De La Tierra, des auteurs plus modernes comme Dan Brown et son célèbre El Codigo DaVinci; ou encore des ouvrages audio sur les finances ou la sexualité. Si certains audiolivres vendus par Internet nécessitaient le déboursé de coûteux frais de transport il y a à peine quatre ans, la situation a bien changé puisqu’il est maintenant possible de se les procurer par simple téléchargement en version pour iPod, lecteurs MP3 et même téléphones mobiles.

De son côté, l’Université de Montréal se targue d’être la première université francophone à se prévaloir des opportunités de ItunesU afin d’offrir des conférences, des cours, des concerts de musique, aussi sous forme de podcasts (balados).

Dans le secteur privé ou public, l’institution cherche à rejoindre de nouvelles clientèles.  

Dans le même esprit, le développement des tablettes numériques ouvre la voie à une explosion de vente de livres numériques sous format PDF. Le Centre national du livre estime que l’industrie du livre subirait également le choc de changements irréversibles dans les habitudes d’achat des consommateurs. De façon moins brutale que dans le secteur de la musique, le livre numérique percera le marché de façon notoire. Ainsi la baladodiffusion et le ebook facilitent-ils l’accès à une grande panoplie de documents éducatifs grâce à la modernisation dans les pratiques du nomadisme pédagogique.

Mais que fera-t-on de cette manne informationnelle en éducation?

Pour s’y retrouver, je crois qu’il faut de nouveau s’en remettre à de vieux principes des domaines de la communication et de la psychoéducation, et voir les médias comme un prolongement de l’être humain et de penser en termes d’autoformation et de socioconstructivisme dans une démarche d’apprentissage tout au long de la vie. Nous présenterons ci-après une grille graduée d’usage pédagogique de la baladodiffusion.

 

 

 

1-      De timides efforts d’usage des technologies mobiles

 

-          Niveau 0 de la grille : L’usage grand public dans un contexte de loisir

De façon purement ludoéducative, de nombreux utilisateurs transportent sur soi le contenu de leur discographie ou de leur bibliothèque personnelle dans le métro, en automobile, au supermarché, à l’école et même au bureau, soit pour meubler les temps d’attente ou les pauses-café, ou encore pour se créer un fond d’ambiance personnelle en remplacement de la radio. Les écouteurs sur les oreilles, ils s’installent dans une bulle qui ne dérange personne; et qui, de plus est, les isole des bruits et des discours environnants.

Nous pourrions dire que dans ce contexte, la baladodiffusion offre peu de changements en matière d’apprentissage par rapport aux moyens normalement employés, comme le CD dans une minichaîne stéréo, ou le livre imprimé. Les avantages de la miniaturisation sont davantage pratiques.

-          Niveau 1 de la grille : Les études – récompenses et les exercices d’appoint

Dans le milieu scolaire et à la maison, malheureusement, les périodes de technologies de l’information et de la communication (TIC) sont souvent associées à des moments de récompense, une fois le travail sérieux effectué, c’est-à-dire, les devoirs et les leçons, les tâches ménagères, etc. De plus, l’école sait que la génération C vit à l’heure des technologies, qui forment un véritable rival au milieu de l’école. Or, plusieurs écoles du Québec interdisent même la possession d’un téléphone mobile; ce qui, à nos yeux, illustre bien le manque de préparation du milieu scolaire à l’usage éducatif de la baladodiffusion.

Dans ce contexte, il y a fort à parier que l’on voudra tisser un pont avec les jeunes en menant quelques tentatives d’insertion de podcasts, en offrant aux jeunes du matériel d’appoint supplémentaire pour réviser des leçons données en classe, par exemple. De manière timide l’école offrirait alors un simulacre de matériel éducatif, croyant motiver les étudiants, en oubliant qu’une règle de grammaire ou qu’une opération de mathématiques insolubles demeure tout aussi compliquée si la présentation offerte reste sensiblement la même d’un support à un autre.

