Joyeux Noël par les crèches

Publié le par Luc Renaud

Je suis né le 25 décembre et, pour les curieux; oui, cela signifiait une réception du double de cadeaux. Il y avait ceux de la fête de Noël un peu avant le réveillon, et ceux de mon anniversaire, le lendemain midi. Par contre, je n’ai pas vraiment eu de fête d’enfant; vous comprenez pourquoi : tous mes amis passaient la période des fêtes en famille. Pendant le congé d’école, nous allions faire du ski de fond ou un peu de raquette en famille. De nos jours, nos sorties de fin d'année sont de nature plus culturelle : les films de Noël, les spectacles du Vieux-Port de Montréal et une visite à l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal à Montréal pour y mirer l’exposition de plus d’une centaine de crèches de Noël en provenance de plusieurs pays du monde.

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À première vue, ce qui impressionne le visiteur, c’est l’étendue du christianisme à travers le monde, sur l’ensemble des continents. Malgré le fait que la scène de référence soit la naissance de Jésus à Bethléem, chaque communauté culturelle injecte ses propres traits dans la confection de sa crèche. L’ensemble constitue un beau panorama de la mosaïque humaine à partir d’un point de convergence. Ainsi y reconnaît-on les couleurs vives de l’Amérique latine, les figurines de bois d’ébène du continent africain, ou encore les représentations de la Nativité sur des icônes orthodoxes, etc. Les Amérindiens y ont même des personnages vêtus de cuir et portant des mocassins. Ailleurs, dans le Vieux-Port, des crèches humaines ont réanimé à leur façon la magie de Noël dans une fête axée sur la nostalgie de l’enfance.

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Mais que représente la crèche de Noël dans un monde aux valeurs si hétéroclites?

L’historien nous expliquera le déroulement de toutes les campagnes d’évangélisation  qui eurent cours dans l’Histoire, certaines d’entre elles dans des contextes de guerre sainte ou dans un esprit de massacres, comme lors de la Conquête espagnole. De tous temps, de faux hommes de Dieu ont confondu le message et le messager, accordant à leurs passions bien humaines une priorité maladive sur l’amour divin. Et, de tous temps, de vrais hommes de Dieu ont tenté de ramener ces fous et criminels à la raison. Pour vous en convaincre, je vous suggère la lecture du roman historico-policier Le Nom de la Rose d’Umberco Eco; ou bien voyez à l'écran les prouesses de Sean Connery dans le rôle d'un frère détective.

 

De son côté, le politicologue tiendra un discours sur les jeux de pouvoirs et sur le rôle de l’Église dans l’État. Le théologien verra plutôt dans la crèche le désir de Dieu d’affaisser les prétentions des Hommes, nous ramenant à la toute-puissance de la simplicité. Comprenez bien le pouvoir de la scène : LE Sauveur, LE Bien-aimé, est né dans la paille entre un âne et un bœuf. Il y a là de quoi faire frémir bien des millionnaires et hommes de pouvoir de la planète.

Ça explique peut-être pourquoi le monde actuel, bien ancré dans le libéralisme économique et la société de consommation cherche tant la suppression de valeurs chrétiennes favorisant la richesse du cœur à la pauvreté matérielle, chassant également trop souvent l’esprit de partage et d’accueil au profit de l’individualisme.

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Pourtant, la justesse de nombreuses valeurs chrétiennes est reconnue comme une panoplie de principes directeurs d’un monde juste et équitable : la fraternité, la solidarité, la subsidiarité, la recherche du bien commun, la dignité de la personne, l’égalité, l’équité, l’universalité… De même, le pardon, la confiance et la réconciliation forment des constituantes importantes du maintien de la paix aussi bien au travail que dans la vie familiale ou sociale. Ces principes emplissent même les poches des services de médiation et des spécialistes en thérapie familiale.

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Cette crèche a été fabriquée par un groupe d'élèves en menuiserie, qui l'ont offerte à mon père il y a plus de cinquante ans. Les trois moutons, Marie et le grand roi mage sont les seuls personnages d'origine.

Par ailleurs, la vie et l’amour demeurent de grands mystères et des forces naturelles qui transcendent l’esprit humain. Que penser aussi de grands idéaux comme la liberté, nos forces intérieures, la paix et l’espérance? Dites-moi; est-il si ridicule de croire en l’existence d’une dimension spirituelle se juxtaposant aux volets corporel et psychologique d’une personnalité? De même, est-il absurde de croire que le mariage puisse être le reflet de deux êtres unis de corps et d’esprit ayant comme projet la constitution d’un foyer?

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La crèche de Bethléem, c’est aussi un exemple d’entraide au sein de la grande famille humaine. Un aubergiste inconnu offre son étable au couple mal pris, se refusant de laisser une femme enceinte à la rue. Nous y voyons le geste d’une âme charitable. D’autres inconnus, des bergers, s’empressent d’assister à la naissance de l’enfant. Guidés par une mystérieuse étoile ou la comète de Halley, des mages écoutent un filet de voix intérieure et se dirigent aussi vers la célèbre étable. Mais quelle était cette voix, sinon celle de l’amour? De mère à mère, Marie a-t-elle laissé une bergère prendre le Christ dans ses bras? Le berceau de l'enfant Jésus éveille tant l’imaginaire et le sens de la famille que plusieurs non-croyants continuent de représenter la Nativité autour du sapin de Noël, en dépit du mouvement d’athéisme actuel des sociétés industrialisées. Cette petite étable évoque tant le sens de l'accueil que le terme crèche s’est même répandu aux orphelinats hébergeant des enfants abandonnés ou sans parents.

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La vision chrétienne de la famille s’oppose-t-elle à certaines réalités du monde moderne qui multiplie les divorces et qui affichent un taux de natalité extrêmement bas? La famille se réduit-elle à une question d’arithmétique dans un milieu faisant du carriérisme une priorité absolue?

En somme, la crèche de Noël nous interpelle et nous touche en nous ramenant confusément vers l’essentiel. Elle nous arrache quelques instants d’un monde individualiste plaçant en contradiction la nécessité de la consommation et les valeurs essentielles mentionnées plus haut. Finalement, c’est peut-être cet effort de réconciliation avec la Nature qui constitue la magie de Noël. Sur ces mots, je souhaite à tous et à toutes un très joyeux Noël dans l'esprit d'amour et de paix recherché par l'enfant né il y a un peu plus de 2 000 ans.

 

 

Texte : Luc Renaud M.A. Sciences de l’éducation 25 décembre 2010

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