Bref, il faut transformer le modèle éducatif si l’on veut faire un usage efficace et efficient des outils de la baladodiffusion.

 

 

 

2-      L’intégration pédagogique de la baladodiffusion

 

-          Niveau 2 de la grille : le projet et la collaboration

Il est clair que le succès de la baladodiffusion en contexte scolaire découle grandement de la maîtrise de stratégies d’apprentissage reliées à l’autoformation, laquelle trouve ses sources de motivation dans le cadre de projets éducatifs. Par exemple, un étudiant pourrait être en plein voyage-études dans un pays comme le Pérou, et transformer son iPod ou son iPad en véritable guide virtuel, le remplissant de données sur les Incas, le Machu Picchu, de cours d’espagnol, etc. Un autre étudiant pourrait être en stage dans une entreprise de réparation de moteurs d’avion et se doter d’une banque de données informationnelles sous forme de PDF, de bandes audio ou de vidéo. Le iPod rempli de leçons de piano, un musicien en herbe pourrait de son côté procéder à l’observation du doigté nécessaire à l’apprentissage d’une nouvelle pièce musicale, etc.

Si l’autoformation et le projet constituent à notre avis deux dimensions clés du succès de la baladodiffusion en contexte scolaire, nous pouvons penser aussi à des scénarios de type l’arroseur arrosé. Pour couvrir des objectifs pédagogiques de matières de base comme le français, les mathématiques ou les sciences selon une approche socioconstructiviste, des équipes d’élèves pourraient être appelées à créer du matériel éducatif pour expliquer les notions apprises en classe, et le rendre disponibles à la communauté éducative (enseignants et élèves) par le biais d’une banque de podcasts et de ebooks éducatifs.

La constitution de telles banques de données audio et scriptovisuelles servirait, par ailleurs, les besoins de personnes malvoyantes, malentendantes et bon nombre d’usagers à l’extérieur du milieu scolaire, tissant ainsi un lien utile entre l’éducation scolastique et communautaire.

-          La démocratisation des savoirs

Les principes de l’apprentissage tout au long de la vie impliquent la maîtrise de solides stratégies d’apprentissage autodidactes et, bien entendu, la capacité de transformer toute situation de vie en source d’apprentissage. La personne autodidacte apprendra à se construire son propre programme d’études, à y définir des objectifs personnels et ses propres critères d’évaluation. Elle devra également se doter d’outils d’apprentissage sur mesure. Or, tout ce matériel peut pratiquement tenir dans le creux de la main sous forme de téléphone mobile ou de lecteur MP3, et dans un petit sac, sous forme de tablette numérique.

L’accès au savoir est tel qu’il est possible à quiconque d’apprendre les langues par soi-même, la faune marine, le fonctionnement d’une usine de production de produits naturels, les règles de l’économie sociale ou du développement international, bref presque tout à la condition de posséder les stratégies d’apprentissages requises.

Conclusion

Les TIC ne sont que des outils, chacun offrant de grands avantages éducatifs. Dans une approche éducative misant sur le socioconstructivisme, la pédagogie par projets, l’autoformation dans un contexte d’apprentissage tout au long de la vie, la baladodiffusion (iPod, lecteur MP3, téléphone mobile, etc.) et les ebooks sur tablettes numériques (iPad) ouvrent de nouvelles voies au nomadisme pédagogique. L’école doit faire face aux nouveaux défis qui s’offrent à elle, et le citoyen faire de l’apprentissage une vision de vie. Pour conclure, nous citerons Mahatma Gandhi:  Live as if you were to die tomorrow. Learn as if you were to live forever.

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 5 mars 2012

Dans la même série :

De l’autoformation au nomadisme pédagogique avec les TIC

Un incontournable : les technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation

 

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De l’autoformation au nomadisme pédagogique avec les TIC

Publié le par Luc Renaud

Mes amis, la première fois que j’ai entendu parler de nomadisme en éducation, le terme était associé au podcast, à tous ces fichiers éducatifs que l’on pouvait télécharger du Web et installer sur un lecteur MP3 avec ou non capacités vidéo. L’accès à de nombreuses applications web, des sites d’information et des médias sociaux, notamment, rendait le concept encore plus intéressant. Ainsi nous est-il possible d’exercer nos habiletés de base : lire, écrire, écouter et visionner des informations à la fine pointe des univers de savoirs actuels de n’importe où que l’on soit. Même le métro de Montréal s’apprête à s’équiper des dispositifs nécessaires à la téléphonie cellulaire. Des données de l’UNESCO nous informent que 90% de la population mondiale peut disposer de technologie mobile, ce qui représente entre autres d’importantes ressources au service de l’éducation de femmes de régions reculées du monde et de l’alphabétisation.

Mais qu’est-ce au juste que le nomadisme pédagogique ou la pédagogie nomade? Est-ce un concept nouveau? Et de quelle manière les technologies de l’information et de la communication (TIC) jouent-elles un rôle de soutien?

1-      Les micromondes de l’apprentissage en dehors de l’école

Une brève enquête sur le nomadisme pédagogique me permet de comprendre qu’il s’agit, à la base, d’une formule éducative datant de la Nuit des Temps, bien avant l’existence même des institutions scolaires. Certains dispositifs sont même associés à l’idée de l’apprentissage à domicile, en voyages, et même pris en charge par les communautés. L’accent y était mis par la transmission des savoirs et des valeurs de la société, qui assurerait la pérennité de la collectivité. De nos jours, y es intégrée l’acquisition des notions des programmes scolaires officiels.

D’une manière ou d’une autre, nous sentons l’importance d’un contexte scolaire informel qui mette l’accent sur le développement personnel et l’acquisition de stratégies d’apprentissage autonomes. Pensons au concept des voyages qui forment la jeunesse, des navires-écoles ou du maintien des élèves dans la jungle, loin des villes et de la modernité. Au contraire, pensons à une redéfinition de l’école dans laquelle les professeurs et les élèves partagent les tâches de conciergerie, de cuisine, en plus des cours. En ville, les musées, l’art de la rue (les murales, l’architecture, etc.), les expériences de compagnonnage en milieu de travail deviennent d’importantes sources d’informations.


Dans l’ensemble de ces systèmes, les élèves apprennent à faire face aux aléas de leur environnement, l’art de la débrouillardise, des compétences de nature professionnelle, etc. bien en lien avec le monde réel. Le hic, c’est que, bien que très motivantes, ces approches ne faciliteraient pas pour autant l’acquisition de meilleures compétences de l’orthographe et de l’écriture. Cela attise la foudre des fervents des méthodes traditionnelles qui, de leur côté, reposent sur une approche industrielle de l’éducation : tout le monde doit tout faire de la même manière et au même rythme, peu importe la nature des intérêts personnels.

 

2 -      Le rôle des technologies portables

De prime abord, les technologies portables facilitent le rapprochement des frontières. Jamais dans l’histoire de l’humanité, le savoir officiel n’a été aussi disponible à l’ensemble des habitants de la terre. Chacun des micromondes mentionnés précédemment peut y avoir accès par le biais d’un lecteur MP3, d’un ipod, d’un téléphone mobile, d’une console de jeu vidéo, d’un GPS même, d’une tablette numérique ou d’un ordinateur portable, etc. Par conséquent, l’expression e-éducation nomade, ou d’éducation nomade en ligne serait-elle plus appropriée.

Cet accès au savoir mondial à tous facilite-t-il la modernisation ou bien constitue-t-il une forme d’intrusion culturelle dans certains milieux. Je pense ici à l’impact d’un dispositif d’éducation nomade en ligne au sein des communautés amazoniennes, par exemple. Au bout du compte ne risquerait-on pas de perdre au change la richesse de savoirs ancestraux au profit d’une forme d’uniformisation des savoirs? Si ces questions méritent que l’on prenne le temps d’y réfléchir, on peut aussi se demander quels sont les risques occasionnés par le fait de garder tout ce savoir entre les mains des seuls pays industrialisés. De plus, peut-on humainement accepter le manque de transfert d’expertise dans le domaine des soins de santé? Peut-on accepter le maintien d’inégalités mondiales au nom d’une idéologie émanant, de toute manière, des efforts menés essentiellement par les pays industrialisés?

Notez que l’intrusion des TIC dans ces communautés permettrait en retour à celles-ci de mieux faire connaître leur réalité au reste de la planète, et de rejoindre la sensibilité de tous les bien-pensants qui ne demandent pas mieux qu’à faire preuve de solidarité.

3 -      Et l’autoformation…

Si de telles questions morales se posent sur le plan des relations entre les pays du Nord et ceux du Sud, cela n’enlève rien au fait que l’intrusion de gadgets électroniques dans un micromonde donné ne transforme jamais d’emblée le savoir en connaissance. De nombreuses écoles secondaires du Québec procèdent même à la confiscation des téléphones mobiles de leurs élèves, démontrant ainsi leur incapacité à tirer profit des avantages offerts par ces outils sur le plan du nomadisme éducatif. De nombreux éducateurs et de parents dénoncent avec force et souvent avec raison du temps consacré par leurs enfants avec une manette de jeu vidéo, au détriment d’activités sportives ou … d’apprentissage.

Il est même permis de se demander si l’intégration de ces accessoires ne détruirait pas l’équilibre des dispositifs éducatifs déjà en place dans les écoles… hors de l’école. C’est peut-être pour cela d’ailleurs que le milieu scolaire éprouve de la difficulté à motiver les jeunes. Notez que des enseignants éprouvent aussi de la difficulté à utiliser les TIC en général, se contentant souvent de recherche d’informations sur le Web…

De fait, l’usage éducatif des technologies portables demande l’élaboration de scénarios d’apprentissage, mais surtout d’importantes habiletés autodidactes chez l’élève, ce qui nous ramène à une question fondamentale : à quoi sert l’éducation?

Conclusion

Le nomadisme scolaire constitue vraisemblablement la formule éducative la plus employée par l’être humain au cours de son évolution. C’est l’école qui s’est pointée de manière intrusive au cours de l’histoire, sans doute pour employer le monde adulte à d’autres tâches de son développement. D’une certaine manière, l’expansion des technologies portables retire des pouvoirs à l’école au profit de l’école de la vie. Il est à espérer que les responsables scolaires et la population en général en arriveront à mieux harmoniser leurs pratiques de façon à répondre aux besoins de chacun et de tous.

Pour en savoir davantage :

·         Nomade, vous avez dit nomade?

·         Radio, podcasts en milieu scolaire

 

 

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 20 février 2012

 

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Un incontournable : les technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation

Publié le par Luc Renaud

Mes amis, j’aimerais vous parler aujourd’hui des technologies de l’information et de la communication (TIC), en vous amenant à vous interroger  sur le rôle qu’elles prennent sur le plan éducatif. Doit-on les employer; ou bien sont-elles au contraire néfastes comme certains s’efforcent à nous le faire croire? Et, quelles sont les approches et les stratégies qui devraient nous guider pour faire un choix judicieux d’une technologie? Mais d’abord, sommes-nous sûrs de vraiment comprendre le domaine des TIC?

1-      Qu’est-ce que les technologies?

Si je suis devant un groupe d’élèves en langue seconde et que je montre une gomme à effacer, un vieux bas de laine, ou encore un interrupteur électrique en demandant à mon auditoire d’identifier l’objet, dans un exercice de compréhension de vocabulaire; et si, par la suite, je demande à chacun d’entre eux d’écrire le mot désignant l’objet sur une feuille de papier, puis d’en vérifier l’orthographe dans un dictionnaire, l’approche semble plutôt traditionnelle, n’est-ce pas?


Pourtant, les objets mentionnés sont tous le fruit d’un développement technologique. Aucun d’entre eux n’existerait sans l’intervention de l’homme et un complexe processus de transformation de la matière première. Cela est vrai de tous les objets que nous employons dans notre vie quotidienne, et à l’école : du four à microondes au simple crayon à mine.

Par ailleurs, l’approche pédagogique présentée dans cet exemple n’est pas anodine. Notons que l’usage de l’objet (l’efface, la chaussette, l’interrupteur) exploite une stratégie mnémonique d’association d’un stimulus visuel à un mot, que l’on prononce et que l’on écrit. L’usage de plusieurs sens répond à certaines règles de la théorie de l’information, visant à faire passer plus facilement de nouvelles notions de la mémoire à court terme à la mémoire à long terme.

Le choix de mots de vocabulaire courant et d’objets usuels facilite aussi l’apprentissage dans la mesure où l’étudiant aura la possibilité d’exploiter ses acquis plus souvent en dehors de la classe. L’usage du dictionnaire, technologie issue de l’imprimerie, facilitera la compréhension de la forme écrite de mots de vocabulaire dans un contexte qui responsabilise l’élève dans son apprentissage.

Si tout instrument mis à la disposition de l’enseignement est le fruit de la technologie, on comprendra qu’il est à toute fin pratique impossible de s’en passer en éducation. Alors, la véritable question à se poser est la suivante : de quelle manière  employer les TIC avec efficacité?

2-      Comment employer les TIC de manière efficace?

Nous entendons souvent des gens parler de la nécessité de revenir à des méthodes d’enseignement traditionnelles, prétextant que celles-ci donnaient de meilleurs résultats scolastiques. Ces mêmes personnes reprocheront aux jeux vidéo et à la télé de n’être qu’un amas de stimuli attrayants, cultivant chez leurs usagers des comportements délinquants, d’une efficacité comparable à celle d’un hallucinogène. Nous avons déjà démontré les limites de ce point de vue alarmiste dans un autre article de blogue, en présentant même les qualités cognitives et sociales en jeu avec ces deux supposés ennemis publics de la créativité et de l’apprentissage.

Une heure devant un écran peut ou bien constituer une perte de temps et une activité isolée; ou, au contraire se transformer en source d’apprentissage et générer une multitude d'échanges de points de vue entre les élèves. C'est la manière d'employer le média qui fait la différence. L’élève est-il appelé à regarder ses émissions en totale liberté, ou bien l’amène-t-on à s’interroger à l’aide d’un questionnaire de compréhension ou d’un outil de collecte d’informations. Le laisse-t-on entièrement seul, ou bien l’amène-t-on à partager ses nouvelles connaissances avec d’autres dans le cadre de projets?

-          Des éléments du socioconstructivisme

Vous me voyez venir. Dans un article antérieur, j’ai brièvement abordé la question des scénarios pédagogiques exploitant l’usage des TIC, basés sur une approche socioconstructiviste, dans un cours que j’ai donné à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) il y a une dizaine d’années. Il m’arrivait à l’époque d’amener mes futurs enseignants d’abord à identifier les paramètres du projet qu’ils voulaient faire vivre à leurs élèves. Se limiterait-on à de simples recherches d’informations  dans le but de documenter une présentation orale? Ou bien voudrait-on amener des élèves à mieux comprendre les réalités du monde international par le biais d’un jumelage linguistique avec des élèves d’un autre pays? Penser en premier au projet et non aux TIC était une façon de ne pas placer la charrue devant les boeufs.

Une fois les paramètres de base du projet définis (objectifs, séquences d'activités...), il devenait beaucoup plus facile de faire un choix de technologies en conséquence, de penser aux moyens. Internet, par exemple, devenait une ressource fabuleuse, non seulement pour y faire de la collecte d’informations, mais aussi pour y établir la base d’une communication entre les élèves. De nos jours, les médias sociaux comme Facebook ou les blogues constituent des moyens incontournables de diffusion et d’échange d’informations en dehors du milieu scolaire.

-          Le nomadisme pédagogique

L’avènement des technologies portables comme les lecteurs MP3 ou les iPad ouvre de nouveaux horizons à l’apprentissage. Un seul petit bidule électronique peut contenir une somme astronomique de chansons et de livres audio, transportant l’apprentissage des langues, par exemple, dans le métro, dans la salle d’attente d’un hôpital,  en poussant son charriot d’épicerie dans un supermarché, ou dans nos petits déplacements à domicile. Bref, partout où l'on n'a rien à faire qui nécessite notre concentration. Ces instruments offrent de nouvelles avenues à la formation en ligne qui, déjà, permet de rejoindre des clients aux prises avec des contraintes d’horaire ou de déplacements. Chaque seconde de notre vie active peut être consacrée à des exercices d'apprentissage. 

Le nomadisme éducatif par le biais de la technologie offre de nouvelles options aux stratégies d’apprentissage découlant de l’autoformation, faisant littéralement éclater les murs de l'école.

Conclusion

Je ne reviendrais pas en arrière en éducation, connaissant le potentiel énorme que nous offrent les TIC tant sur le plan du développement des habiletés cognitives, que sur le plan social; ou encore de ce qu’il est convenu d’appeler la démocratisation des savoirs. L’accès à l’apprentissage déborde largement de nos jours le cadre purement scolaire, et c’est tant mieux! Les TIC contribuent efficacement à la mise en place de dispositifs d'apprentissage personnalisés, renforçant une démarche en autoformation et articulée autour de rapports sociaux. Je suis toutefois d’accord qu’un usage efficace des TIC en éducation repose sur l’élaboration de scénarios d’apprentissage et des approches pédagogiques éclairées. Sans cela, nous ouvrons la voie à tous les excès, donnant des munitions aux fervents du retour aux vieilles méthodes. Et tel n'est surtout pas notre intention.

[À suivre]

Dans la même série :

Texte : Luc Renaud M.A Sciences de l’éducation, le 18 février 2012 

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Bienvenue au 21e siècle! Si passifs que ça la télé et les jeux vidéo?

Publié le par Luc Renaud

Afin de faciliter la réalisation des devoirs et des leçons, des intervenants du milieu scolaire placent les gadgets électroniques sur la liste de simples jouets à inscrire dans un système de punition et de récompense. À notre avis, cette attitude traduit une vision réductionniste de l’apprentissage, particulièrement celui relié à l’informel et à l’autoformation. Le combat mené par certains contre les technologies de l’information et de la communication (TIC) reflète la réalité d’un fossé de générations, qui tend à s’élargir et qui exige peut-être un renouveau du milieu scolaire.

Ou bien, l’école de la vie dispose de plus en plus des moyens de s’afficher comme une concurrente crédible, pouvant même se passer de l’école.

Cet article tente de lever le voile sur cet écart de points de vue. Comme nous avons déjà traité de la valeur éducative des TIC dans d’autres articles, nous prendrons cette fois-ci l’exemple de deux moyens bien assis sur le banc des accusés des ennemis de l’éducation : la télé et les jeux vidéo.

1-      Le point de vue de parents et d’éducateurs sur les TIC

L’usage des moyens électroniques gruge de plus en plus de temps à des activités sportives et à la réalisation des devoirs scolaires, un point de vue que des difficultés scolaires et des problèmes d’embonpoint tendent à confirmer. Des éducateurs, des pédiatres et des neurologues allèguent même que l’univers visuel des jeux vidéo ou de la télévision constitue un dangereux système de stimuli ne développant que certaines habiletés cérébrales, ou encore ne faisant appel qu’à l’habileté naturelle de l’attention. D’autres sautent à pieds joints sur des cas de cyberintimidation et de cyberdépendance pour ajouter au discrédit des outils technologiques. Certains adultes y voient même une diminution de qualité sur le plan des relations familiales, conduisant les jeunes sur la voie de l’isolement.

 23-01-12

Face à plusieurs situations problématiques, des chercheurs admettent que les hypothèses émises relèvent souvent davantage de la croyance que des faits, particulièrement si l’on se donne la peine de bien réfléchir à la nature des rapports sociaux de notre temps. Nous y percevons même le biais de valeurs discordantes à celles des jeunes.

 

La vision sombre des TIC nous fait oublier qu’il s’agit d’outils, au même titre que l’ardoise, le crayon et le tableau, en plus de nous priver de leur extraordinaire potentiel d’accessibilité à l’information et de rapprochement planétaire. Leur utilité ou leur nuisance dépend de l’usage qui en est fait. Il en va de même des outils généralement reconnus comme des sources fiables d’apprentissage, comme le livre. Dans l’Orange mécanique de Stanley Kubrick, les vilains de la Bible devenaient de beaux modèles pour des criminels endurcis. Des gens tombent endormis un livre à la main, ou laissent leurs pensées se disperser sur plein d’événements étrangers à l’histoire, etc.

 

Face à des problèmes de motivation, l’école craint-elle le renouveau ou l’émergence d’un monde éducatif parallèle, lui échappant? Après s’être attaqué à la crédibilité des politiciens, et de la religion, a-t-on pris la technologie comme nouvelle cible?

 

2-      La plaidoirie de la défense des jeunes

De leur côté, des jeunes allèguent que les moyens de communication actuels se comparent avantageusement à ceux des époques antérieures, et que la qualité des rapports humains est restée inchangée. Qui plus est, le téléphone mobile facilite l’organisation de travaux d’équipe, et Facebook complémente bien les relations sociales de la vie réelle  grâce à des moyens d’organisation d’événements sociaux ou d’échanges de photos, etc.

Le doigt accusateur des adultes porte beaucoup sur l’usage de la télé, dont l’usage n’a paradoxalement pas varié depuis les trente dernières années. Les plus vieux projettent-ils alors leurs propres problèmes sur les plus jeunes? Le jeu vidéo de type Nintendo, Wi, Play Station, etc., passe aussi sous le rouleau compresseur des accusateurs, qui y voient la source de sérieux problèmes de socialisation et d’apprentissage.

Dans un cas comme dans l’autre, la dépendance peut sans doute être nuisible : l’abus se comparerait à l’alcoolisme, au jeu compulsif et à la toxicomanie. Mais en moyenne, le tableau est-il réellement si sombre?

 

 

  

La télé:

Ne dit-on pas souvent que pour exceller dans un domaine, il faut y consacrer toute son énergie et, par ailleurs, qu’une grande partie des apprentissages provient de l’observation de modèles? Dans ce contexte, quels seraient les ingrédients de l’expérience télévisuelle qui pourraient se révéler utiles dans une démarche d’écoute active? Le jeune n’est-il pas constamment témoin de multiples situations d’interactions sociales? Dans certains cas, son imaginaire n’est-il pas sollicité à collaborer à la résolution d’une enquête en suivant les péripéties d’un héros? Par le comportement de celui-ci n’apprend-il pas les vertus de standards de haut niveau?

Si tous les jeunes ne deviennent pas journalistes, scénaristes, acteurs ou dramaturges par l’observation de tels modèles de vie, les apprentissages valables de l’expérience télévisuelle demeurent encore méconnus; à moins qu’il faille y voir une phase préalable à l’usage du Web, générateur du rapprochement planétaire. Joël de Rosnay n’affirme-t-il pas que nous sommes devenus des producteurs d’information grâce aux médias sociaux et à Internet? Peut-être l’écriture et la télévision ont-elles constitué historiquement des passages obligés à ce phénomène.

Le jeu vidéo :

Des impressions de dépendance au jeu vidéo constituent sans doute une grande source de frayeur chez les parents qui voient leurs jeunes en situation de transe pendant de nombreuses heures. Au-delà de ce problème, nous y voyons beaucoup d’intérêt tant sur le plan cognitif que sur celui de la socialisation. Dans l’ensemble, le tableau est plutôt rassurant. Pour comprendre ce point de vue, il faut se mettre dans la tête d’un joueur, à défaut d’en être un soi-même.

 

 

Contrairement aux allégations de certains éducateurs, le jeu vidéo ne se limite pas à un ensemble de stimuli exigeant une forme d’attention machinale. Les produits modernes, 3D, exigent même beaucoup de concentration de la part du joueur appelé à penser et à agir rapidement s’il tient à progresser dans la partie. Ses moindres faits et gestes peuvent se traduire en quelques microsecondes à la collecte de prix ou à la perte de vies. La transe dans laquelle il est plongé s’apparente à l’expérience de l’ici-maintenant puisqu’aucun progrès n’est possible s’il se laisse distraire par des problèmes extérieurs, des images externes  ou des projets d’avenir.


 

Au cours des premières heures, il avance par  essais et erreurs; toutefois, il acquiert graduellement une mémoire extrêmement précise des scènes du jeu, des gestes gagnants et perdants, et une compréhension séquentielle et procédurale d’une partie. Pour arriver au but, il devra faire preuve de vitesse et d’anticipation, répéter souvent, persévérer et prendre plaisir à relever de nouveaux défis. Les victoires successives, ou l’atteinte des niveaux supérieurs, augmentent l’estime de soi. Pensez-y avant de dire à votre jeune qu’il perd son temps…

Le joueur alimente également son imaginaire de personnages et de mondes fantaisistes, faisant titiller son sens de la créativité. Plusieurs forment également des clubs, partageant leurs trucs et astuces dans leurs rapports sociaux. D’autres poursuivront leurs études en informatique et travailleront dans le domaine de l’imagerie 3D. Si passifs que cela les jeux vidéo? Il s’agit en fait d’activités de simulation qui, sur le plan éducatif, ont donné naissance aux simulateurs de vol servant à la formation des pilotes d’avion ou d’astronefs.

 

Au lieu de chercher la bête noire et de penser en termes de réduction du temps à consacrer à l’usage des médias, peut-être serait-il approprié de se demander de quelle manière capitaliser sur les apprentissages informels de nature stratégique et transversaux qui émergent de leur influence. Le développement de scénarios pédagogiques riches et variés se traduira par l’équilibre recherché entre les formes d’apprentissage voulues; l’évitement de la dépendance aux médias en sera une conséquence et non la finalité.

.Conclusion

Si le milieu scolaire éprouve de la difficulté à motiver sa clientèle habituelle, peut-être devrait-il y voir les signes d’un besoin de renouveau. Dans d’autres articles, nous avons donné l’exemple d’écoles qui mettent à profit la notion de jeu sérieux dans leurs formules pédagogiques... En attendant cet arrimage entre la réalité des jeunes et le milieu scolaire, plusieurs enfants du primaire et des ados du secondaire devront apprendre à mieux distribuer leur temps entre leur usage de la techno et les exigences des travaux, des devoirs et des leçons, du moins jusqu’à ce qu’ils aient plus de liberté de choix au cégep et à l’université.

Ils devront aussi faire des concessions à la société, adopter des pratiques de vie généralement en vigueur et apprendre à l’école des bases essentielles à partir de méthodes éducatives à améliorer. En dépit des grands progrès de l’apprentissage expérientiel et de l’école de la vie, la voie officielle traditionnelle constitue encore celle qui offre les meilleures garanties d’avenir. Nous dirions que les jeunes doivent garder en mémoire qu’ils forment un groupe minoritaire dans une société largement déterminée par les adultes.

Faisant ces compromis, ils sauront tirer partie du meilleur des deux mondes et pourront éventuellement se vanter d’exercer un métier où les apprentissages réalisés par la bande, parallèlement ou en-dehors de l’établissement scolaire, leur permettront peut-être d’établir les nouvelles règles du jeu de la société.

 

Dans la même série :

Texte : Luc Renaud, M.A. Sciences de l’éducation, le 23 janvier 2012

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